Entretien avec... Julien de Jaeger
Il nous parle du magazine Di6Dent...

Il y a maintenant deux ans apparaissait dans le petit monde du jeu de rôle Di6Dent, le mook de la culture roliste. A l'époque, nous avions interviewé Julien de Jaeger en plein Monde du Jeu, et celui ci nous expliquait les ambitions de cette nouvelle publication (l'interview est toujours visible ICI). Nous étions donc en 2010...

2012, Di6Dent vit encore, et s'apprête à sortir son sixième numéro avec une thématique "Le jdr, un loisir sous influence ?". L'occasion pour nous de recontacter Julien de Jaeger pour faire un petit bilan, deux ans après le lancement de l'aventure.

SFU : Il y a deux ans, Di6dent était lancé. Comment a t'il été reçu par la communauté roliste ?

Julien de Jaeger : Quand nous nous sommes lancés, nous sortions de trois ans passés à réaliser le fanzine Les Carnets de l'Assemblée : certains nous connaissaient, d'autres non, mais il a fallu tout reprendre à zéro. L'expérience nous a permis de nous rôder, de voir ce qui fonctionnait ou pas, et nous avions désormais pour ambition de proposer un contenu différent, de qualité et surtout des sorties régulières, puisque c'est un des fléaux du jdr. A l'époque, il n'y avait plus que JDR Mag qui paraissait encore. Et puis Casus est revenu en même temps que nous, ce qui a un peu monopolisé l'attention des rôlistes. Mais on s'est accrochés, on a démontré notre sérieux, je pense. C'est toujours difficile d'évaluer la façon dont on est perçus, parce que le rôliste du net n'est pas toujours représentatif, mais entre le fait que nos quatre premiers numéros soient épuisés chez notre distributeur d'une part, et les nombreuses fois où l'on nous cite comme référence au même titre que Casus Belli d'autre part, je pense qu'on a de quoi être satisfaits !

 

SFU : Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore le magazine, comment définirais-tu la ligne éditoriale de Di6dent ?

Julien de Jaeger : Je trouve qu'on se complète assez bien avec Casus Belli, et beaucoup de retours qu'on nous fait vont dans ce sens. La bonne entente entre les deux rédactions nous permet de ne pas nous marcher dessus, et certains auteurs collaborent aux deux mooks du jdr. Depuis deux ans, on a vraiment essayé de démontrer notre ton décontracté mais sérieux, proche du lecteur mais documenté et réfléchi. Tous les themas que nous avons traités (la place de la femme dans le jeu de rôle, l'agent du jdr, la notion de voyage, l'influence des autres médias sur le nôtre...) nous semblent être de véritables questions de fond sur notre loisir. Nous n'avons pas la prétention de faire évoluer les choses, les mentalités, même si on aimerait évidemment le faire, comme sur la question de l'argent par exemple. Ce n'est pas pour rien que le numéro sur ce sujet s'est particulièrement bien vendu, c'est une question que devaient se poser beaucoup de rôlistes. Voilà, à défaut de publier un magazine intellectuel, parce que le but reste quand même essentiellement de s'amuser, on essaie de proposer un magazine intelligent, qui a du recul sur ce que nous sommes, nous, rôlistes. Il y a donc une bonne part de réflexion, un peu d'actu (à travers les interviews et quelques rubriques), des rubriques originales, mais aussi du matériel de jeu de qualité écrit autant par des auteurs reconnus que par des jeunes qui poussent. Bon, ça se voit que je suis un commercial très médiocre ? Honnêtement, je ne peux dire qu'une chose : feuilletez-nous (notre « mini » numéro zéro est disponible gratuitement en pdf sur notre site) et dites-vous que si ça vous plaît, tous les autres numéros sont encore meilleurs (plus de rubriques) et plus beaux (plus d'illustrateurs) !

 

SFU : Quel bilan tires-tu aujourd'hui de l'aventure par rapport aux objectifs de départ ?

Julien de Jaeger : Le bilan est très largement positif. Nous avons dû passer par le crowdfunding pour nous lancer, puisque nous partions vraiment de zéro, et deux ans après, nous sommes complètement autofinancés, et ce sans vendre d'espaces pub dans le mook. Nous avons même pu nous permettre de sortir un hors-série le mois dernier. Les compteurs sont donc au vert à ce niveau. L'objectif de régularité est lui aussi parfaitement rempli, puisque tous nos numéros sont sortis en temps et en heure. Et enfin, le plus important : même si je laisserai les lecteurs seuls juges du résultat, la qualité et l'originalité de Di6dent sont toujours nos priorités. C'est d'ailleurs pour ça que, pour éviter de nous encroûter, nous amenons plein de nouvelles rubriques pour le n°6 : renouveler l'intérêt du lecteur, mais aussi le nôtre !

SFU : Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce changement ? A quoi ressemblera le numéro 6 de Di6dent ?

Julien de Jaeger : Il y aura tout d'abord des changements esthétiques : plus de clarté, de modernité, on essaie à chaque fois de le rendre plus « attractif » et plus confortable pour le lecteur, et je pense qu'on a fait du bon boulot avec cette nouvelle maquette. Mais, plus important, il y a aussi des modifications plus profondes, au sein des rubriques. Certaines en bout de course disparaissent (y'a pas que le jdr dans la vie), d'autres évoluent (play et de mj à mj fusionnent), il y en a qui sont mises en pause le temps de se ressourcer (retro) et nous en proposons plein de nouvelles : une rubrique polémico-participative (vox populi), de l'invitation à la découverte et à l'ouverture du jdr (à saisir, storygames, mon truc à moi...), une rubrique, le syndrome du panda, qui revient sur le pourquoi du comment de l'échec d'un jeu, une table aléatoire par numéro, toujours des interviews, et aussi mond-o-rama, un mini-univers de jeu différent à chaque numéro qui se présente sous la forme d'un carnet de voyages d'un baroudeur multiversel, écrit par Éric Nieudan. Une collaboration dont on n'est pas peu fiers tant on apprécie l'homme et sa plume. Une chose qui ne change pas, par contre, c'est le Thema, qui déclinera toujours en articles de fond et en matériel de jeu une question que l'on se pose sur le jeu de rôle. Ah, et le ton ne change pas non plus. Si vous n'aimiez pas notre humour avant, ça risque de ne pas s'arranger !

 

SFU : Tu le disais, Di6dent, c’est aussi une vraie régularité, et ce même dans ses publications web. Je pense notamment au Fix, qui arrive dans les boites mails toutes les semaines. Ce n’est pas difficile de tenir cette publication hebdomadaire ?

Julien de Jaeger : Ça, il faudrait le demander à Vincent Ziec, l'homme au courage infini qui vous prépare amoureusement le Fix chaque week-end. C'est un peu notre Walter White à nous, il prépare les doses dans le plus grand secret. Plus sérieusement, c'est évidemment un travail colossal, de la recherche et de la collecte d'infos, de la rédaction, de la mise en forme avant de pouvoir l'envoyer dans vos boîtes mail avides de scoops. Mais, pour rappeler que Vincent est finalement un être humain comme nous, il a un gros souci : l'orthographe. Ça se voit donc très vite quand le reste de l'équipe est trop débordé pour faire une dernière correction avant l'envoi ! J'espère que nos lecteurs sauront nous pardonner ce défaut... Le Fix est une véritable aventure, nous-mêmes on se demandait comment ça tiendrait, mais c'était le bébé de Vincent (qui avait déjà en bonne partie conçu Ikosa – paix à son âme) et il le porte à bouts de bras, même si toute l'équipe met aussi la main à la pâte plus ou moins régulièrement (le moins c'est pour moi, le plus pour les autres, j'avoue). C'est aussi le moyen de prouver que, contrairement à ce que l'on pourrait croire, il y a de l'actu dans le jdr francophone, et il y a même de quoi remplir quelques pages chaque semaine. Comme on ne pouvait pas le faire dans Di6dent (les news seraient périmées, voire fausses), cette petite newsletter était le meilleur moyen de centraliser et de partager avec la communauté les quelques infos que l'on réussit à dénicher. Son succès prouve qu'on avait vu juste !

 

SFU : On trouve une certaine complicité entre Di6dent et Casus Belli (notamment avec des scénarios commencés chez l’un et terminés chez l’autre). C’est presque une première ce genre de relation dans le petit monde du jeu de rôle, non ?

Julien de Jaeger : C’est probablement une première, oui. Mais ça s'explique assez facilement en fait : déjà avant Di6dent, on savait que Black Book Éditions aimait bien ce qu'on faisait avec les Carnets de l'Assemblée, même si la collaboration n'a pas pu se concrétiser à l'époque. Et puis, quand Casus a eu sa résurrection, grâce à Stéphane Gallot et Tristan Blind, ils nous ont très gentiment invités à partager leur stand au Monde du Jeu et on a passé tout un week-end à faire les cons dans une super ambiance. Si on ajoute le fait que pas mal de rédacteurs collaborent aux deux mooks (Jérôme Larré, Laurent Devernay, Tristan Blind, Vincent Ziec...), c'est assez logique que l'ambiance soit bonne. Je pense qu'on a la même conception de ce que doit être la presse rôliste aujourd'hui : on doit proposer un contenu de qualité, sérieux et argumenté, sous une forme qui vit avec son temps et n'a pas à pâlir face aux magazines de jeux vidéos. D'ailleurs, Casus et nous citons à chaque fois la même influence : IG Mag. Bon, ça paraît peut-être un peu prétentieux comme ça, mais il faut comprendre que l'on est plus en 1995 et que beaucoup de choses ont évolué depuis, dans le fond comme dans la forme, alors autant lutter avec nos armes, et surtout ne pas se tirer dans les pattes et, au contraire, se donner des coups de main quand c'est possible.

 

SFU : Une question piège pour finir : comment vois-tu Di6dent dans dix ans ?

Julien de Jaeger : Di6dent n°36 ? Sa version dématérialisée aura surpassé en nombre de ventes sa version papier depuis longtemps, nos jeunes aux dents longues d'aujourd'hui seront devenus de vieilles gloires dont les scénarios seront attendus avec impatience sur la simple mention de leur nom, et Jessica, notre abonnée à vie, aura rentabilisé son investissement de départ depuis plus de 5 ans. D'ailleurs, rien que pour elle, on se doit de durer au moins 18 numéros ! Il y aura probablement eu pas mal de changements dans la rédac6on, non pas que je le souhaite, mais c'est dans la logique des choses et c'est utile de redonner du sang neuf de temps en temps, des jeunes viendront faire des piges pour le prestige comme nous on en rêvait pour Casus. Concernant le contenu, impossible de se projeter aussi loin ; déjà l'évolution que représente ce numéro 6 aurait été impossible à imaginer à la création de Di6dent, c'est au fil du temps qu'on se rend compte des améliorations à apporter. Et puis notre évolution sera intimement liée à celle du jeu de rôle pendant ce temps. Qui sait . D'ici là, les jeux narratifs seront peut-être devenus la « norme », ou on jouera tous sur des tables tactiles avec une grosse dimension tactique et interactive... En tout cas, que le jeu de rôle connaisse un nouvel âge d'or ou non, il y aura toujours des passionnés pour le faire vivre et j'espère qu'on sera toujours de ceux-là !

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Le site officiel de Di6Dent

Pour s'abonner au FIX

Auteur : Vincent L.
Publié le jeudi 27 septembre 2012 à 09h00

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