Entretien avec Clive Barker sur Jericho
Le prochain jeu vidéo qui vous donnera des frissons
Entretien avec Clive Barker à l'occasion de la sortie prochaine du jeu vidéo Jéricho, le 26 septembre 2007.
1. Q: Vous êtes à la fois écrivain et artiste. Etes vous à l’origine de la majorité des concepts artistiques dans les jeux que vous avez créés ?
CB: J’aime fournir à la fois des images et des histoires pour les projets de jeux dans lesquels je suis impliqué. Parfois, ces images sont de simples esquisses qui me permettent d’orienter les dessinateurs sur mes idées. Car il est très important de pouvoir « s’exprimer » à travers les mots et les images.
2. Q: A quels éléments du jeu – je pense notamment aux balles qui obéissent aux commandes psychiques – avez-vous contribué ?
CB: « Au début, Brian Gomez et moi avions débattu des critères de puissance que les personnages principaux du jeu devaient avoir. »
3. Q: Pouvez-vous nous dire pourquoi vous êtes tellement passionné par le jeu vidéo Jéricho ?
CB: Ce qui me fascine dans ce jeu, c’est d’abord l’histoire qui, de mon point de vue, est originale et ensuite parce que je pense que nous allons pouvoir « terrifier ! » un bon nombre de joueurs à travers le monde. Je nourrissais déjà l’idée de réaliser Jéricho avant même d’en avoir parlé à Brian, ce qui fait que je suis réellement habité par ce projet. J’aimerais que les gens pensent à Jéricho comme j’avais moi-même imaginé « Alien » peu avant la sortie du film. Le film avait été annoncé par différents teasers mais l’intrigue du film et toute sa « monstruosité » n’était vraiment dévoilée qu’à l’écran. Jéricho devrait être semblable à cette histoire, unique en son genre et terrifiant.
4. Q: Existe – t – il un lien entre vos jeux et les livres que vous écrivez? Les livres que vous écrivez appartiennent – ils à un monde spécifique et organisé que les joueurs doivent maîtriser ?
CB: Il n’existe aucun rapport entre mes jeux et mes livres. Du moins jusqu’ici. Jéricho est le premier projet de jeu auquel je suis associé dont je pense vraiment qu’il pourrait être adapté en romans et bandes-dessinées (J’ai une passion pour les bandes dessinées !)
5. Q: Vos livres se terminent souvent par des évènements apocalyptiques, l’impossibilité de démêler le vrai du faux, la confusion des mondes – à quoi ressemble le climat de Jéricho ?
CB: Les histoires que je raconte dans mes livres s’achèvent effectivement par des évènements apocalyptiques et la confusion de différents niveaux de réalité. Je pense que ce goût de la destruction doit également transparaître dans Jéricho. Evidemment, la fin dépend entièrement de la façon dont vous jouez, mais quelque soit la situation, vous serez plongé dans le sang et le feu.
6. Q: Selon vous, quels sont les avantages des jeux vidéos par rapport aux formes d’art classiques comme les films et les romans ?
CB: Je ne pense pas aux médias sur lesquels je travaille (les films, les livres, la peinture et les jeux) en termes d’avantages et d’inconvénients quand je les compare les uns aux autres. De mon point de vue, c’est beaucoup plus une question d’humeur. Il y a effectivement des jours où je ne veux rien faire d’autre qu’écrire ou peindre et des jours où je veux seulement lire et jouer. Tous les médias procurent des joies qui leur sont propres mais ils ont aussi leurs limites.
7. Q: Quels sont les autres auteurs qui vous ont inspiré dans votre travail ?
CB: Virtuellement la liste des auteurs qui m’ont inspiré est immense, mais s’il faut en citer quelques uns je dirais Herman Melville, Edgar Allan Poe, Ray Bradbury, William Blake. J’ai également été très influencé par les peintres notamment par les œuvres de Francisco Goya, Ernst Fuchs, James Ensor (le surréaliste belge). Leurs travaux constituent toujours pour moi une source d’inspiration qui me permet de m’améliorer constamment.
8. Q: Quel rapport existe – t – il entre la situation politique actuelle du Proche Orient et celle que vous décrivez dans votre projet ? Y a – t – il un message que vous voulez transmettre à travers ce titre ?
CB: L’idée de Jéricho m’a toujours fasciné car elle associe mes deux grandes passions (l’histoire et l’horreur) : le voyage de nos protagonistes à travers différentes époques dans le jeu, leur progression qui les rapproche inexorablement du Grand adversaire qui siège au centre de ce labyrinthe qu’est le temps.
9. Q: La description que vous faites de Jéricho comme étant « des murs emmurés dans d’autres » donne l’impression qu’il s’agit d’un espace aux dimensions extraordinaires du genre de Lovecraft, caractérisé par des contradictions volontaires qui dépassent l’entendement de l’Homme et qui débouchent sur un véritable imbroglio dans cette horreur indescriptible. Est – ce qu’un jeu peut véritablement représenter cet univers constamment clos ?
CB: Il existe effectivement un rapport entre le jeu et le genre de vastes espaces architecturaux évoqués par H.P Lovecraft. Mais je pense que la ressemblance s’arrête là. La méthode de Lovecraft consistait à se heurter de façon continuelle à de gigantesques forces à la fois indescriptibles et inqualifiables qui, en ce qui me concerne, se démodent au bout d’un moment. Je suis irrité quand dans un livre il y a des passages dans lesquels l’auteur ose me dire que le monstre est tellement féroce qu’il lui manque des mots pour le décrire. Depuis que je travaille comme auteur de fictions, je me plais toujours à présenter aux lecteurs, ou aux spectateurs (dans le cas de « Hellraiser »), des malfrats imaginés avec précision et décris avec beaucoup d’élégance. Je ne m’intéresse pas à une bête que l’auteur ne peut pas décrire.
10. Q: Jéricho renferme des scènes d’horreur – y a-t-il des choses que vous considéreriez trop violentes pour être incluses dans un jeu ?
CB: Certes, Jéricho use d’un matériel terrible et gore, mais j’ai toujours pensé que l’une des missions des auteurs qui écrivent des histoires d’horreur -quelque soit le médium choisi - consiste à transporter les lecteurs dans un monde de tabous ; un endroit ou ils n’auraient jamais osé pénétrer si le jeu ne les y avait pas contraint sous un faux prétexte. Transgressant la règle, le visiteur provoque alors le courroux d’une créature redoutable jamais rencontrée auparavant.
11. Q: Quel est votre personnage/création préféré(e) dans le jeu ?
CB: Je n’ai jamais de préférences lorsqu’il s’agit de personnages dans les livres ou les jeux. C’est vrai !. J’aime les méchants. Je les ai toujours aimés, et je les aimerai toujours.
12. Q: Jéricho est la plus vieille colonie du monde qui soit continuellement sous occupation, cependant, le titre de votre ouvrage ne renvoie pas la à ville historique, mais à des escadrons doués d’une intelligence psychique surnaturelle, envoyés en mission à Al Khali pour élucider le mystère à travers les âges. Comment ces équipes sont – elles constituées et comment se retrouvent – elles ?
CB: Il va sans dire que si Jéricho est apprécié des joueurs, nous enverrons notre escadron psychique vers d’autres aventures (en supposant évidemment que l’un d’eux survive.) L’appétit de l’homme pour le mystère et la terreur n’est jamais satisfait, même si -de nos jours - le monde est réellement terrifiant. C’est peut-être là la connexion. Peut-être cherchons-nous des jeux et des histoires qui nous permettent d’avoir un contrôle sur les horreurs d’un monde imaginaire ; contrôle que nous n’avons malheureusement pas dans le monde réel.
13. Q: Votre ouvrage présente surtout les forces du Mal au détriment du Bien dont on voit peu de signes. Cet état de choses reflète – t il votre vision du monde ?
CB: Ecoutez, je ne suis pas d’accord avec l’idée selon laquelle je ne présente pas le Bien dans mes ouvrages. Je peux vous citer des romans comme « Imajica » et « le Royaume des devins » qui ont des héros et des héroïnes très puissants. Il en va de même pour toutes les histoires que j’écris -accessibles pour tous les âges - « Le Voleur d’éternité » par exemple met en scène un héros magnifique du nom d’Harvey qui affronte un adversaire terrible, à l’exemple de David qui s’est mesuré à Goliath dans la Bible. Par ailleurs, dans les livres « Abarat » parmi lesquels deux sur cinq ont été publiés, il y a tout un groupe de « bons » personnages qui aident notre héroïne, une femme appelée Candy Quackenbush. Inutile de dire que nos amis sont en sérieuse infériorité numérique…mais c’est tout ce qui rend l’histoire passionnante, n’est-ce pas?
Publié le mardi 31 juillet 2007 à 13h33
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Jericho
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Clive Barker
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