Critique Une ombre sur Whitechapel [2005]
Avis critique rédigé par Vincent L. le jeudi 22 novembre 2007 à 14h30
A deux, c'est bien aussi...
Les jeux de plateaux faits et conçus pour deux joueurs ne sont pas pléthore dans le paysage ludique français. Du coup, les rares produits proposés pour ce format arrivent assez facilement à se tailler la part du lion, et cela surtout quand ils sont réussis. C'est ainsi que les deux cent cinquante premiers exemplaires de Une Ombre sur Whitechapel furent écoulés en moins de dix jours et que Mr Jack - le nouveau nom du jeu après le rachat par Hurricane Games - écoula ses cinq mille premiers exemplaires en moins de six mois. Un jeu mythique était né...
Mr. Jack est un jeu asymétrique, c'est à dire où les joueurs ont des objectifs différents. Ici, l'un des joueurs doit démasquer et arrêter Jack l'éventreur alors que son adversaire doit faire en sorte de brouiller les pistes et de faire en sorte que ce dernier puisse s'enfuir au plus vite du quartier sans se faire arrêter. Bluff, déduction, observation et analyse sont donc au programme...
Véritable télescopage des genre, Mr Jack se situe à la croisée du jeu de déduction, du jeu de placement et du jeu de stratégie. Au début de la partie, un personnage parmi les huit possible est tiré au sort pour déterminer l'identité de Jack l'éventreur. Seul l'un des joueurs - celui devant l'aider à s'échapper - connaitra son identité. Une partie se déroule sur un maximum huit tours de jeu (voire moins si Jack réussit à s'enfuir). À chaque tour, seulement quatre personnages sur huit - sélectionnés au hasard - sont joués (ce qui signifie que le coupable ne peut être joué qu'un tour sur deux). Chacun d'eux dispose d'une capacité spéciale et unique plus ou moins utile en fonction de la situation (mais dans l'ensemble, les pouvoirs des personnages sont tous équilibrés).
Le système de jeu est particulièrement efficace : l'enquêteur va déplacer les suspects afin de pouvoir faire des déductions sur l'identité du coupable, tandis que Jack fait en sorte que l'enquête n'avance pas pour pouvoir réussir à s'échapper. Pour corser le tout, les deux joueurs ne jouent pas à tour de rôle, celui qui a commencé le tour devant attendre que son adversaire ait joué deux coups avant de pouvoir rejouer.
Le hasard, dans Mr Jack, se limite à l'identité de Jack et à la pioche des personnages. Il permet simplement d'éviter que toutes les parties soient identiques (chaque personnage commence en effet toujours la partie au même endroit).
Visuellement, le jeu est extrêmement réussi. L'ensemble du matériel a été conçu pour offrir au joueur un réel plaisir de jouer (ainsi, là où de simples cartes auraient été suffisantes, l'éditeur fournit de grandes et épaisses cartes cartonnées agréables au toucher). Résultat, on est bien vite plongé dans l'ambiance particulière du jeu, qui ne se veut pas sombre et réaliste à la manière d'un London 1888, mais relativement cartonnesque, à la manière d'une bande-dessinée. Des petits plus paraissant inutiles, certes, mais qui rendent le jeu encore plus plaisant à jouer.
Le travail fait sur le background du jeu, s'il n'est pas colossal, n'en demeure également pas moins plaisant : ainsi, les huit protagonistes du jeu sont issus, pour certains, de l'univers de Jack l'éventreur (le Sergent Goodley, Sir William Gull - le médecin de la reine - et Jeremy Bert - le journaliste à l'origine du pseudonyme du tueur), d'autres sont des classiques de la littérature anglaise (Sherlock Holmes, le docteur Watson, l'Inspecteur Lestrade), enfin, seuls deux suspects ont purement et simplement été imaginés par les auteurs du jeu (John Smith, Miss Stealthy).
Quelques petits bémols, cependant, et notamment au niveau de la difficulté du jeu. En effet, Mr Jack offre un léger avantage à l'inspecteur : là chaque erreur de Jack peut lui être fatale, l'enquêteur a le droit à quelques erreurs sans pour autant voir sa victoire lui échapper. Entre deux joueurs d'expériences différentes, cela permet des parties quelque peu équilibrées (en donnant l'inspecteur au débutant et Jack au confirmé), mais si les deux adversaires ont le même niveau de jeu, il y a de fortes chances que ce soit le hasard qui décide du vainqueur.
De plus, le point de départ des personnages (imposé) peut se révéler routinier et risque, à la longue, de faire obstacle au nouvellement efficace des parties.
Un dernier mot enfin sur le jeu online Mr Jack. Gratuit et accessible à tous, il reprend à la lettre toutes les mécaniques de jeu et permet de faire un nombre illimité de parties. Cerise sur le gâteau, les parties ne s'effacent pas quand on se déloggue. On n'est donc pas obligé de jouer avec quelqu'un de manière simultanée: il est possible d'étaler les parties sur plusieurs jours (plusieurs semaines, plusieurs mois même!) en jouant chacun son tour selon ses disponibilités de temps...
La conclusion de Vincent L. à propos du Jeu de société : Une ombre sur Whitechapel [2005]
Petit jeu de plateau conçu et pensé pour les parties à deux joueurs, Mr Jack est à mi-chemin entre le bon vieux cluedo et l'encore plus vénérable jeu d'échec. Une excellente surprise qui promet de longues parties endiablées. Alors, qui a dit que jouer à deux, c'était nul?
On a aimé
- Rapide,
- Deux rôles pour deux modes de jeux,
- Mécanique de jeu simple et fluide,
- Un visuel réussi, en adéquation avec le thème,
- La qualité générale du matériel,
- Le jeu online.
On a moins bien aimé
- Un léger déséquilibre en faveur de l'inspecteur,
- Un placement de départ redondant.
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