Critique L'arche de monsieur Servadac [1971]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le lundi 17 janvier 2011 à 17h11

Embrouillaminis sur la comète

Lors d’une mission en Afrique du Nord, le lieutenant Servadac tombe d'une falaise dominant la mer. Il est sauvé de la noyade par la belle Angelique, qui vient de s'échapper d'un navire où elle était détenue prisonnière. Alors que les deux jeunes gens font connaissance, la tension monte entre les autochtones du cheik local et les forces coloniales. Quand, soudain, un nouvel astre fait son apparition dans le ciel, entrainant séismes et orages magnétiques...

L'arche de monsieur Servadac (autrement nommée Sur la comète) est une très libre adaptation de Hector Servadac, qui est probablement le roman le plus fou de Jules Verne. Dans son livre, Jules Verne raconte en effet les aventures d'une poignée de terriens qui, après qu'un bout de terre ait été arraché à notre planète, se retrouvent sur la comète Gallia, à voyager à travers le système solaire. Les "passagers" de Gallia (baptisés les Galliens), issus de diverses origines (arabes, françaises, espagnoles et britanniques), doivent alors oublier leurs différents pour survivre, jusqu'à ce qu'un retour à la normale les séparent de nouveau. Un discours humaniste donc, imprégné d'humour noir, qui fit en son temps un peu jaser, nombre de critiques n'ayant pas perçu à sa juste valeur le second degré du texte (on accusa Verne de faire preuve d'antisémitisme, de racisme, et même d'homophilie). Aujourd'hui, Servadac reste l'un des romans les plus étranges et les plus loufoques du célèbre romancier. Un mélange de délire utopique et de faits scientifiques qui en fait une œuvre atypique qui, dans les mains d'un génie commeKarel Zeman, ne pouvait que se transformer en un film unique en son genre.

Réalisateur spécialisé dans l'animation de marionnettes et artiste mondialement reconnu, Karel Zeman s'attaque en 1970 à l'adaptation de cet étrange roman. Aidé par le scénariste Jan Prochazka, il n'en récupère que les grandes lignes pour l'accommoder à son goût, qui tire plus vers le conte fantastique que vers la SF, en supprimant quelques passages (la seule planète que frôlent les galliens est Mars), en y introduisant des thèmes qui lui sont chers (les dinosaures, déjà traités dans Voyage dans la préhistoire) et de nombreux clins d'œil à sa filmographie (Munchausen, le dirigeable volé ou Sindbad). Le ton est léger, humoristique et l'atmosphère entretenue évoque autant le cinéma de Georges Méliès que les livres d'images pour enfants. La réalisation, qui marie les techniques avec inventivité et talent, fourmille de bonnes et jolies idées, comme cette ouverture construire à base d'un diaporama de cartes postales, et brille par la finesse de ses matte painting naïfs sur lesquels sont animées marionnettes et incrustées les scènes réelles. Le scénario est également très amusant, comme lorsque les "galliens" (ils ne sont cependant jamais cités sous ce nom dans le film), éclairés par Servadac, découvrent que pour repousser les dinosaures, rien de tel que le son des batteries de cuisine en fer blanc.

En fait, L'arche de monsieur Servadac est une représentation tardive de cet art empli de poésie que fut le cinéma de l'est des années 50 et 60. Il en est l'un des derniers représentants. Faussement naïve, cette histoire, réalisée alors que la Tchécoslovaquie (patrie du réalisateur) traverse une période sombre, est riche de plusieurs niveaux de lecture (comme le roman d'ailleurs) et, sous des aspects de films pour enfants, soulève quelques problèmes graves, comme l'incompréhension entre les peuples et le colonialisme aveugle. Mais le récit n'est pas pour autant complètement pessimiste, Servadac, le héros utopique, le militaire qui pense plus à l'amour qu'à la guerre, sous des airs à la Buster Keaton, indique le chemin de la paix, de la tolérance et de la vérité et n'est pas complètement ignoré par ses pairs. Seule le final, rempli d'ambigüité, laisse planer le doute sur l'état d'esprit de Karel Zeman au moment de la réalisation de L'arche de monsieur Servadac.

Paradoxalement, le seul problème du film est la richesse de son scénario. En effet, le script est composé de multiples sous-intrigues qui, même si l'ensemble n'est pas trop mal ficelé et que Karel Zeman réussit à éviter le piège du récit à tiroirs, entrainent une narration qui part parfois un peu dans tous les sens. La courte durée du métrage, de plus, n'arrange pas les choses. Au final, L'arche de monsieur Servadac apparait parfois comme une succession de sketches burlesques et/ou spectaculaires très brefs, qui auraient gagné à être un peu plus développés. Certains éléments auraient finalement être pu supprimés - comme les frères d'Angelique, qui n'apportent pas grand chose à l'intrigue général - au profit d'un développement plus approfondi d'autres sujets, comme la cohabitation entre les colons français et les arabes, ou même les agissements du trafiquant d'armes.

La conclusion de à propos du Film : L'arche de monsieur Servadac [1971]

Auteur Nicolas L.
78

Karel Zeman est l'un des génies de l'animation, peut-être le plus grand avec Ray Harryhausen. Mais il est aussi un poète. De nombreux réalisateurs contemporains, comme Terry Gilliam ou Tim Burton, lui doivent beaucoup. Son adaptation de Servadac est le parfait reflet de son art, un mélange de techniques au service de la création poétique et utopique. Une véritable leçon de cinéma qui faute seulement par un scénario un peu riche en sous-intrigues, qui entraine une narration un peu brouillonne.

On a aimé

  • Un joli conte
  • Beaucoup d’humour
  • Une réalisation remarquable
  • Plusieurs niveaux de lecture

On a moins bien aimé

  • Un scénario qui se disperse un peu

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