PIFFF 2012 : jour 2
Un samedi chargé

La journée de ce samedi a débuté remarquablement bien avec Here Comes the Devil d'Adrián García Bogliano. Toutefois, avec en mémoire que ce dernier avait réalisé No moriré sola (I'll Never Die Alone) il y avait de quoi être particulièrement inquiet. Une fois de plus, la preuve en est qu'il ne faut jamais partir sur des idées reçues. Il est d'ailleurs assez amusant de voir que le réalisateur a participé à l'un des segments d'ABCs of Death qui a été diffusé juste après.

Here Comes the devil

Here Comes the Devil s'amorce avec des atouts "charmes" puisqu'il est offert au spectateur de contempler deux ravissantes lesbiennes en plein exercice sportif. Peu après, l'une est agressée par un intrus plutôt du genre costaud, avant que l'autre tente de se porter à son secours en donnant un méchant coup sur la tête à ce dernier. Bien amoché, il s'enfuit. La suite n'a de prime abord aucun lien, puisqu'il nous est amené à découvrir une famille partie se ressourcer dans les collines rocheuses. Mais voilà, alors que les parents batifolent dans la voiture, les enfants partis jouer dans la nature ne reviennent pas à l'heure prévue. Dès cet instant, Here Comes the Devil nous balade sur divers événements inattendus et difficilement divulgables à travers un scénario très habile, même s’il aurait peut-être été plus intéressant que le réalisateur termine son film à un moment clé, ainsi, il aurait ainsi pu nous amener vers une fin moins explicite (plus frustrante aussi ?) même si l'actuelle reste bien marquante. Le réalisateur confère à son long-métrage une ambiance aussi mystique qu'effrayante aux multiples thématiques souvent dérangeantes (tel l'inceste, le viol, la vengeance, les relations de couple). Laura Caro se distingue par une prestation assez complexe, partant d'une femme de prime abord plutôt effacée (presque soumise à son mari) qui va pourtant se montrer bien plus intelligente et forte que ce qu'on aurait pu croire au départ.

ABCs poster

L'un des évènements de cette deuxième édition du PIFFF, c'était l'avant-première exclusive (et très contrôlée) de l'ambitieux et attendu ABCs of Death. Les réalisateurs français du lot, Xavier Gens (Frontières, Hitman, The Divide) et le tandem Hélène Cattet / Bruno Forzani (Amer) sont venus sur scène pour évoquer cette expérience et une production semble t-il très folklo :

ABCs of Death, c'est 26 façons de mourir pour 26 lettres de l'alphabet, 26 courts métrages par 26 réalisateurs (pas forcément connus) de tout horizons, chacun bénéficiant du même budget et du même laps de temps pour faire son film. Le principe, ambitieux, est forcément inégal à l'écran, comme la plupart des films à sketchs. 26 courts métrages en plus de deux heures, c'est comme une sorte de zapping de l'horreur, un festival d'atrocités diverses. 
Mais 26 courts métrages en plus de deux heures, c'est aussi assez lourd : autant ça permet de ne pas sombrer dans l'ennui ou la répétition (puisque les films sont très variés et et ne durent pas longtemps), autant ça finit par fatiguer, et on se met à compter les lettres vers la dernier partie, à attendre qu'arrive le Z (qui, pour le coup, est très Z).

Très attendu, ABCs of Death laisse au final un avis assez partagé, comme régulièrement dans les anthologies, avec des histoires particulièrement réussies et d'autres aux qualités bien plus discutables. Composé de 26 segments, de ABCs of Death, on en retiendra surtout qu'une dizaine de satisfaisant. On pourra aussi reprocher un certain manque d'imagination, avec beaucoup de scénarios tournant autour de l'humour pipi/caca (même si deux dans le registre sont des réussites) et une libido masculine particulièrement présente.

ABCs Hydro-Electric Diffusion

Certains des réalisateurs ont pris leur mission très au sérieux et en ont fait des courts pesants, d'autres l'ont prise à la rigolade et se sont éclaté, livrant de gros délires hors-normes comme Yoshihiro Nishimura (qui fait du pur Sushi Typhoon), Noburu Iguchi (et son histoire totalement absurde de flatulences, son segment étant Fart pour la lettre F) ou Thomas Cappelen Malling (son Hyrdo-Electric Diffusion est un mélange original entre du Tex Avery live et du Nazisploitation). Jon Schnepp (pour WTF?, qui porte bien son titre) et Adam Wingard (pour le segment Quack, l'un des plus drôles du lot) se mettent carrément en scène en train de se creuser la tête pour trouver leur idée. Le segment Unearthed de Ben Wheatley (qui adopte le point de vue subjectif d'un vampire traqué) est bien foutu, celui d'Angela Bettis (Exterminate, opposant un pauvre type et une araignée coriace) aurait pu aller plus loin dans le délire, le segment Cycle du réalisateur des films d'arts martiaux Kiltro et Mirageman avec Marko Zaror est assez décevant (un homme se retrouve face à lui-même après avoir été aspiré dans un trou tridimensionnel au milieu des buissons), en revanche on oubliera les foutages de gueule réalisés par Ti West (Miscarriage) et Andrew Traucki (Gravity). Seuls deux courts métrages sont réellement dérangeants et éprouvants (et celui du réalisateur de A Serbian film n'en fait pas partie), portés par un discours fort : le très corsé Libido de Timo Tjahjanto, et le XXL de Xavier Gens (qui, avec Hélène Cattet et Bruno Forzani, représente la France dans cette anthologie).

ABCs segment Toilet

De par le concept, chaque spectateur aura ses propres préférences dans le lot. On y trouve forcément son bonheur, mais il faut trier. Pour ma part, mes préférences vont au superbe Dogfight de Marcel Sarmiento (un boxeur se bat contre un chien : formellement très stylisé car entièrement au ralenti, le film est porté par une très belle idée, pas étonnante de la part du réalisateur de  Toi, moi...et mon chien), Youngbuck de Jason Eisener (le réalisateur de Hobo With a Shotgun réalise une sorte de clip-vigilante eighties), Quack d'Adam Wingard (qui a beaucoup d'humour et nous apprend notamment que le budget alloué à chacun des réalisateurs était de 5000 dollars), Apocalypse de Nacho Vigalondo (une entrée en la matière assez forte et cinglante), les deux courts animés scatologiques que sont Toilet de Lee Hardcastle (excellent film d'animation en pâte-à-modeler et stop-motion, évoquant le trauma d'enfance de la peur des toilettes) et Klutz d'Anders Morgenthaler (l'histoire d'une femme qui lutte avec son caca dans les toilettes !), Speed de Jake West (qui trouve le temps de développer une jolie métaphore dans une esthétique très soignée évoquant un mélange entre Bitch Slap et Reeker) et le bluffant Vagitus de Kaare Andrews (c'est un véritable bout de gros film de science-fiction, visuellement et thématiquement ambitieux, palpitant et spectaculaire).

Pour Richard B. plutôt que s'atteler à divulguer les non-réussites de cet alphabet horrifique, il évoquera plutôt ses préférences. A commencer par la lettre V pour Vagitus de Kaare Andrews qui se démarque pour être le seul script penchant vers la science-fiction, avec une ambition assez forte sur son sujet autour de la natalité contrôlée et un robot à la caractéristique assez proche d'un ED-209. Le film de Xavier Gens (X Is for XXL) se montre lui aussi plutôt comme une réussite avec un propos autour de la beauté des formes de plus en plus présent et dictatorial : gore et touchant. Côté délire "Pulp" et "cartoon", on pourra trouver H is for Hyrdo-Electric Diffusion de Thomas Cappelen Malling, amusant et techniquement impressionnant. Dans le scato, Toilet de Lee Hardcastle séduit pour con côté pâte-à-modeler et Klutz d'Anders Morgenthaler pour son animation et son humour qui pour ce coup se montre vraiment hillarant (puisqu'il nous est donné de suivre une femme confrontée à sa merde qui refuse de disparaître dans les tuyauteries des toilettes) même si vraiment peu subtile.  Q Is for Quack de Adam Wingard est aussi une belle surprise et certainement le segment le plus drôle avec une idée de film dans le film qu'aurait pu apprécier l'ami Wes Craven.  A Is for Apocalypse de Nacho Vigalondo pour son humour noir et D Is for Dogfight de Marcel Sarmiento pour son ambiance terminent la liste alphabétique des lettres intéressantes (Le reste étant peu mémorable, voire difficilement supportable).

Stitches

Dans Stitches, des enfants tuent accidentellement un clown lubrique (Ross Noble) lors de la fête d'anniversaire de Tom (Tommy Knight). Traumatisé, Tom n'a ensuite pas pu fêter son anniversaire pendant 6 ans. Lorsqu'il se décide enfin à organiser une nouvelle fête d'anniversaire, conviant notamment ses amis d'enfance, l'invitation ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd : le clown sort de sa tombe et compte bien se venger des gamins qui l'y ont envoyé.
Exploitant plusieurs motifs récurrents du cinéma d'épouvante/horreur des années 80 (la peur des clowns, le trauma d'enfance, le boogeyman qui revient d'entre les morts pour se venger...), cet irlandais Stitches se situe entre le slasher à l'ancienne et la comédie horrifique. Ce coté old school se traduit aussi par un récit décousu et des SFX rudimentaires (latex, sang rouge vif...).

Stitches

L'intérêt de Stitches, outre l'utilisation des motifs du clown (panoplie, vocabulaire, tours et même historique) dans le film d'horreur, ce sont ses meurtres, rares mais particulièrement corsés et outrancièrement inventifs au point d'aligner plusieurs gags gores dans une même mise à mort (chacune d'entre elle dure assez longtemps). Mais hormis ces scènes délirantes aux effets spéciaux savoureux, le film de Conor McMahon (Dead Meat) déçoit et se résume à un clown pas drôle (ses punch-lines et ses mimiques tombent à plat) qui trucide quatre adolescents et un pauvre chat (juste pour faire un gag) pendant une fête. Oui, seulement quatre, puisque ça ne se termine pas en carnage comme on pouvait l'espérer. Le clown boogeyman ne débarque qu'à la moitié du film, avant quoi il faut se contenter d'une bande de caricatures d'adolescents guère attachants. En guise d'apéro avant les hostilités, il y a bien un ado lubrique qui se fait arracher les bijoux de famille, mais dans le cadre d'une scène de cauchemar complètement gratuite (c'est mieux que rien). Stitches donne l'impression de ne jamais être aussi drôle, aussi fun, aussi irrévérencieux ou aussi fou qu'il ne devrait l'être ou qu'il aurait du l'être. Plombé en partie par une esthétique téléfilm (mise en scène plan-plan, montage paresseux malgré quelques transitions "alimentaires" amusantes, décors pauvres, musique banale...), Stitches est trop mou et manque d'énergie, de folie et de surprises. Les meurtres sont très fun et quelques gags font mouche, mais c'est inoffensif et même plutôt bon enfant (un peu de slapstick comedy). Dans le rôle du clown, le comique anglais Ross Nodle n'est pas assez inquiétant.

Trailer War

La journée se termine dans une bonne ambiance sur Trailer War. Ni film de fiction ni documentaire, Trailer War est une anthologie de bandes-annonces délirantes de films d'exploitation datant majoritairement des années 70 et 80, à quelques exceptions près (le plus vieux des films présentés étant Lola's Mistake, sorti en 1960). Ce genre d'exercice grindhouse n'est pas nouveau, mais la plupart de ces trailers 35mm, ressortis des tiroirs et triés par les cinémas Alamo Drafthouse, l'American Genre Film Archive et Joe Dante, sont de véritables raretés, comme les films qu'ils vendent.

Il y a bien quelques titres plus ou moins connus des cinéphiles comme Starcrash, Maniac Cop 2 (seul trailer du lot à être en VF), le formidable Black Samurai avec Jim Kelly ou le Big Guns avec Alain Delon (ici dans son trailer américain), films qu'on trouve d'ailleurs en dvd Z2. Mais pour le reste, ce sont des bandes-annonces de films rares et totalement improbables aux titres d'ailleurs évocateurs. On y trouve du film d'action burné (Animal Protector avec David Carradine, The Man from Hong-Kong avec Jimmy Wang Yu et George Lazenby, Force 5 réalisé par Robert Clouse et avec rien de moins que Joe Lewis, Richard Norton et Benny Urquidez, l'australien Dead-End Drive In aka Le Drive-in de l'enfer), de la science-fiction fauchée (The Dungeonmaster / Mestema: le maître du donjon de Charles Band) ou musicale (Rock Aliens de James Fargo, avec Craig Sheffer et Michael Berryman), du polar cool (Mitchell aka Liquidez l'inspecteur Mitchell de Andrew V. McLaglen et Golden Needles aka Les 7 aiguilles d'or de Robert Clouse, tous les deux avec Joe Don Baker en tête d'affiche), du film de super-héros ringard (l'italo-anglais Argoman et le hong-kongais Inframan ont l'air fabuleux), du film de kung-fu (World War of Kung-Fu, Eunuch of the Western Palace avec Lo Lieh, le bien nommé The Tongfather ou encore Sister Streetfighter avec Sonny Chiba), de la blaxploitation (Force Four alias Black Force, le lourdingue Amazing Grace) incluant du film de prison (au féminin avec Women in cell block 7 et au masculin avec Penitentiary), des comédies sexy (H.O.T.S., The Boob Tube, The Beach Girls, que des titres qui font envie), du slasher (Don't answer the phone!, Deranged qui semble plagier Massacre à la tronçonneuse, Nightmare Honeymoon, The Scaremaker), de la comédie gonzo (Partners avec John Hurt et écrit par...Francis Veber !), du thriller dramatique (The Lawyer alias Au-delà de la sentence de Sidney J.Furie, The Electric Chair dont la bienveillante voix off du trailer ne manquera pas de vous rappeler en boucle le titre, Shoot aka Tir à vue avec Cliff Robertson, Henry Silva et Ernest Borgnine) et de l'inclassable (le probablement dément Thunder Cops, le slasher érotique Amuck, le found-footage érotique Nudes on Tiger reef et Lola's Mistake alias This Rebel Breed qui fera fantasmer les amateurs de boobs fifties).
Quelques-uns des films de cette sélection de trailers ont été projetés à l'Etrange Festival, par exemple The Mutations (lire notre avis) ou Mr. no Legs aka L'infernale poursuite. Et au milieu de tout ça, la bande-annonce américaine de notre Rabbi Jacob, qui passe ici pour un film d'action !

Cinématographiquement ça n'a pas un grand intérêt, encore qu'on peut apprendre en regardant Trailer War sur la manière de résumer une histoire en quelques plans et de condenser un film en 5 minutes (5 minutes qui, dans ces bandes-annonces, révèlent tout du film). Si le spectacle réjouit en enchainant scènes d'action improbables, violence gratuite, humour gras et défilé racoleur de nichons, force est de reconnaître que c'est quand même trop long (presque deux heures) et que ça finit par être épuisant, d'autant plus que les genres ne sont pas très équilibrés. Mais certaines de ces bandes-annonces sont tellement magiques de too much, de folie et de non-sens (mentions spéciales à Argoman, Super Inframan et Thunder Cops) qu'elles méritent à elles-seules le visionnage intensif de Trailer War.

 

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Jonathan C. et Richard B.

Auteur : Jonathan C.
Publié le dimanche 18 novembre 2012 à 13h56

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