Critique The Book of Unwritten Tales 2 [2015]

Critique de la version PS3

Véritable genre star des années 1980 et 1990 sur PC, le jeu d'aventure façon point-and-click a sérieusement perdu de sa superbe mais s'il a continué à exister notamment du côté de l'Allemagne.

Genre purement américain à la base, le point-and-click (ou pointer-et-cliquer) n'a pas vraiment survécu au tournant des années 2000 en disparaissant un peu des radars. Ses grands créateurs devinrent des producteurs plus modestes puis le genre acquis une nouvelle vitalité en Europe à travers les création des Français de Microïds (Syberia...), des Espagnols de Pendulo (Runaway...), des Tchèques de Aminata Design (Machinarium...) mais aussi des Allemands de Daedalic Entertainment et leur série Deponia. Une série qui débuta au même moment que The Book of Unwritten Tales (2009) dans les locaux tout aussi Allemands de KING Art Games. Deux projets plutôt bien accueillis qui faisaient penser aux grands Monkey Island et autres Day of the Tentacle de la grande époque : Des environnements 2D très colorés où l'humour, le sens du dialogue, la destruction du 4ème mur et les énigmes loufoques sont au cœur d'aventures dépaysantes comme divertissantes. KING Art Games offrit même une préquelle à son jeu, The Critter Chronicles (2012), avant d'en créer une suite. En partie financé sur Kickstarter, cette séquelles fut dirigée par Jan Theysen, un des créateurs du studio. Le projet fut édité par Nordic Games (devenu THQ Nordic depuis) pour une sortie sur PC en février 2015. Suivent des portages sur PS3, PS4, Xbox 306 et Xbox One (2015) et enfin sur WiiU (2016) et Switch (2019). 

Cette suite, toujours située dans le monde médiéval-fantastique de Aventasia, reprend les mêmes héros que le premier opus. Après avoir vaincu le mage maléfique Munkus, ils pensent pouvoir vivre paisiblement leur vie. Le pirate Nate, accompagné de Créature, continue ses combines louches à l'aide de son bateau volant à la poursuite d'artefacts de valeur. La princesse Elfe Ivo se sent seule depuis que Nate l'a inexplicablement quittée et subit la pression de sa mère pour se marier. Malgré cela, elle éprouve des changements dans son corps en découvrant qu'elle est enceinte alors qu'elle ne se souvient pas avoir conçu quelconque enfant... De son côté, le gnome Wilbur Weathervane est devenu un professeur de magie dans une école un peu vétuste où il va devoir composer avec des élèves impertinents et un directeur peu enclin à lui faire confiance. Cette école située dans la ville de Rochemer n'échappe pas aux ambitions de la détestable Van Buren qui souhaite devenir maire à la place du sage Archimage Allistair. Wilbur va devoir enquêter sur les magouilles de cette dernières notamment à l'aide de ses alliés les rats. Mais dans l'ombre, une vieille menace semble toujours exister et les trois héros vont devoir une nouvelle fois faire équipe pour sauver la situation...

Comme dans tout bon jeu d'aventure en point-and-click, le scénario a une importance déterminante. Avec un type de gameplay assez limité, il faut évidemment que l'histoire réussisse à nous captiver. Et le pari est en partie remporté dans The Book of Unwritten Tales 2. Même sans avoir fait le premier opus (sorti uniquement sur PC), on est pris dans l'aventure avec cette bande de héros hétéroclite et pas forcément les plus fiables qui soient à première vue. Néanmoins, on accroche bien aux personnages que cela soit Wilbur et sa manque de confiance en soi, Ivo dont le monde est bouleversé comme Nate et ses intentions peu louables. Le récit prend de l'ampleur au fur et à mesure tout en offrant ce qu'il faut de péripéties, de surprises comme de lieux différents afin de constamment éveiller notre intérêt. Les rencontres des nombreux PNJ font évidemment le sel du récit avec le retour de personnages issus du premier opus comme des nouveaux. Le jeu brasse beaucoup de thématiques tirant parfois à boulets rouges sur nos sociétés occidentales mais raconte au final la classique lutte du bien contre le mal. Un combat où la coopération et la tolérance entre personnes issues de cultures différentes peuvent triompher. Du classique et efficace pour le genre du médiéval-fantastique malgré le vernis parodique important. Il faudra aussi accepter que le jeu soit très bavard si vous n'avez pas l'habitude de ce genre de production. Et même si on apprécie l'oeuvre, il faut avouer que ça parle souvent beaucoup par moments cassant le rythme pour pas grand chose. Après je dois confesser un manque d'expérience dans le genre du point-and-click à l'ancienne.

La grande force du jeu est son humour très efficace reposant sur les dialogues mais aussi sur son aspect parodique très référencé. Les personnages et leurs défauts sont parfaitement mis en scène sans que jamais ils soient détestables. La naïveté de Wilbur et la roublardise un peu couarde de Nate sont de bons exemples. Il y a aussi la condition de Ivo qui entraîne beaucoup de quiproquos. Les rencontres avec des personnages haut-en-couleur ajoutent un peu de sel à cette équipe loufoque où les échanges sont souvent savoureux. Que cela soit un jardinier à l'allure de mini-ent peu porté sur le travail, un troll de ménage, un couple de zombies ou une jeune femme vénale cherchant vieux seigneur à pouiller... On sourit souvent voire on peut rire franchement devant certaines situations et certains dialogue avec un rythme qui ne faiblit pas tout au long de l'aventure. L'aspect parodique est aussi important tant The Book of Unwritten Tales 2 brasse large à ce niveau faisant forcément penser aux Annales du Disque-Monde de Terry Pratchett, ce que le jeu assume sans problème. On y retrouve ainsi une ambiance fantasy avec un mage peu doué et toute une parodie des univers liés à l'imaginaire (fantastique et SF compris). Mais il y a aussi la volonté de se moquer gentiment des poncifs du genre ainsi que du jeu vidéo dans un humour méta assez efficace. Enfin il y a les références et parodies qui pullulent littéralement du début à la fin telles que Le Seigneur des Anneaux, Harry Potter, Star Wars, Le Trône de Fer, Dracula, Minecraft, Final Fantasy, SOS Fantômes ou les grands acteurs du cinéma horrifique classique... Tellement qu'il est difficile de tout citer mais cela est toujours bien amené rendant le fan service très efficace. A noter que tous les textes ont été traduits en français avec un travail de grande qualité. 

On sent néanmoins que The Book of Unwritten Tales 2 veut être un excellent élève de l'école LucasArts et on a souvent le sentiment d'un jeu style Monkey Island ou Day of the Tentacle sorti avec la technologie de 2015 tout en voulant garder ses fondamentaux. Ca pourra plaire évidemment aux vieux briscards du genre mais aussi démontrer ses limites. Déjà d'un point de vue technique, le jeu en 3D développer sur Unity montre vite les limites budgétaires d'un titre qui fait illusion de loin mais qui paraît assez grossier de près notamment en ce qui concerne ses personnages. Déplacer ses personnages dans les différents tableaux pour aussi parfois offrir quelques situations cocasses à cause d'un pathfinding souvent curieux. Néanmoins le jeu reste très jouable avec le seul petit soucis de dialogues qui ne se déclenchent pas au niveau du son mais qui restent toujours lisibles. Graphiquement le jeu est assez joli avec un direction artistique toujours proche des titres LucasArts cités plus haut. Les personnages font très cartoon dans un univers coloré et l'on retrouve même les dialogues aux couleurs flashys qui ressortent bien sur le décors. C'est un réel plaisir de découvrir les différents lieux de l'aventure souvent beaux comme la cité des Elfes, l'école de magie, un tombeau égyptien ou encore un village lugubre. Les personnages sont aussi bien travaillés et ont une réelle personnalité. Les développeurs se sont aussi fait plaisir dans les décors qui fourmillent de détails souvent référentiels mais aussi dans une séquence de voyage dans le temps qui propose de revenir à un aspect technique du jeu vidéo plus ancien. Un moment génial. Les musiques de Benny Oschmann sont plutôt bonnes et ne gênent jamais la réflexion. Enfin, il fait absolument citer la qualité des doublages anglais vraiment excellents.

Comme tout bon point-and-click qui se respecte, The Book of Unwritten Tales 2 dispose d'une progression par énigmes. Et si cela commence doucement, l'ensemble se complexifie vite. Il suffit souvent de bien visiter les décors, d'interagir au maximum avec les possibilités qu'offrent les différentes zones d'un niveau à visiter et parler à tout le monde. On va ramasser beaucoup d'objets qu'il faudra utiliser au bon endroit ou avec la bonne personne tout en devant souvent en combiner quelques-uns. S'il y a peu d'énigmes vraiment tirées par les cheveux, la complexité du jeu vient de la profusion de lieux à visiter et de personnes à qui parler surtout à partir du 4ème acte (sur 5) qui imposent des allers-retours dans de très nombreux décors. D'autant plus que des objets ou des options de dialogues apparaissent à travers des conditions assez strictes alors qu'on y était déjà passé. Cela peut engendrer quelques frustrations mais dans l'ensemble les énigmes sont agréables pour qui en aura la patience car le jeu est assez long pouvant allégrement vous demander 15h de votre temps voir plus si vous souhaitez tout faire ou si vous butez longtemps sur des énigmes. Encore une fois, le jeu n'innove pas vraiment dans ses mécaniques mais s'avère satisifaisant pour qui aime le genre.

On vous le conseille si vous aimez Les Annales du Disque-Monde, Le Seigneur des Anneaux, Harry Potter...