Rencontre @vec...Patrick Senécal - Sur le Seuil
Un auteur qui nous vient de Québec
Le 26 octobre 2006, les éditions Bragelonne inaugurait leur nouvelle collection de littérature horrifique, L'Ombre, avec deux romans édifiants : Le Diable en Gris de Graham Masterton ainsi que Sur le Seuil de Patrick Senécal.
Nous avons eu l’honneur de pouvoir poser quelques questions à l’auteur québécois Patrick Senécal qui y a répondu bien gracieusement.
Une interview qui est vous proposée intégralement ici même:
Bonjour Patrick,
Tout d’abord, j’ai énormément apprécié la lecture de Sur le Seuil ! Je l’ai terminé en un week-end et c’était très dur de s’arrêter de le lire ! Bravo en tout cas pour ce roman captivant !
Merci beaucoup !
-Pourrais-tu tout d’abord te présenter aux lecteurs français ? Tes études ? Ton parcours littéraire ? Ce qui a déclenché chez toi l’envie de devenir écrivain ?
Je suis né à Drummondville en 1967, une petite ville pas très loin de Montréal. J’ai étudié à l’université en littératures et en cinéma. J’ai publié mon premier roman en 1994 et mon septième sortira cet hiver. J’écris des histoires depuis que j’ai neuf ou dix ans. Pour moi, écrire a toujours été une façon de vivre. Cela s’est imposé tout seul, ça n’a jamais été un choix très conscient.
-Qu’est-ce qui provoque chez toi l’impulsion de création ou quels sont les éléments qui te donnent l’envie de commencer un roman ?
Je dois commencer un nouveau roman lorsque les idées remplissent tellement ma tête que je n’ai plus le choix de les sortir de là. Il y a quelque chose de libérateur dans l’acte d’écrire. Dans mon cas, comme j’écris des choses sombres, l’écriture devient une sorte de grand nettoyage de mon organisme qui doit se débarrasser de toute cette noirceur. Et il y a aussi, bien sûr, le plaisir d’inventer une histoire, tout simplement. Le côté ludique, pour moi, demeure essentiel.
-Quel moment préfères-tu quand tu écris un roman ? Est-ce qu’il te faut une ambiance particulière pour écrire ?
Je m’adapte très facilement à toute environnement. Mais l’idéal, c’est le matin, seul chez moi. L’après-midi, quand je le peux, j’aime bien écrire dans un petit café, en ville. Je ne suis pas très ritualiste. Mais je suis incapable d’écrire le soir.
-Peux-tu nous présenter Sur le Seuil avec tes mots ?
SUR LE SEUIL est l’histoire d’une psychiatre qui enquête sur un écrivain célèbre qui a tenté de se suicider. Il découvrira sur lui des choses terrifiantes en lien avec l’écriture et, surtout, le Mal. C’est l’histoire d’un homme rationnel qui découvre pour la première fois de sa vie que l’irrationnel peut être une voie à explorer. C’est aussi une sorte de réflexion sur la responsabilité de l’écrivain qui écrit de l’horreur et qui donc, d’une certaine manière, fait du divertissement avec quelque chose d’aussi terrible que la violence.
-Ton roman Sur le Seuil a très bien marché à Québec et il a été adapté en 2003 sur grand écran par Éric Tessier puis les droits américains ont été rachetés par la firme Miramax pour un éventuel remake.
Je n’ai pas vu le film d’Éric Tessier mais es-tu content du résultat ? Ce rapproche-t-il du roman ? Et comment s’est déroulée l’élaboration du scénario ? Tu as dû enlever beaucoup d’éléments de ton roman pour écrire un scénario cohérent pour un long métrage ? Si oui était-ce difficile d’amputer Sur le Seuil ?
Je suis très content du film. C’était mon premier scénario et, bien sûr, il y a quelques éléments plus faibles, mais dans l’ensemble ça tient bien la route. Il est très près du roman, et c’est peut-être son plus grand défaut. J’ai appris que dans une adaptation, il faut accepter de changer des choses, ce que je n’ai pas fait avec SUR LE SEUIL par insécurité. Je travaille en ce moment sur trois autres adaptations de mes romans et je me permets plus de changement, des changements qui rendent l’aspect littéraire plus cinématographique sans pour autant changer l’intention du livre.
-Comment es-tu rentré en contact avec les éditions Bragelonne et comment c’est déroulé cette collaboration ? Es-tu content d’être édité en France et de plus pour inaugurer une nouvelle collection horrifique, L’Ombre de Bragelonne, au côté de Graham Masterton ?
En fait, c’est Bragelonne qui m’a contacté. Stéphane Marsan et moi, on s’est rencontré dans une convention à Montréal, puis on s’est revu en France. Cela a été une très belle rencontre, et je suis très content qu’un Québécois inaugure une collection française ! Cela est une preuve d’ouverture.
-Certaines expressions québécoises ont été transposées dans cette édition française. Cela vient de l’une de tes exigences, ou était-ce une manière de garder un esprit proche de ta patrie d’origine ?
Au départ, on m’a proposé beaucoup de changement, mais j’insistais sur l’idée que cela devait rester dans un langage québécois. Après tout, c’est l’intérêt de lire de la littérature étrangère, non ? S’il n’y a plus rien de québécois dans le livre, à quoi bon dire que c’est un livre québécois ? Finalement, Bragelonne a presque tout conservé avec quelques notes de bas de page, ce qui me va très bien. Je crois que l’aspect québécois du livre fait partie de son charme, non ?
-Nous pouvons remarquer que ton personnage Thomas Roy se rapproche beaucoup de Stephen King ? Au niveau du nom – King/Roy – et puis bien sûr dans sa description d’auteur de litté d’horreur hyper connu. Est-ce que le King est l’un de tes auteurs favoris ? Beaucoup de gens le considèrent comme trop médiatique et que cela amoindrit sa création littéraire ? Qu’en penses-tu ?
J’ai été un grand fan de King, dans les années 80 et 90. C’est évident qu’il a été une de mes plus grandes inspirations, ce serait idiot de ma part de le nier. Mais franchement, je ne le lis plus. Qu’il soit trop médiatisé ou non, je m’en moque tant qu’il fait de bons livres. Et là, ça fait longtemps qu’il ne m’a pas impressionné. Comme bien des auteurs de genre, il se répète. J’espère ne pas tomber là-dedans un jour ! Il faut être vigilant.
-Sur le Seuil dépeint, l’environnement de la psychiatrie et nous suivons l’évolution de l’histoire par le biais du psychiatre Paul Lacasse. Est-ce que tu t’es beaucoup renseigné sur ce milieu? Désirais-tu que ce milieu médical soit décrit de manière le plus rationnellement possible pour qu’ensuite le côté surnaturel/horrifique de Sur le Seuil ressorte encore plus ?
Hé bien oui, tu viens de présenter une grande règle du fantastique : plus la réalité première sera plus crédible, plus l’effet de surnaturel sera fort par la suite. Alors, oui, je me suis renseigné sur le milieu psychiatrique. Pas de manière maniaque, car je ne suis pas un fan des livres qui sont plus préoccupés à démontrer leur érudition qu’à nous raconter une bonne histoire. Disons que je me suis renseigné juste assez pour ne pas dire n’importe quoi. Mais je ne voulais pas non plus écrire des pages et des pages sur le fonctionnement d’un hôpital psychiatrique. Il faut toujours que tout passe par l’histoire, il ne faut jamais sentir que tout à coup, l’auteur veut nous épater en écrivant plusieurs pages techniques. Ca, c’est chiant.
-Le rationnel et le surnaturel sont constamment mis en opposition dans ton roman. Une construction de roman exemplaire qui fait douter le lecteur jusqu’au bout :
Etait-ce simplement une manière de dérouter le lecteur à propos de l’intrigue principale et surtout pour que la fin de Sur le Seuil soit encore plus spectaculaire ou était-ce une recherche personnelle pour tenter d’expliquer certains faits sanglants perpétrés par des criminels ?
C’était pour être au service du suspense, bien sûr, mais aussi pour être le plus près possible du personnage. Le problème dans beaucoup d’histoires de ce genre, c’est que le héros accepte trop rapidement le surnaturel. Il doute un peu, oui, mais pas très longtemps. Or, dans la vraie vie, la plupart des gens (surtout un psychiatre comme Lacasse !) combattraient cette idée ! Si, dans une pièce remplie de gens, on voyait tout à coup une chaise s’élever toute seule dans les airs, plus des deux tiers des personnes présentes continueraient de nier le surnaturel pour chercher une explication rationnelle : ondes, magnétisme, que sais-je encore ! D’ailleurs, dans le roman, il n’y a aucune preuve tangible que tout cela est surnaturel. Même la fin peut être une hystérie collective, tout simplement. Bien sûr, nous savons que tout cela est du fantastique, que Roy est vraiment un instrument du Mal, mais je ne voulais aucun signe irréfutable de ce surnaturel, pour que jusqu’à la fin, Paul vive dans le doute.
-D’ailleurs, t’es-tu inspiré de faits divers sanglants ?
Non, pas vraiment. Pour un auteur d’horreur, trouver des façons de faire mourir les gens est un grand plaisir, alors je ne vais pas me priver des les inventer ! :)
-Bon je vais légèrement spoiler le roman, mais Thomas Roy est retrouvé chez lui les doigts amputés. La pire des choses pour un écrivain ! Est-ce que c’est une manière d’exorciser une de tes peurs ?
Inconsciemment, sans doute. Je cherchais juste un symbole fort pour démontrer un écrivain qui ne veut plus écrire. Et je savais que cette scène serait forte. On ne la voit pas en direct, c’est un policier qui la relate, et c’est amplement suffisant. Trop montrer, parfois, n’est pas nécessaire.
-Tu mets également en évidence le lien qui existe entre un écrivain et ses écrits. Une évidence qu’on devine dans le lien fort et intense qui unit les écrits de Thomas Roy et sa culpabilité d’écrire des récits effrayants. Ressens-tu de la culpabilité d’écrire des histoires horrifiques qu’elles soient réalistes ou surnaturelles ?
Hé ben oui, j’en ai parlé plus haut, mais je crois que lorsque j’ai écrit ce roman, je parlais justement de cette culpabilité qui me rongeait de manière inconsciente. En fait, écrire de l’horreur, c’est un peu en produire pour vrai, non ? Finalement, le talent de Thomas Roy est une malédiction qui se retourne contre lui, et à l’époque, je me posais souvent la question : ais-je le droit d’écrire de telles choses ? J’avoue maintenant avoir fait la paix avec ce genre de questionnement. Tant que mes histoires ne sont pas des encouragements à la violence, je ne vois pas en quoi je fais du mal…
-Pourrais-tu nous parler un petit peu des romans futurs ? Je sais qu’un nouveau roman, un polar noir, va bientôt sortir aux éditions québécoise ALIRE mais est-ce qu’un roman d’horreur ou de fantastique est en train de voir le jour ?
Je songe à un roman à la fois, alors comme je suis à la finalité de mon polar, je n’ai encore aucune idée de ce que sera mon prochain livre. En fait, c’est faux : je veux écrire un petit roman pour enfants ! J’ai deux enfants et je veux leur léguer ça. Je travaille aussi sur trois scénarios, dont un est du fantastique (Aliss).
Bonus : pourrais-tu te prêter au jeu du portrait chinois ?
Si tu étais :
- Un Livre : Germinal (Zola)
- Un Mot : plaisir
- Une Phrase : une phrase courte, claire et efficace
- Un Film : Clockwork Orange (Kubrick)
- Une Chanson : I am the Walrus (Beatles)
- Un Objet : un ordinateur portatif, bourré de logiciels
- Un Animal : un cheval sauvage
- Une Couleur : rouge
- Une émotion : l’empathie
- Une fin : ouverte
Merci !
Patrick Senécal
Publié le jeudi 14 décembre 2006 à 15h48
Source : SFU
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Commentaires sur l'article
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Étant Québecois et surtout fan de Patrick Senécal qu'elle n'est pas ma surprise de le voir sur ce site (en plus que j'ai trouvé ce site par hasard en faisait une recherche d'image sur Google. J'espère que vous appréciez le talent de Patrick car il a de quoi en étonné plus d'un! En espérant que vous puissiez bientôt lire son nouveau livre: Le vide. Qui est une critique cinglante et sanglante sur les émissions de Télé-réalité...
(ps: Je ne regrette pas ma trouvaille vous êtes dans mes favoris désormais. C'est pas un très grand honneur mais c'est tout de même ca.)
Sim_Dou, le 17 mai 2007 00h19