Critique La monstrueuse parade [1932]
Avis critique rédigé par Bastien L. le samedi 4 février 2023 à 09h00
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Largement considéré comme un film culte aujourd'hui, La monstrueuse parade n'en reste pas moins une œuvre à part, profondément originale et toujours aussi puissante.
A l'origine de ce film, il existe la nouvelle Spurs (1923) de l'écrivain américain Tod Robbins qui tapa dans l’œil l'artiste/acteur nain Harry Earles qui en fit part au réalisateur Tod Browning et à l'acteur Lon Chaney. Les droits d'adaptation furent ensuite achetés par le responsable de la production chez Metro-Goldwyn-Mayer (MGM), Irving Thalberg en 1927. Il faudra quelques années pour que le projet se lance pâtissant du départ de Browning chez Universal (où il réalisa le grand succès Dracula en 1931) et surtout de la mort de Lon Chaney. Quand la MGM réussit à faire revenir Tod Browning dans ses rangs, le réalisateur détient le pouvoir de choisir son prochain projet et jette son dévolu sur La monstrueuse parade (où il est réalisateur comme producteur) développé en scénario par Willis Goldbeck et Leon Gordon. Une aubaine pour la MGM et Thalberg (producteur non-crédité du film) car le public a faim de films horrifiques depuis le début de l'âge d'or des films de monstres d'Universal (Frankenstein, Dracula...) dont Tod Browning fut un rouage essentiel. Sauf que La monstrueuse parade est bien différent dans le sens où les monstres/créatures censées faire peur ne sont pas issues du fantastique mais des êtres humains atteints de difformités physiques dont le casting a été fait à partir de ceux qu'on appelait les « monstres de foire » (les Freaks qui donnent leur nom au titre original) issus des fêtes foraines et autres cirques. Des personnes réelles dépeintes dans leur environnement (un cirque itinérant) côtoyant un casting d'acteurs professionnels ayant déjà une solide carrière pour un résultat contrasté lors la sortie du film en 1932. En effet, la première version aujourd'hui perdue de 90 minutes fut jugée trop compliquée à vendre pour la MGM et Thalberg qui raccourcissent le film à 64 minutes. Malgré cela, le film fut retiré des cinémas peu de temps après sa sortie alors qu'il était largement rejeté par la critique. Il fut même interdit des décennies dans des pays comme le Royaume-Uni avant d'être redécouvert par la contre-culture dans les années 1960 gagnant enfin un accueil digne de cet excellent film.
Le film se déroule dans un cirque itinérant acceuillant une nouvelle trapéziste, la sublime Cléopâtre (Olga Baclanova) dont le nain Hans (Harry Earles) tombe sous le charme. Comme ce dernier est assez riche, et malgré qu'il soit fiancée à l'écuyère naine Frieda (Daisy Earles), Cléopâtre décide de le manipuler en le laissant lui faire la cour tandis qu'elle complote aux côté de Hercules (Henry Victor), monsieur muscle du théâtre. Cette manigance se fait aux yeux de tous les autres membres du cirque comme la dompteuse Venus (Leila Hyams) qui convoite le clown Phroso (Wallace Ford) même si ce dernier semble trop préoccupé par ses numéros. La trame principale permet aussi de découvrir la vie au sein du cirque à travers ses différents membres comme le clown bègue Roscoe (Roscoe Ates) voulant épouser une des deux sœurs siamoises (Daisy & Violet Hilton) par exemple.
A moins d'avoir une forte phobie pour les difformités physiques, La monstrueuse parade ne fait plus réellement peur aujourd'hui. Néanmoins le métrage reste quand même une œuvre fascinante à plus d'un titre notamment son récit, malgré une coupe d'environ un tiers de ce qui avait été filmé. A ce propos, la vraie fin a été retrouvée se retrouvant donc sur les éditions DVD du film contrairement à celle charcutée en 1932. Même si le côté horrifique ne prend plus, on se retrouve quand même devant un drame se déroulant dans le milieu du cirque avec une approche quasiment naturaliste avant un grand final grandiloquent riche en sensations fortes. C'est par ailleurs le côté naturaliste du film qui le rend encore aussi impactant aujourd'hui à travers la présentation de la galerie de personnages aussi étonnants que difformes. Le film joue à fond sur notre fascination face à ce qui sort de la normalité assouvissant ainsi une curiosité qui pousse parfois au voyeurisme car Tod Browning ne filme ses personnages que en dehors des numéros qu'ils sont censés faire. Ce film sur le cirque sans aucune représentation permet d'humaniser au maximum ceux qui n'étaient parfois pas considérés comme humains. Et ce même pendant la production du film car il paraît que la troupe des « Freaks » étaient séparés du reste des studios MGM notamment des cantines. Cette plongée au cœur d'un cirque fonctionne bien plus que l'intrigue qui souffre énormément des coupes car les péripéties sont un peu précipitées à l'image de l'évolution de la relation entre Cléopâtre et Hans.
Si la production affichait clairement sa volonté de faire un film d'horreur, il en résulte néanmoins un film assez réaliste à commencer par les « Freaks » du titre. A travers cette approche naturaliste, Tod Browning questionne la notion de normalité via ses personnages handicapés comme valides. Et il le fait en présentant autant des anormalités physiques que morales sans que les deux soient forcément liées. La sublime Cléopâtre étant ainsi la plus monstrueuse dans ses agissements. Mais là où le film s'avère passionnant c'est quand il refuse tout manichéisme entre les valides et les handicapés. Les horreurs de Cléopâtre et Hercules sont contrebalancées par la bienveillance et la tolérance de Phroso et Venus. Même idée pour les Freaks qui sont montrés comme étant aussi humains que n'importe qui avec leurs amours (le couple Hans-Frieda ou encore ceux des sœurs siamoises entraînant quelques bonnes scènes comiques) comme leurs familles aimantes. Mais ils peuvent aussi afficher leur part sombre quand ils sont attaqués réagissant comme une sorte de clan aussi uni que vengeur. Cette confrontation entre valides et handicapés se retrouvent lors de la scène du mariage où Cléopâtre fait éclater son dégoût comme sa peur de la difformité. Aussi court soit-il, le métrage d'une heure s'avère d'une richesse et d'une originalité incroyable pour le Hollywood de l'époque rendant sa vision toujours pertinente actuellement.
Pour obtenir une telle réussite il fallait évidemment un chef d'orchestre aussi doué que le réalisateur et producteur Tod Browning. Il a su fédérer autant son casting que ses équipes techniques pour accoucher de ce qui est aujourd'hui considéré comme un film culte. La direction artistique la plus réaliste possible autour de ses « Freaks » permet encore plus d'accentuer leurs difformités au sein de la normalité d'un environnement pourtant assez particulier, celui du cirque. Le tout est réalisé avec une mise en scène aussi classique que soignée avant que tout n'explose dans un final apocalyptique. Browning tire le plus parti de son noir et blanc dans cette scène qui imprime littéralement notre mémoire de cinéphiles et annonce toutes les œuvres montrant un personnage se faire traquer lentement par des êtres plus petits. Pour ce qui est des comédiens, que cela soit Wallace Ford (Fascination, Le Reportage Tragique...) et Leila Hyams (La Treizième Chaise, Madame et ses partenaires...), ils proposent des personnages attachants contrastant bien avec Olga Baclanova (Les Trois coupables, L'homme qui rit...) en calculatrice et vile Cléopâtre. Le reste du casting surtout composés des artistes de cirques handicapés est au diapason réussissant chacun à imprimer l'histoire de leur personnalité plus que de leur difformité même si les rôles sont évidemment d'une importance inégale.
La conclusion de Bastien L. à propos du Film : La monstrueuse parade [1932]
La monstrueuse parade est un film d'horreur qui a certes perdu de sa substance horrifique mais qui s'avère tout aussi passionnant à visionner actuellement. Une œuvre complètement à part sur la différence et la tolérance refusant tout manichéisme avec une approche quasiment naturaliste. Le tout bien mis en scène et bien interprété. A découvrir si ce n'est pas déjà le cas.
On a aimé
- Une oeuvre aussi originale que fascinante
- Un récit sur la tolérance refusant tout manichéisme
- Le final retrouvé
On a moins bien aimé
- Ne fais plus vraiment peur
- On sent que le film a été charcuté
- Une fin légèrement en décalage avec le côté naturaliste du film
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