Retour à Gerardmer 2013
Première partie du compte-rendu

Un mois après le 20ème festival de Gerardmer, retour sur les films de la programmation.

Pour lire les résumés des films, il suffit de cliquer sur les titres.

Commençons avec du moins bon. Le réalisateur Michael Bartlett, le chef opérateur Ken Kelsch et même Abel Ferrara (un ami de ces deux derniers) étaient présents à la projection de ce House of Last Things, présenté en compétition officielle. Il repartira bredouille, et c’est pas plus mal ainsi.

affiche House of the last things

Michael Bartlett, 3 films en 25 ans, se croit plus intelligent que le genre (qu’il regarde de haut) et se la joue à faire complexe avec des thèmes éculés (le deuil d’un enfant, les secrets de famille…) et des clichés épuisés (un gamin maléfique évoquant le Danny de Shining). Il tente de cacher cette vacuité par un symbolisme lourdingue (la pomme, Adam, etc.), un montage en roue libre jusqu’à l’abstraction (mais du coup bourré d’idées) et du classique à la bande-son (hop, la 7ème Symphonie de Beethoven balancée sans aucune justification) pour faire intellectuel et parce que l’un des personnages est critique musical. La mascarade fait illusion une petite demi-heure, intriguante (on se demande ou le réalisateur veut nous mener), mais la curiosité laisse bien vite place à l’ennui puis à l’agacement. A force d’attendre les clés de ce mystère aussi absurde que prévisible, on finit par s’en contrefoutre complètement. On attend alors la fin au bout d’une demi-heure (ça dure 1h50 !), fin qui semble ne jamais arriver dans une dernière partie interminable et qui, quand elle est là, se révèle ridicule et aussi grossière que le reste, notamment quand vient l’explication de ces foutues balles de golf qui traversent tout le récit. L’accumulation des scènes qui s’enchevêtrent sans cohésion met le spectateur de côté et instaure peu à peu une indifférence totale, même quand les visions oniriques et cauchemardesques se mêlent à la réalité (déjà pas bien réelle à la base). Prototype du film fantastique pour festivaliers bobos, House of Last Things est un film d’auteur poseur et prétentieux qui veut jouer au plus malin mais n’arrive jamais à la cheville de quelques secondes de David Lynch.

C’est pourtant mit en scène avec style et inventivité, parfois même joli grâce au travail de Ken Kelsch (le chef opérateur d’Abel Ferrara), en dépit d’une esthétique cheap (très téléfilm) et d’un formalisme chic typique du cinéma indépendant américain. Le film est aussi intéressant dans la forme que vague dans le fond. Si le scénario n’était pas aussi crétin, House of Last Things aurait fait un beau film d’atmosphère. Le rythme indolent d’un montage en fondus enchainés est soutenu par un thème musical entêtant qui renforce un caractère aussi hypnotique qu’il peut être rébarbatif, tandis que l’abus de ralentis donne l’impression que le récit n’avance pas. Le film a sa personnalité, mais elle est peu agréable.

Le charme de la mignonne Lindsey Haun (la petite Mara du Le Village des damnés de Carpenter, Hadley Hale dans True Blood et l’héroïne de Shrooms) ne suffit pas, et il faut se coltiner des interprétations too much, théâtrales et ringardes, mention spéciale à l’insupportable Blake Berris (un nom à faire vendre des Smartphones), dont le réalisateur se complait à filmer les fesses plutôt que de nous dévoiler le moindre bout de sein de Lindsey Haun (oui oui, à ce niveau-là on en vient à être regardant sur ce genre de détails). Dans le rôle du frangin attardé, RJ Mitte (le fils dans Breaking Bad) semble lui aussi s’ennuyer profondément. Les personnages sont d’autant plus irritants qu’ils déblatèrent des dialogues débiles et réagissent toujours n’importe comment. Pas de date de sortie prévue en France (ni ailleurs) pour l'instant.

The Pact

Restons dans les maisons hantées et leurs fantômes révélateurs de lourds secrets de famille, contexte qui pourrait presque être la thématique de cette 20ème édition du festival puisque plusieurs films de la programmation parlent de ça. Hors compétition, The Pact parvient cependant à se distinguer par son mélange équilibré et étonnamment crédible entre le film d’enquête, le film de fantômes et le film de serial-killer, troussé par une mise en scène rigoureuse et au cordeau qui place efficacement le spectateur auprès des personnages (la caméra les suit souvent de dos), ce qui rend certaines séquences d’épouvante imparables. The Pact réserve en effet quelques vrais coups de flippe, notamment toute la première partie dans la maison hantée et les scènes dans la pièce condamnée (dont un final stressant à souhait). Comme l’espagnol Andrés Muschietti avec Mama (Grand Prix du festival), l'irlandais Nicholas McCarthy réalise son premier long métrage en reprenant un court métrage qu’il avait réalisé en 2011. Malgré son apparente banalité au premier abord, l’intrigue réussit à surprendre et expose une bonne idée qui aurait gagné à être plus exploitée (le dénouement est trop précipité). Avec un réel sens de la précision et du détail (le moindre objet a son importance), le cinéaste crédibilise des stéréotypes (cf. le personnage aussi sordide qu’intéressant de la médium) et prend son temps pour raconter son histoire, au gré d’un rythme assez lent et d’une tension constamment maintenue car parsemée de fulgurances (les cauchemars), de silences pesants (beau travail de mixage) et de poussées d’adrénaline (on finit par avoir aussi peur que l’héroïne de retourner dans la maison). De facture classique, The Pact pose une atmosphère oppressante. 90 minutes, petit budget, production indépendante : pas besoin de plus pour faire une bonne petite série B d’épouvante.

Beauté atypique, Caity Lotz (vue dans Mad Men et Death Valley) ne joue pas la peur comme une vulgaire scream-girl et se révèle très convaincante, tout comme les seconds rôles, incluant la jolie Agnes Bruckner (héroïne de The Woods, Blood and Chocolate, Venom et Vacancy 2) et ce bon vieux Casper Van Dien, qui vieillit bien et prend des airs à la Viggo Mortensen (dommage que son rôle d'inspecteur ne serve à rien et soit expédié). Mark Steger, homme-créature dans Je suis une légende, The Unborn ou Men in Black II, compose un personnage traumatisant de tueur taciturne. Pas de date de sortie prévue en France pour l'instant.

affiche Henge

Egalement hors compétition et déjà présenté à l'Etrange Festival l'année dernière, Henge est en réalité un moyen métrage de 54 minutes : c’est suffisant pour ce délire déviant typiquement japonais qui commence comme un remake gonzo de La Mouche pour finir en remake tout aussi gonzo de Godzilla, la transformation d’un humain en insectoïde passant par une forme de possession (en proie à de violentes convulsions, le personnage mute et parle une langue ancienne inconnue). Ça pourrait même être une variante de Hulk ou du mythe du loup-garou. Pourtant, malgré son esthétique cheap (des SFX latex, des maquettes rudimentaires…), ses élans d’hystérie (les crises du personnage) et son caractère « WTF » fun et nanardesque, Henge dégage quelque chose de touchant et de dérangeant, tragique et romantique même dans ses déviances. La bande-son grondante pose une atmosphère grave, mélancolique et oppressante, presque décalée par rapport à ce qu’il se passe de très Z à l’écran. Henge évoque David Cronenberg, Shinya Tsukamoto, Clive Barker, Moi, zombie: chroniques de la douleur ou même du Uncut Movie mais sans l’érotisme. Très drôle, jubilatoire et assez fascinant.

The Bay

En compétition, The Bay était l’un des films les plus attendus du festival cette année. C’est aussi le nouveau film de Barry Levinson, auquel on doit des succès comme Rain Man, Le Secret de la Pyramide, Good Morning Vietnam, Bugsy, Harcèlement, Sleepers ou Des Hommes d'influence. Qu’un réalisateur aussi expérimenté et réputé s’attaque à un genre habituellement réservé aux jeunes réalisateurs et aux tâcherons a de quoi éveiller la curiosité. Barry Levinson avait déjà un peu tâté du found-footage dans son Panique à Hollywood, sorti chez nous en DTV malgré son casting prestigieux (Robert De Niro, Sean Penn, Bruce Willis...). Troisième film fantastique de Levinson (après Le Secret de la Pyramide et Sphère) et coproduit par les frangins Strause (pros des effets spéciaux et réalisateurs mal-aimés de Aliens vs. Predator : Requiem et Skyline), The Bay prend la forme d’un documentaire retraçant, à travers le témoignage d’une étudiante journaliste survivante, la progression d’une épidémie dans une petite ville côtière subissant de plein fouet la toxicité de ses eaux. La croissante fulgurante du virus atteint des proportions effrayantes. C’est un peu Contagion ou Alerte, mais à plus petite échelle. The Bay est d’ailleurs une toute petite production, sans acteurs connus (si ce n’est Kristen Connolly, l’héroïne de La Cabane dans les bois), assez fauchée et très bis, ce qui est étonnant de la part d’un réalisateur oscarisé qui a dirigé les plus grandes stars d’Hollywood.

En difficulté ces dernières années (cf. les échecs artistiques et commerciaux que sont ses trois précédents films : Envy, Man of the Year et Panique à Hollywood, qui ne sont d'ailleurs même pas sortis au cinéma chez nous), Barry Levinson a eu la bonne idée de se reconvertir dans ce genre très à la mode depuis quelques années et pas cher à produire. Le résultat est assez enthousiasmant malgré ses failles. Le propos anti-républicain et écologiste n’est pas très fin, les invraisemblances (de nos jours, il serait impossible de garder secret une telle catastrophe) et absurdités (les scientifiques qui décident de plonger sans protection dans une eau qu’ils savent hautement toxique et habitée par des parasites mutants) se succèdent, et le cinéaste triche avec le genre en intégrant des plans de cinéma et des effets (cf. le gros plan en fondu enchainé sur le maire au volant). Mais Levinson, qui avait indirectement touché au sujet (la contamination, la panique, la paranoïa, la propagation de la peur) avec son sous-estimé Sphère, sait instaurer une tension réaliste, une ambiance anxiogène et un sentiment de peur panique, l’impression que l’horreur peut surgir à tout instant. Et en effet, aussi bordélique soit-il, le récit est parsemé de vrais moments de flippe (on sursaute plusieurs fois), de poussées d’adrénaline (hélas trop ponctuelles) et de fulgurances dégueulasses (les visions fugaces des parasites, les cadavres, les infectés…), Levinson ayant gardé les vieux codes du film d’épouvante et du film de monstre. A travers le prisme du found-footage, les effets spéciaux sont saisissants là où ils auraient sonné plus cheap dans un film « traditionnel ». La découverte des parasites fait froid dans le dos, d’autant plus qu’ils existent réellement. On pouvait attendre plus qu’un faux docu à la Zone Interdite, mais The Bay ne manque pas de moments marquants et de nervosité. Sortie dans les salles françaises le 19 Juin prochain.

The Forest Blu Ray

Avec des films comme Saw 2, Saw 3, Saw 4, Mother's Day, The Devil's Carnival ou Repo! The Genetic Opera, le mal-aimé Darren Lynn Bousman s’est pourtant imposé comme le nouveau prince de la série B bête, méchante, dégénérée et vomitive. Son surprenant The Forest (The Barrens), présenté hors compétition et fraichement sorti en DVD / Blu-Ray en France, vient confirmer ce statut. Il ne s’agit pas vraiment d’un survival en dépit des apparences, mais d’un film d’horreur psychologique. Bousman développe en effet un suspense paranoïaque au cœur d’une forêt maléfique et pervertit une gentille famille américaine dont l’un des symboles, l’inévitable chien, sera d’ailleurs l’élément déclencheur de leur descente aux enfers. La perversion malsaine des valeurs américaines est récurrente dans la filmographie de Bousman, en particulier dans les radicaux (pour ne pas dire facho) Saw 3 et Mother's Day, ses meilleurs films. The Forest pourrait être une allégorie de l’Amérique rongée par la rage. En s’attardant sur la folie du père et de ses symptômes effrayants (ceux de la rage) tout en évoquant une vieille légende qui hante la forêt (une créature ailée qui serait un fils adoptif du diable), Bousman joue habilement avec les attentes du spectateur, l’amenant sur une fausse piste savamment entretenue et à l’efficacité imparable, au point d’en faire oublier une séquence d’introduction inutile qui en montre trop. Après un parcours éprouvant, The Forest finit par donner radicalement raison aux paranoïaques (même constat avec The Conspiracy, également présenté hors compétition à Gerardmer cette même année) et tape, hélas trop tardivement, dans le pur film de monstre à résonnance mystique. Le style fauché et à l’arrache du cinéaste, associé à la prod design de David Hackl (un autre réalisateur de la saga Saw), à une bande-son menaçante (les grondements font froid dans le dos) et à un sens du détail macabre qui fait dire « aïe ! » ou « beurk », confère à The Forest un caractère sale et craspec parfaitement adapté à la  déviance psychologique d’un récit qui semble bouffé par la rage touchant le personnage. Ça n’en reste pas moins fun, comme tous les films de Darren Lynn Bousman.

The Forest jouit par ailleurs de l’interprétation habitée du « sous-Sean Bean » Stephen Moyer (le Prince Valiant d’Anthony Hickox et Bill Compton dans True Blood) et de la présence lumineuse de Mia Kirshner (devenue une vraie MILF). Étonnamment, Bousman est un excellent directeur d’arteurs (cf. Saw 3 et Mother's Day).

blu ray anglais

Nous avions découvert un premier montage de ce documentaire lors du PIFFF de 2011. Tandis qu'il sort très prochainement en Blu-Ray import (cf. jaquette ci-dessus), il est présenté à Gerardmer dans sa version définitive. Retour sur l'avis de Richard B : "Véritable hymne d'amour dédié à Ray Harryhausen le documentaire intitulé Ray Harryhausen : Le Titan des Effets Spéciaux, écrit et réalisé par Gilles Penso et produit par Alexandre Poncet, ne se complait pas dans les louanges (il y en a quand même quelques-unes) mais au contraire ouvre un véritable débat entre les créatures d'hier - conçues par un homme qui a fêté ses 92 ans en 2012 - et celles d'aujourd'hui. À travers ce documentaire, c'est un casting de malade qui prends la parole : Steven Spielberg, James Cameron, Nick Park, Peter Jackson, Tim Burton, Guillermo Del Toro, Joe Dante, Dennis Muren, John Landis et bien d'autres encore. Passionnant de bout en bout et accompagné de nombreuses images d'archives (bien qu'on aurait voulu voir le maître poser les peaux autour des ossatures), ce documentaire est à la fois une petite merveille pour les fans mais aussi pour les novices qui pourront comprendre que le CGI c'est bien, mais qu'il existait « un avant » qui ne manquait pas de magie et qui n'a certainement pas dit son dernier mot. Si cela ne dépendait que de moi, on devrait montrer ce documentaire à toutes les écoles, afin que les nouvelles générations comprennent que le cinéma ce n’est pas que Transformers !"

Suite du compte-rendu la semaine prochaine.

 

Jonathan C.

 

Auteur : Jonathan C.
Publié le samedi 23 février 2013 à 13h57

Diaporama photo : The Forest [2013]

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