Critique At the Devil's Door [2015]
Avis critique rédigé par Jonathan C. le mercredi 8 avril 2015 à 14h21
At the devil's door
Les films de possession sont légion et il faut vraiment faire le tri pour en trouver des potables, voire des bons (par exemple récemment Délivre-nous du mal de Scott Derrickson). At the Devil's Door fait assurément partie des bonnes surprises de ce genre pourtant épuisé jusqu'à la moelle.
Le réalisateur Nicholas McCarthy dit avoir eu l'idée de At the Devil's Door (Home) alors qu'il était en train de présenter son précédent film, The Pact. Un chauffeur de taxi chilien lui aurait raconté avoir passé un pacte avec le diable quand il était plus jeune. McCarthy en a tiré un film d'épouvante aussi convenu que son titre, et dans lequel une jeune femme vend son âme au diable en échange d'une poignée de dollars, le diable passant ensuite de corps en corps, avec tous les clichés qui vont avec (force maléfique invisible, yeux révulsés, fillette possédée, visions cauchemardesque, murmures et voix bizarres, silhouette étrange au détour d'un couloir ou dans un reflet, ombres qui planent sur les murs, imperméable rouge, et même l'indispensable cheval à bascule lugubre). Le cinéaste assume cependant clairement avoir « fait un film sur le diable en respectant les codes du genre » et parvient, comme dans son précédent film, à crédibiliser les stéréotypes. La représentation du diable, campé par Mark Steger (homme-créature dans Je suis une légende, The Unborn ou Men in Black II et personnage marquant dans The Pact), est d'ailleurs aussi furtive que saisissante.
En dépit de ce classicisme, c'est étonnement efficace, surtout grâce à la réalisation posée (toute en steadicam, et en 2.35) et le style élégant et flottant (la caméra suit souvent les personnages de dos) de Nicholas McCarthy, qui avait déjà surpris avec son excellent et certes plus original The Pact (surprenant mélange entre film d’enquête, le film de fantômes et le film de serial-killer), qui exploitait lui aussi non pas une mais deux héroïnes (une idée hitchcockienne ou une héroïne passe le relais à une autre). Dans les deux films, le réalisateur prend son temps pour raconter son histoire (d'ou un rythme assez lent cependant maintenu par une bonne tension), et une mise en scène rigoureuse et au cordeau place efficacement le spectateur auprès des personnages (la caméra les suit souvent de dos), ce qui rend certaines séquences d’épouvante imparables.
Si At the Devil's Door fait un peu redite après The Pact , l'atmosphère oppressante fait son effet (ambiance grise ténébreuse et beau boulot sur la lumière) et certaines séquences posent une lourde tension et font bien flipper, rien que par l'intelligence de la mise en scène, qui joue beaucoup sur les attentes du spectateur chevronné. Probablement lui-même spectateur chevronné du genre, le réalisateur ne se contente pas d'enchainer les jump-scares (d'ailleurs il n'y en a pas ici) ni de faire monter le volume de la bande-son pour faire sursauter (ça reste très calme) ou de céder au gore ou à la violence gratuite. Sa réalisation sobre, mouvante, sournoise et sans esbroufe exploite des artifices très simples (des ombres, des silhouettes, des portes étrangement ouvertes...) pour faire peur, évoquant ainsi autant du Hideo Nakata (il y a ici un aspect social assez proche d'un Dark Water) que du Jacques Tourneur (McCarthy cite Rendez-vous avec la peur parmi ses influences), sans oublier un côté Rosemary's Baby. C'est tout à son honneur et on est loin de films tape-à-l’œil et tapageurs comme Stigmata ou Les âmes perdues, et ça ne tombe pas non plus dans la facilité du found-footage comme les mauvais The Baby ou Devil Inside.
Les deux actrices (dont Catalina Sandino Moreno, la Maria pleine de grâce vue aussi dans A Most Violent Year et les Che de Soderbergh) sont évidemment très belles, tout comme l'adolescente possédée (une troisième héroïne) jouée par Ashley Rickards. A noter le petit rôle mémorable de cette bonne trogne de Michael Massee, dont la carrière fut tristement marquée par la mort de Brandon Lee sur le tournage de The Crow puisque c'est lui-même qui tira sur la star avec une arme chargée (mais on le revoit ensuite dans Seven et Lost Highway, et c'est Ira Gaines dans 24 heures chrono, soit le tout premier bad guy de la série).
Bref, rien d'original mais ça fonctionne et c'est vraiment bien foutu, ce qui fait même de At the Devil's Door une des rares (et certes modestes) réussites dans le genre casse-gueule du "film de possédé" qui a donné tant de mauvais films. Nicholas McCarthy peut s'imposer comme un excellent artisan du cinéma d'épouvante. Le film sort hélas directement en dvd en France, là ou bien d'autres mauvais films du même genre ont eu le droit à une sortie en salles.
La conclusion de Jonathan C. à propos du Film : At the Devil's Door [2015]
Si At the Devil's Door ne surprend guère pas son script (si ce n'est peut-être dans son jeu de relais avec ses héroïnes) et recycle les poncifs éculés du genre épouvante/possession (ce qui est conscient de la part du cinéaste), il le fait avec un vrai savoir-faire qui manque à de nombreux autres films du même genre et qui le rend plus efficace que ces derniers. Déjà réalisateur de l'étonnant The Pact, Nicholas McCarthy ne tombe ni dans le clip tapageur, ni dans le found-footage ni dans l'esbroufe ou les effets faciles (pas de jump-scare ou de bande-son stridente ici). La peur et l'angoisse reposent sur une réalisation soignée, carrée et fourbe qui déjoue intelligemment les attentes du spectateur blasé. Le style élégant et posé instaure une atmosphère inquiétante et pesante dans laquelle circulent des ombres, des menaces invisibles et des héroïnes terrifiées. Ce qui fait de At the Devil's Door l'une des rares réussites du genre.
On a aimé
- -Une mise en scène appliquée et intelligente
- -Un style flottant élégant
- -Une ambiance paranoïaque et angoissante
- -3 belles héroïnes et 3 excellentes actrices
- -Ca fait peur avec pas grand-chose
On a moins bien aimé
- -Les habituels clichés du genre
- -Ca reste très convenu
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