Critique Dragon Quest : Your Story [2020]

Critique de la version française.

Les adaptations de jeux vidéo en films ça a toujours été une histoire très compliquée tant elles essayent trop souvent de masquer leurs racines. Mais parfois, elles les embrassent à fond comme pour Dragon Quest : Your Story.

La saga de jeux de rôles japonais Dragon Quest née en 1986 est une institution au Japon à un point que nous Français ayons du mal à imaginer. D'abord parce que le genre est peut-être moins populaire chez nous mais aussi parce qu'il fallut attendre Dragon Quest en 2006 pour y goûter. Depuis, les épisodes suivant sont arrivés jusque dans nos terres mais aussi les portages et remakes des premiers épisodes dont le cinquième, intitulé La Fiancée Céleste chez nous. C'est ce même jeu, d'abord sorti en 1992 sur Super Nintendo, qui eut les honneurs d'une adaptation en images de synthèse. Annoncé par Yuji Horii, le créateur de la série, début 2019, le film sortit la même année au Japon puis fut distribué sur Netflix l'année suivante dans le reste du monde. Le projet fut confié au studio d'animation Shirogumi et son réalisateur maison Takashi Yamazaki qui fut aussi en charge du scénario. L'homme s'est fait connaître mondialement en 2003 avec The Returner et dispose d'une réelle aura au Japon avec près de 40 ans de carrière. On lui doit notamment quelques films Doraemon réalisés au sein de Shirogumi. Yamazaki (aidé à la réalisation par deux autres hommes) avait donc la lourde tache de rendre justice à un monument de la pop culture nippone pour un résultat globalement satisfaisant.

Le jeu raconte l'épopée au long cours du jeune héros Luca dans un univers de fantasy médiévale. La vie ne commence pas sous de meilleurs auspices pour notre héros puisque sa mère est enlevée par le cruel Erebos, un puissant sorcier au service d'une entité supérieure qu'il souhaite invoquer via un portail. Luca est de la race des Zénithiens par sa mère qui a le pouvoir d'ouvrir le portail. Alors que Luca et son père tentent de lutter contre Erebos, l'affrontement tourne à la catastrophe puisque le père est tué tandis que Luca et son ami le Prince Harry sont emprisonnés et réduits en esclavage. Dix ans plus tard, ils réussissent à s'échapper et il est temps pour Luca d'accomplir son destin. Il va donc devoir devenir un réel héros en affrontant de terribles dangers tout en se liant avec des créatures. Pour vaincre Erebos, il va devoir retrouver l'épée zénithienne dans une cité terrorisée par une implacable bête. Sur place il va retrouver ses amies d'enfance, la douce Néra et la fougueuse Bianca. Mais bien des épreuves l'attendent encore pour triompher du mal.

Dragon Quest : Your Story est un film surprenant qui se présente pourtant de manière assez classique quand on étudie son scénario. Déjà, on a le sentiment que La Fiancée Céleste n'était pas le plus simple des épisodes à adapter. Ne l'ayant pas fait, mes points de comparaison sont limités mais il faut noter que le jeu se déroule sur quasiment trois générations durant donc au moins deux décennies. Condenser tout ça en 1h40 a été très compliqué et ça se sent lors d'une introduction qui présente beaucoup trop de personnages, d'enjeux et d’événements faisant que c'est assez difficile à suivre. Le scénario va ainsi avancer avec de fortes ellipses pas toujours faciles à digérer nous empêchant souvent d'avoir un véritablement attachement à des personnages dont Luca est le plus fidèle allié alors qu'on a l'impression qu'ils viennent juste d'apparaître dans le récit. Bref, on a l'impression d'avoir un scénario en avance rapide qui ne semble s'intéresser qu'à ceux ayant fait le jeu. Ce n'est pas complètement dommageable dans l'absolu tant cette histoire de lutte du bien contre le mal avec envahissement de créatures démoniaques, de sorcier souhaitant la fin du monde, de prophéties à réaliser comme de destiné familiale est très convenu. Néanmoins la fin s'avère complètement surprenante. Alors qu'on pensait que le film assumait à 100% d'être une adaptation de jeu vidéo (ce qui a ses qualités comme ses défauts), il nous surprend de manière magistrale (même si les indices étaient là) pour finalement délivrer son message principal : un amour incommensurable des jeux vidéos  et du pouvoir incroyable que ces aventures électroniques ont sur notre imaginaire. Rien que pour cette fin, le film est une curiosité qu'il faut voir.

Le film vaut aussi pour sa beauté toujours très agréable à l'oeil. Évidemment la direction artistique respecte comme il se doit la licence Dragon Quest notamment l'apparence si caractéristique des personnages que l'on doit au grand Akira Toriyama (qui ne semble pas avoir participer à la production du film). Voir les monstres légendaires de la saga comme les gluants ou un smilodon fait quand même son petit effet. Alors si en plus les musiques iconiques de Koichi Sugiyama sont présentes... Le film assume à fond son fan service en nous donnant un film Dragon Quest pur jus pour notre plus grand bonheur. D'autant plus que les environnements traversés par nos héros sont aussi variés que magnifiques avec toujours des profondeurs de champs très bien travaillées ou encore un travail sur la lumière très intéressant. Il y a des plans sublimes dans le film qui respirent encore une fois un certain classicisme mais l'ensemble est tellement généreux qu'on se laisse envelopper avec délice dans cette douceur visuelle aux couleurs chaudes. L'animation n'est pas en reste puisqu’elle est techniquement très solide avec un très bon rendu des cheveux et poils notamment mais aussi des lumières comme des particules. Bref, on sent que les moyens ont été mis pour nous offrir un si charmant spectacle.

Cela permet aussi d'avoir une excellente fluidité dans l'animation des personnages et autres créatures notamment lors de scènes d'actions souvent très impressionnantes. Le savoir faire japonais n'est plus à prouver à ce niveau permettant aux différents moments de bravoure d'être toujours bien lisibles avec ce qu'il faut de rythme pour rendre l'ensemble palpitant. On sent que Takashi Yamazaki est rompu à ce titre de production agissant ici plus comme un yes man efficace que comme un grand visionnaire de l'animation. On sent qu'il s'est fait plaisir notamment une introduction reprenant les graphismes du jeu à sa sortie avec ses gros pixels et sa vue du dessus. Outre sa réalisation aussi classieuse que classique, on voit bien qu'il veut faire plaisirs aux fans via différents stratagèmes comme des arrières-plans toujours bien occupés par les créatures mythiques de la saga. Pour ce qui est des doublages français, ils sont de grande qualité avec des professionnels motivés et rompus à ce genre d'exercice. Il est agréable de voir à quel point le projet a été pris au sérieux par les comédiens qui donnent très bien vie à leur personnage. Au rayon des têtes connus, on peut citer Feodor Atkine derrière Erebos.