Critique The Hole [2012]
Avis critique rédigé par Jonathan C. le lundi 9 avril 2012 à 00h13
L'Enfer de Dante
4 ans après sa mise en boite, boite qui a finit dans un tiroir durant tout ce temps si ce n’est pour tourner dans quelques festivals, le dernier film en date du décidément maudit Joe Dante (dont le précédent long métrage, le savoureux Les Looney Tunes passent à l'action, remonte à 2002) devrait enfin sortir en France, mais sans passer par la case cinéma (à l’exception d’une séance unique au Max Linder à Paris, et en 2D). S’il a bénéficié d’une sortie en salle dans quelques pays européen comme l’Italie, l'Angleterre, la Russie, l'Espagne ou l’Irlande, The Hole n’aura pas été aussi bien traité dans la plupart des autres pays (dont les Etats-Unis), soit pas sorti du tout, soit en DTV sans passer par l’exploitation en salles malgré sa confection en 3D. Un choix de distribution complètement absurde puisque la 3D est probablement le principal intérêt de The Hole, qui avait même remporté le prix de la meilleure 3D au festival du film de Venise en 2009.
Comme John Landis avec Cadavres à la Pelle ou John Carpenter avec The Ward, Joe Dante effectue donc un retour aussi discret et modeste que sacrifié par la distribution. Avec ses gamins découvrant que leur nouvelle maison abrite dans sa cave un trou sans fond duquel semble sortir leurs propres peurs qui viennent les harceler, The Hole (rien à voir avec le terrifiant The Hole de Nick Hamm) évoque évidemment les films fantastiques pop-corn des années 80, quand les enfants se confrontent dans leur quotidien à des manifestations surnaturelles et deviennent les héros d’une enquête-aventure mêlant épouvante, science-fiction et humour, avec parfois un brin d’horreur, comme dans Les Goonies, Vampires,vous avez dit vampires?, les Retour vers le futur ou Le Secret de la Pyramide. Récemment, Super 8 ou The Innkeepers se calquaient sur les mêmes références, dont l’incursion du fantastique au sein d’une morne réalité quotidienne (les jeunes héros s’ennuient et se chamaillent) se déroule généralement dans une paisible banlieue, cadre social cher au réalisateur des Banlieusards (quasiment tous ses films se déroulent là) ainsi qu’à Steven Spielberg. Le pavillon banlieusard devient alors un vaste terrain de jeu et une carte au trésor grandeur nature, ce lieu autrefois tristement commun devient le coeur de découvertes, d'explorations et d'expérimentations. Mieux : The Hole semble presque faire écho au décidément bien vu Monster House de Gil Kenan, justement produit par Spielberg et Robert Zemeckis. Pas étonnant de la part de Dante, protégé de Spielberg et enfant d’Amblin pour lesquels il a réalisé les Gremlins, Explorers et Small Soldiers. Joe Dante semble ne pas être sorti du début des années 90, et son The Hole est un joli film qu’on croirait fait à une autre époque, éveillant la nostalgie comme Super 8 mais de façon plus sincère et moins flagrante. Le fait qu’il soit resté si longtemps dans le placard et fut aussi peu vu vient même accentuer cette impression d’un film oublié, retrouvé sur le haut d’une vieille armoire poussiéreuse.
Joe Dante use donc de ficelles aussi grosses qu’efficaces, de petits trucs d’artisan qui fonctionnent toujours (on sursaute à plusieurs reprises sur des artifices démodés), des effets très rudimentaires (parfois trop). Le cinéaste pose une atmosphère de paranoïa, fait dans le suggestif (quelque chose qui se cache, une ombre, un bruit…) plutôt que dans la surenchère (dans laquelle sombrait la dernière partie de Insidious), et se focalise sur les personnages lorsqu’un danger rode autour d’eux, instaurant ainsi la crainte de voir surgir cet ennemi inconnu au détour d’un travelling ou au fond du champ de vision, ce qui est d’autant plus efficace en 3D. Avec The Hole, retour à l’époque ou les jeunes héros vérifiaient sous leur lit s’il n’y avait pas de monstres, s’armaient comme ils pouvaient afin de les affronter ou se planquaient dans un placard pour y échapper, l'époque des enfants usant du système D dans leur enquête (cf. la caméra envoyé au fond du trou), l’époque des « jumpscare-fausse alerte », des boogeymen oniriques et des pantins démoniaques, le temps ou les enfants affrontaient leur subconscient à travers des épreuves psycho-horrifiques (il y a ici une part de psychanalyse). The Hole rappelle tous ces films de maison hantée abritant une porte ouverte sur les ténèbres et les peurs enfouies (de House à Don't Be Afraid of the Dark en passant par Le Peuple des ténèbres) ou même un film comme Sphère pour la matérialisation des peurs. Très classique, vraiment à l’ancienne mais pas opportunément, The Hole réserve ses petits moments de tension (la scène anxiogène avec la fillette dans les toilettes ou dans la chambre de la voisine, la scène stressante dans la cave avec le pantin tintinnabulant, le climax cauchemardesque…), aérés par de l’humour (moins grinçant que le Joe Dante d’autrefois), de la romance fantasmatique (la jolie voisine qui vient en aide aux garçons) et un peu de bon sentiment. Certains moments d’effroi font même office de gags (cf. la caméra qui filme un œil au fond du trou). Bref, c’est du vrai divertissement pop-corn à effets spéciaux comme les eighties en produisaient en masse, avec désinvolture et légèreté.
Les apparitions horrifiques semblent elles-mêmes sortir d’une autre époque mais parviennent encore à faire frissonner, que ce soit le fantôme de la fillette (dont le déplacement saccadé sonne comme un nouveau clin d’œil du cinéaste aussi bien au cinéma d'épouvante japonais qu'à Ray Harryhausen, bien qu'il ne s'agisse pas là de stop motion mais d'accélération de l'image), l’incarnation du père tyrannique (l’équivalent d’un ogre ou d’un grand méchant loup) joué par John DeSantis (le viking Ragnar dans Le Treizième Guerrier, Moonface dans le Master of Horror La Survivante de Don Coscarelli et le Juggernaut dans 13 Fantômes) et surtout ce foutu clown à grelots (moi non plus je n’aime pas les clowns), avec lequel se bat le gamin dans une scène de terreur cartoonesque à la Evil Dead, alors que cet inquiétant pantin clownesque représente tout un pan du cinéma horrifique des années 80 avec marionnettes, jouets et poupées maléfiques (Puppet Master, Chucky, Teddy : la mort en peluche, Demonic Toys et autres productions Charles Band, sans oublier Poltergeist et le récent Dead Silence). Toutes ces apparitions, certes timides niveau violence (pas de sang) quoique réservant quelques moments de frayeur (en revanche l'apparition du flic décédé semble être pompée sur le Sixième Sens de M. Night Shyamalan), évoquent ainsi les souvenirs d’un cinéma révolu, comme des flashbacks. Le climax au fond du trou (sans mauvais jeu de mot) se déroule dans une représentation onirique proche de l'expressionnisme allemand (le décor fait écho au Cabinet du docteur Caligari), renvoyant aux premiers films de Tim Burton (surtout Beetlejuice) mais aussi au segment incroyablement fou qu’avait réalisé Joe Dante pour le film La Quatrieme Dimension, Its a Good Life. The Hole a d’ailleurs tout d’un épisode de Twilight Zone. Dommage que cette plongée dans un univers parallèle cauchemardesque soit si tardive dans un récit jusqu’ici trop banal, quoique mené de main de maitre par un cinéaste toujours conscient des limites du genre, qu'il sait tourner en dérision tout en le prenant au sérieux, sans jamais se foutre de la gueule de son public (alors qu'il aurait toutes les raisons de le faire).
A l'inverse de bien d'autres films qui ont eu cet honneur, The Hole méritait d’être projeté en 3D (il n'y a pas eu une seule projection 3D aux Etats-Unis ou en France), parce qu’il a précisément été conçu dans cette optique et que plusieurs scènes se reposent grandement dessus. Qu’il s’agisse de simples saillies (le gamin qui joue avec sa balle : on se croirait revenu au temps de Vendredi 13 : Meurtres en 3 dimensions) ou d’un savant jeu sur les perspectives (cf. le jeu sur les échelles au cours du final vertigineux, avec cette immensité symbolique du père tyrannique dans les décors expressionnistes), la profondeur et les distances (cf. les contre-plongées dans le trou), Joe Dante et son chef opérateur Theo van de Sande (Blade, Out of time, Volcano) ont véritablement pensé la mise en scène en fonction de la 3D, gagnant en dynamisme et en ampleur. Comme l'explique le réalisateur dans notre interview, tourner en 3D « n'a rien à voir avec un tournage "ordinaire", car il faut réfléchir chaque plan à l'avance, ou le spectateur va diriger le regard, jusqu’où faire sortir les choses de l'écran ou au contraire les reculer (...) C'est beaucoup de travail, beaucoup plus que sur un film ordinaire, c'est d'autant plus énervant quand le film n'est pas projeté en 3D ». Même les effets spéciaux font dans l’artisanal mais ont besoin de la 3D pour en imposer (surtout dans le climax). Joe Dante, qui n'aime pas les reconversions 3D (qui, selon lui, tuent le procédé), avait déjà expérimenté le principe de la 3D sur R.L. Stine's Haunted Lighthouse, un spot publicitaire pour un parc d'attraction californien et avec lequel le cinéaste avait préparé des gimmicks 4D à la manière de William Castle, toujours dans l'optique du divertissement désuet mais exploitant une toute nouvelle technologie. Avec The Hole, de nouveau après Panic sur Florida Beach, Joe Dante rend hommage au cinéma ludique de William Castle et au système (3)D. Le cinéaste profite aussi de la 3D pour jouer avec une caméra passe-partout (par exemple dans un pot d’échappement) à la HK ou façon David Fincher (il n’est pas interdit non plus de penser, à ce moment-là, à Michael Bay ou Rob Cohen). Formellement, The Hole c’est tout bête et intelligent, c’est simple, ça se tient et ça marche. Pour contribuer à poser une atmosphère pesante et old school, Dante fait appel au talentueux Javier Navarrete, compositeur de L'échine du Diable et du Labyrinthe de Pan (deux autres films adoptant le point de vue de l'enfant sur le fantastique), mais aussi de Mirrors.
Récit initiatique balisé, le scénario a les défauts de ses qualités : simpliste, convenu, minimaliste, prévisible. Il ne fallait pas en attendre beaucoup du scénariste des deux Motel et réalisateur du peu connu Séance avec Adrian Paul. Par ailleurs, le montage semble avoir subit des coupes, comme s'il manquait des bouts de film. Sans grandes surprises et expédiant maladroitement ses enjeux (surtout les quêtes rédemptrices, cf. au parc d’attraction) et ses mystères (ça vire à mi-chemin au thriller surnaturel dramatique, lorsque le concept fantastique se dévoile), le script se justifie surtout pour les scènes d’épouvante et pour un humour bon enfant (cf. la relation complice entre les deux frères). Joe Dante y envoie quelques clins d’œil complices (ses vieux potes Dick Miller et Bruce Dern viennent faire coucou, un des personnages lit L’Enfer de Dante…), comme s’il connaissait son public depuis un bail (et c’est le cas), tout en essayant de toucher la nouvelle génération (là c’est moins réussi). Comme souvent, Joe Dante créer du contenu dans un scénario sans prétentions. Les personnages sont des archétypes qui se caractérisent (et prennent vie) progressivement par leurs peurs. Pour définir ces peurs et ces personnages, Dante traite notamment du poids de la figure paternelle (ou de son absence) sur la famille, thème récurrent dans son cinéma ou dans celui de Spielberg, et ici révélé d’une façon étonnement brutale (la représentation du père violent est une sorte de boogeyman, un père-fouettard). Il est de nouveau question ici de la reconstruction d’un cocon familial et de la protection du foyer. Avec ce conte horrifique old school, Joe Dante renoue avec les peurs enfantines (le noir, les clowns, les fantômes, la figure du père, le trauma d’enfance…), que doivent affronter les jeunes héros afin de grandir.
Le gros problème, c’est le héros : une véritable tête à claques jouée par un acteur calamiteux (Chris Massoglia, vu dans L'Assistant du vampire). Difficile d’éprouver la moindre empathie pour ce puceau sans charisme, car on est bien loin des attachants William Ragsdale, River Phoenix, Michael J. Fox, Corey Haim, Corey Feldman, Sean Astin & Cie qui animaient ces films de notre jeunesse. Bien que plus agréable à regarder, l'actrice Haley Bennett (la starlette Cora dans Le Come-back et l’héroïne de Kaboom, vue aussi dans Marley & Moi) est également assez mauvaise dans le rôle de cette jolie voisine espiègle. En revanche, le gamin Nathan Gumble (fils d’Owen Wilson dans Marley & Moi, de Thomas Jane dans The Mist, de Brad Pitt dans Babel, d’Ashley Judd dans Winter le dauphin et de Gary Oldman dans The Dark Knight) est bien plus convaincant, à regretter qu’il ne soit pas le vrai héros de cette aventure fantaisiste qui aurait vraiment eu besoin d’un acteur principal plus attachant (type Anton Yelchin dans le remake 3D de Vampires,vous avez dit vampires?). Les seconds rôles hors du trio de tête sont trop anecdotiques, qu’il s’agisse de la mère anxieuse jouée par Teri Polo (la femme de Ben Stiller dans les Mon beau-père et moi) ou de Bruce Dern en scientifique farfelu évoquant fortement le Doc Brown des Retour vers le futur.
La conclusion de Jonathan C. à propos du Film : The Hole [2012]
Avec un budget modeste de 12 millions de dollars, Joe Dante réalise tranquillement mais honnêtement, c’est-à-dire en s’amusant et en y imposant sa patte, un petit film d’épouvante pop-corn à l’ancienne, comme un train-fantôme sorti d’une autre époque, avec ses scories poussiéreux mais plein de charme, son incursion du fantastique dans une réalité quotidienne, son cadre (un déménagement en banlieue), ses motifs désuets, ses effets rudimentaires mais efficaces, sa 3D foraine mais rigoureusement pensée, et son mélange d’horreur et d’humour. Sans prises de risques (encore que Dante ose quelques expérimentations en 3D) mais très plaisant, ce The Hole se savoure comme un plaisir coupable old school sans aucune prétention. Après cette nouvelle (mais relative) réussite artistique et ce nouvel échec commercial, on attend le Joe sur un projet plus ambitieux ou plus personnel…
On a aimé
- Une 3D semble-t-il ingénieuse et bien pensée
- Un parfum de nostalgie et de pop-corn eighties
- Des scènes de frayeurs efficaces (saloperie de pantin à grelots !)
- Une désinvolture enivrante et une simplicité rafraichissante
On a moins bien aimé
- Un acteur principal insupportable
- Rien d'original, prévisible et sans surprises
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