Jodorowsky's Dune > QUAND LE MOT « ADAPTATION » PREND TOUT SON SENS !

Une "vision" très personnelle...

Jodorowsky travaille sur son adaptation de Dune, il a une vision bien à lui pour faire le film, très personnelle. Pour lui Dune est un mythe, un thème immortel qui dépasse l'œuvre d'Herbert, il ne veut même pas de lui comme conseiller technique, en fait, il fait tout pour l'éloigner du projet. Il ne veut pas respecter le roman, il désire carrément le recréer pour le mettre en image. Dans son scénario il veut montrer le processus d'illumination d'un héros, d'un peuple, de toute une planète.
Dans son film, le Duc Leto (père de Paul) est un homme châtré dans un combat rituel dans les arènes pendant une corrida (L'emblème de la maison Atréide étant un taureau sacré...) Jessica - nonne du Bene Gesserit -, envoyée comme concubine chez le duc pour créer une fille qui serait la mère d'un Messie, devient tellement amoureuse de Leto qu'elle décide de sauter un maillon de la chaîne et de créer un fils, le Kwisatz Haderach, le sauveur. En utilisant ses pouvoirs de Bene Gesserit elle se fait inséminer par une goutte de sang de cet homme stérile... :
" La caméra suivait (dans le script) la goutte rouge par les ovaires de la femme et assistait à sa rencontre avec l'ovule où, par une explosion miraculeuse, elle l'inséminait. Paul était né d'une vierge ; et non du sperme de son père mais de son sang..."
Dans sa version de Dune, l'Empereur de la galaxie est fou. Il vit sur une planète artificielle d'or, dans un palais d'or construit selon les non-lois d'une anti-logique. Il vit en symbiose avec un robot identique à lui. La ressemblance est si parfaite que les citoyens ne savent jamais s'ils sont en face de l'homme ou de la machine...
Dans sa version, l'épice est une drogue bleue à consistance spongieuse remplie d'une vie végétale-animale douée du plus haut niveau de conscience. Elle n'arrête pas de prendre toutes sortes de formes, en remuant sans cesse.
Le Baron Harkonnen est un homme immense de 300 kilogrammes. Il est tellement gras et lourd que, pour se déplacer, il doit faire usage continuellement de bulles antigravitationnelles attachées à ses extrémités... Son délire de grandeur n'a pas de limites : il vit dans un palais construit comme un portrait de lui-même... Cette sculpture immense se dresse sur une planète sordide et marécageuse... Pour entrer dans le palais, on doit attendre que le colosse ouvre la bouche et tire une langue d'acier (piste d'atterrissage...)

Une expérience psychedelique

" A la fin du film, l'épouse du Comte Fenring bondit vers Paul, déjà devenu Fremen, et elle lui tranche la gorge. Paul en mourrant dit : « Trop tard, on ne peut me tuer... parce que... - Parce que, continue Jessica avec la voix de Paul, pour tuer le Kwisatz Haderach, il faudrait me tuer aussi... » Et chaque Fremen, chaque Atréides parle maintenant avec la voix de Paul : « Je suis l'homme collectif. Celui qui montre le chemin. » La réalité se transforme rapidement. Trois colonnes de lumière jaillissent de la planète. Elles se mêlent. S'enfoncent dans le sable de la planète : « Je suis la Terre qui attend la semence ! » L'épice se dessèche. Le sol tremble. Des gouttes d'eau forment un pilier entouré de feu. Des filaments d'argent surgissent de l'épice. Créent un arc-en-ciel. Ils se fondent en un nuage d'eau, produisent une « lave » rouge. Puis de la vapeur. Des nuages. De la pluie. Des rivières. De l'herbe. Des forêts. Dune devient verte. Un anneau bleu entoure maintenant la planète. Il se partage. Il produit de plus en plus d'anneaux. Dune est à présent un monde illuminé qui traverse la galaxie, qui la quitte, qui donne sa lumière - qui est Conscience - à tout l'univers. "
Pour concevoir cette séquence finale de transmutation de la matière, Jodorowsky entre en contact avec de vrais alchimistes qui lui affirment que l'épice de Dune est le pendant de la pierre philosophale, la pierre qui change en or tous les autres métaux...
Pour la guerre que Paul et les Fremen mènent contre l'armée impériale il contacte un expert de la guérilla en Amérique du Sud... Il s'intéresse aussi à la magie gitane et aux champignons hallucinogènes pour la cérémonie d'initiation de Jessica.
J'ose à peine vous rappeler que nous sommes au début des années 70, difficile d'imaginer tout cela avec les effets spéciaux de l'époque…
Les dialogues sont confiés à Michel Demuth, auteur de nombreux romans de science fiction français et traducteur d'Herbert.