BIFFF 2018 : Le Guillermo Del Toro's Day
Gloire au maître...
Au BIFFF, ce mercredi 11 avril fut marquée par la venue du réalisateur mexicain Guillermo Del Toro, venu animer une master class devant près d'un millier de festivaliers. Un évènement exceptionnel géré d'une main de maître par le festival, et qui a sans nul doute fait venir dans les allées du BIFFF un public qui découvrait le festival. Et à part ça ? Et bien comme tous les jours ma bonne Lucette : des binouzes et des films !
Cop Baby
Igor Khromov vient de passer un an en prison afin de faire copain-copain avec la pègre et créer une confiance avec l'un des plus gros gangsters de la Russie. En liberté conditionnelle, Khromov peut enfin croiser le chemin de celui qu'il désirait coincer depuis des années.Le souci c'est que sur son chemin il croise une diseuse de bonne aventure qui lui annonce quelques mauvaises nouvelles sans pour autant êtes parfaitement clair dans ses prédictions. Résultat : Igor croise le chemin du flic le plus maladroit de la planète et se prend une balle à sa place. Sauf qu'à la place de se retrouver au ciel, il se réincarne en petit modèle humain avec couche. Pour autant, il faut plus pour arrêter l'inspecteur Harry russe, après un an à attendre d'apprendre à nouveau à parler, il décide de raconter tout au paternel et partir couche au fesse à la chasse au vilain.
Vous connaissez Charles Lee Ray le tueur en série que se réintègre en Chucky, bien maintenant voici Igor Khromov – super flic – qui prend possession du corps d'un bébé. 100% cabotin à l'humour loin d'offrir de la subtilité et des situations aussi grosses qu'une sardine qui aurait bouché le port de Marseille, le film d'Alexander Andrushenko à l'avantage d'avoir une certaine allure visuelle (même si les CGI autour de l'enfant sont de qualités très discutables, et peuvent bloquer). Bref, ce Cop Baby c'est aussi subtil qu'une comédie française, sauf qu'ici, globalement, ça ne ressemble pas à un téléfilm de TF1. Et avec une certaine indulgence, on peut même sourire à quelques situations (la séquence avec une stripteaseuse qui se fait interroger et quand même plutôt sympathique pour exemple). Spectacle familial par excellence, pas aussi cool que du genre Un flic à la maternelle. Et outre la séquence longue et débile du paternel sous influence de la drogue, d'une lourdeur et d'un cliché horripilant, Cop Baby n'est pas forcément déplaisant si on y place une certaine bonne volonté
Texte et avis de Richard B. : 5/10
Vincent L. : 3/10
Ederlezi Rising
Ce n'est pas tous les jours qu'on a la possibilité d'assister à la projection d'un long-métrage serbe, et ça devient même rarissime dès lors que l'on parle de science-fiction ! Mais le BIFFF, c'est comme la SNCF, tout est possible ! Ederlezi Rising est bel et bien un film de science-fiction serbe, qui plus est plutôt bien fichu ! On sent qu'il y a eu de l'ambition dans ce projet : on n'est pas face à une série B fauchée tournée en catimini dans la banlieue de Belgrade, loin de là ! La prod design d'Ederlezi Rising a visiblement été très très soignée, et le fait que le film soit tourné en anglais démontre d'une volonté de s'exporter sur la scène internationale. Maintenant, est-ce que le ramage se rapporte au plumage ? C'est une tout autre question...
Globalement, j'ai plutôt bien aimé Ederlezi Rising. On est ici face à un film qui convoque à la fois Blade Runner, Ghost in the shell et 2001, l'odyssée de l'espace, trois oeuvres très prestigieuses qui mettent la barre très très haut. Ce niveau, Ederlezi Rising ne l'atteint malheureusement jamais. Néanmoins, cette volonté de se hisser à la hauteur de ces oeuvres maîtresses m'a rendu le film assez sympathique. En fait, le gros problème de ce long-métrage, c'est son classicisme absolu qui le fait dérouler une histoire dont on connaît d'avance les tenants, les aboutissants et les thématiques. Un astronaute et une cyborg partent pour un voyage spacial de plusieurs années. Je n'en dit pas plus, avec les trois grandes inspirations du film, vous devriez deviner sans problème l'ensemble de l'histoire qui va être racontée. Ceci dit, si l'histoire est très classique, reconnaissons qu'elle est au moins bien racontée.
Le récit d'Ederlezi Rising est parfaitement mise en valeurs par une mise en scène est soignée - très esthétique (trop diront certains) - et des effets spéciaux de grande qualité. Le rythme est en revanche beaucoup plus faible. On sent que Lazar Bodroza, le réalisateur du film, multiplie les effets et les tours de manche pour parvenir jusqu'aux 90 minutes conventionnelles (là où une grosse heure aurait largement suffit). Il a ainsi recours à des passages un peu creux dans lesquels il filme son décor et sa comédienne principale sous toutes les coutures (en essayant tout de même de varier les effets et le style). Suivant si vous entré dans le trip, vous apprécierez plus ou moins ces nombreuses parties ; ce qui est certain, c'est qu'elles n'apportent rien au schmilblick.
Vincent L. : 6/10
Five Fingers for Marseilles
Le BIFFF a toujours un ou deux films dont on ne comprend pas vraiment la présence en festival puisque ne se situant ni dans le cadre d'un film "fantastique", "horrifique" ou "thriller". C'est un peu le cas, ou pas, de Five Fingers for Marseilles qui, sur le fond, se rapproche d'un drame social, mais à la sauce western et avec quelques allures Mad-Maxiens. Pour autant, il ne faut surtout pas faire abstraction de ce titre car Five Fingers for Marseilles est l'une des très bonnes surprises de cette édition 2018.
Il était donc une fois, l'histoire de cinq gamins innocents vivant dans un township collé à la ville de Marseilles. Nourris à l’oppression policière, ils aimaient faire abstraction de cette tyrannie pour se retrouver à faire du vélo, laisser des empreintes de leur amitié sur les murs et jouer aux cowboys avec des lances-pierres. Mais voilà qu'un jour de trop, les garçons veulent mettre fin à cet asservissement et libérer leur territoire des chaines de l'oppression. À coup de pierre, ils décident de faire fuir la police corrompue. Celle-ci, avant de partir, embarque une amie à eux. Les enfants décident d'intervenir et de les prendre en chasse. Dans l'action un flingue tombe dans les mains de l'un d'eux, le dénommé Tau. Croyant son amie décédée, il décide de tirer sur deux flics. Réalisant son action, il prend la fuite et disparaît. 20 ans ont passé, Tau, en mode incognito, décide de revenir en ville et voir ce que sont devenus ses anciens amis. Depuis toutes ces années, bien des choses ont changé, mais la corruption et la terreur sont toujours là. Tau va t'il rester neutre, ou cette fois encore s'impliquer face à la terreur et la corruption ?
Michael Matthews est peut-être l'un de ces noms qu'il va falloir retenir. Pour un premier film le réalisateur impressionne : filmé en plan large dans les contrées d'Afrique du Sud à la façon d'un western, Five Fingers for Marseilles est aussi, et surtout, une histoire sur la fin de l'innocence, sur la colonisation, sur le fait qu'une tyrannie est souvent remplacée par une autre, et sur le mal-être qui peuvent surgir des townships, zones urbaines ou quartiers pauvres de l'Afrique du Sud, sous-équipées, réservées aux non-blancs qui y ont été déplacés souvent de force au nom des lois sur l'apartheid.
Si quelques réactions de certains des protagonistes n’apparaissent pas toujours logiques ou claires, ou si on regrette quelques hors champ lors de la confrontation finale (ce qui a pour conséquence de désamorcer par moment l'émotion véhiculée), on peut qu'être impressionné par le traitement et sa façon d'appréhender une réalité à travers la fiction. Si, le méchant, Ghost, se rapprocherait plus du seigneur Humungus de Mad Max, Tau, le héros de cette histoire, a tout d'un personnage à la Eastwood (façon La trilogie du dollar ou L'homme des hautes plaines). Ce mélange produit quelques choses d'assez uniques, d'autant que visuellement c'est très soigné.
Au final, Five Fingers for Marseilles n'est pas vraiment un genre, ou un type de film, il est "pluriel", mais jamais bordélique dans sa façon de récupérer les différents codes. Il est surtout avant tout façonné avec intelligence afin d'apporter un message, ou plutôt une réflexion autour d'un lieu et d'une culture et de l'homme lorsqu'il est placé dans une situation ou un cadre de vie. Pour un premier film, c'est clairement bluffant.
Richard B. : 7,5/10
Tragedy Girls
Ahhhhh !!!! Qu'il était bon ce film !!!! Tragedy Girls est clairement la meilleure comédie d'horreur que j'ai pu voir depuis des années : un long-métrage malin, maîtrisé et généreux qui ne sent pas l'opportunisme a plein nez. Le pied ! En plus, dans l'ambiance survoltée du BIFFF, la découverte n'en fut que meilleure. Alors ça parle de quoi ? Hooper et Cunningham ont créé un compte Twitter appelé Tragedy Girls. Leur but est de surfer sur la vague de meurtre qui terrorise leur ville pour devenir populaire... sauf qu'il n'y a pas de vague de meurtres qui terrorise leur ville. Ni une, ni deux, elles décident de prendre le taureau par les cornes et de s'en charger elles même. Et comme elle ne sont pas très expérimentée dans le domaine, elle capturent un vrai boogeyman pour qu'il leur donne des conseils. Le principe est bien crétin, mais Tyler MacIntyre parvient à le tenir de bout en bout !
Tragedy Girls joue avec les codes du genre, les détourne allègrement (et souvent pertinement), tout en ne se moquant jamais des fans de slasher. Le film commence fort, immédiatement, et il ne s'arrête jamais pendant 90 minutes. Bourré de petites idées très malines, il alterne entre de nombreuses scènes très drôles et des mises à mort ingénieuses. Les comédiens sont tous impeccables (même Kevin Durand, qui ne sait toujours pas jouer la comédie, est parfaitement utilisé), la mise en scène soignée et rythmée, les meurtres sont gores et c'est esthétiquement tout à fait acceptable. Bref, Tragedy Girls, ce n'est que du bonheur !
Ce film est t-il pour autant parfait ? Non, évidemment, mais les défauts ne sont pas génants. Un peu trop de name-dropping en forme de clin d'oeil, une ou deux péripéties attendues, mais rien de bien méchant. Certes, le film ne va jamais plus loin que son concept de départ, et ne parvient jamais à dépasser les limites du genre, mais ce n'est finalement pas dramatique. En l'état, Tragedy Girls est probablement ce qui est arrivé de mieux à la comédie d'horreur depuis quelques années, et c'est déjà énorme ! Il n'y a plus qu'à croiser les doigts pour que ce film arrive un jour en France...
Vincent L. : 7/10
Y'a pas que les films dans la vie
Le gros morceau de cette journée (ou plutôt soirée), fut donc l'arrivée de l'oscarisé Guillermo Del Toro, qui a fait déborder le temps prévu pour sa masterclass d'une bonne heure du fait de sa passion du partage et son enthousiasme, et cela au grand plaisir de son auditoire.
L'homme est généreux autant dans sa façon d'aborder sans langue de bois les galères qu'il a pu rencontrer que des anecdotes plus amusantes autour des divers tournages ou que de son enfance. On sent l'importance d'un père, très souvent cité, on sent toute la sincérité et la passion qui se dégage de lui et c'est communicatif. Il était assez notoire que le réalisateur a assez mal vécu sa première expérience américaine avec Mimic, et il ne s’en cache pas du tout. Pour le reste, le réalisateur considère chacun de ses films comme des enfants et sera prêt à les défendre avec fougue (mêmes ses films les plus controversés). En effet, quelle que soit la perception qu'on a d'un film à un autre du réalisateur, Guillermo y met la même énergie, et quand il parle de film, ce n'est clairement pas en terme de business, mais bien d'art.
Il en ressort une masterclass incroyable autour d'un homme qui l'est tout autant même s'il se montre particulièrement humble. Nous y reviendrons la semaine prochaine avec quelques extraits vidéos.
Publié le jeudi 12 avril 2018 à 10h00
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