Critique Akira [1991]
Avis critique rédigé par MRHA le vendredi 21 février 2003 à 11h23
Akira
Il était une fois la décadence
2019, Néo-Tokyo, ville ravagée par la délinquance, ville étouffée par une construction anarchique, ville meurtrie par le souvenir de son aînée, la capitale nippone qui fut annihilée en 1988 (date de la sortie du film) suite à l'explosion d'une bombe de nature soi-disant inconnue et qui mena la planète dans les abîmes de la troisième guerre mondiale.
Décadence, explosifs, amphets, destruction et mort, voici l'ambiance du chef d'œuvre de Katsuhiro Otomo, créateur du sublime manga de plus de 2000 pages qui trouve ici sa première partie adaptée à l'écran tout en restant entre les mains de son créateur.
Suite au succès extraordinaire du manga, Otomo décida donc d'en faire un film d'animation portant sur le début de l'histoire papier (laquelle ne fut achevée que bien plus tard). Otomo met les choses au point : s'il s'agit de faire un anim de Akira, il s'agit aussi d'exploiter les ressources de ce media en oubliant le manga. Et c'est pari réussit, puisque l'oeuvre animée transfigure complètement la version papier -la surpassant sur de nombreux points, de l'aveu de son auteur-.
Ce constat devient une évidence dès les premières minutes du film, où une course de bikers enragés souffle littéralement le spectateur dans l'ahurissance des travellings, de la violence, de cette dynamique qu'enfin l'artiste peut imprimer à son œuvre... et tout ça avec des plans fourmillants de détails animés, éclairés, colorés... époustouflant !
Le rendu ne fut pas sans efforts, puisque Akira représente au japon ce que Spartacus est aux Etats-Unis d'Amériques, une superproduction au prix exorbitant, mobilisant des dizaines et des dizaines d'artistes travaillant en alternance jours et nuits pendant plusieurs années. Otomo appartient à cette lignée de réalisateurs perfectionnistes (sans doute lié à l'héritage de sa carrière papier, mais son perfectionnisme est tout de même loin de celui frisant la folie d'un Mamuro Oshii par exemple) et donc il lui faut des techniques à la pointe et un challenge autant technologique qu'artistique a relever, cela fait presque partie du cahier des charges de Akira. Et ce fut une réussite puisque le film innova en son temps sur de nombreux points jusqu'alors peu ou pas exploités.
Tout d'abord parlons de l'aspect technique, nous avons 2212 plans, 16000 celulos, 327 couleurs (chiffres exceptionnels pour une animation), l'utilisation de la pré-synchronisation, technique consistant à la réalisation des voix avant l'animation (les voix pouvant servir de guide aux animateurs) qui débarque enfin au pays du soleil levant après une carrière chez Disney, mais également l'utilisation d'images générées par ordinateurs et d'autres outils de production tels que le "Quick Action Recorder" (permettant de lier les storyboards en une version épurée du film avant l'effort des animateurs, technique s'apparentant aux animatics qui sont de plus en plus utilisés de nos jours dans le cinéma "Live"). Akira inaugura également la technique du "SynClavier", technique de création sonore qui n'apporta pas pleine satisfaction à Otomo, mais le resultat est tout de même tout à fait convaincant.
D'un point de vue plus artistique (encore que la technique y soit intimement liée), on ne peut que saluer une musique n'hésitant pas à s'affranchir des barrières nippones, puisque Katsuji Misawa a fait intervenir dans sa partition (écrite sur un an !) Des xylophones indonésiens et des percussions africaines ! Une autre innovation fut l'emploi d'un jeu de couleur ahurissant de nuances quasi-imperceptibles (50 nouvelles couleurs furent crées pour le film) et n'hésitant pas à employer des teintes vives pour un film se passant presque exclusivement la nuit.
Le film est donc innovant à différents niveaux, mais sa plus grande contribution reste sans contestation possible son caractère d'ambassadeur de l'animation japonaise de part le monde. C'est un des grands chefs d'œuvres de l'animation à avoir fait comprendre aux occidentaux que le dessin animé pouvait ne pas être un art infantile, mais présentait un média riche en possibilités (faire la scène finale de Akira en film "Live" c'est courir au flop), en effet l'avantage de l'animation est que les personnages ne sont pas réels par nature, et donc peuvent faire des choses irréelles également de manière (paradoxalement) beaucoup plus crédible. Aussi le dessin stimule l'imagination du spectateur qui est actif dans un film de ce genre. Cette sensation de réalité se trouve donc renforcée par l'effort du spectateur à assimiler cet univers mais aussi par un travail particulier sur les décors, ainsi la scène finale, complètement surréaliste, acquiert sa plausibilité par un travail réaliste sur les décors (un banal stade d'athlétisme) et donc aussi des couleurs.
Parlons un petit peu de l'histoire à présent. Une des grandes caractéristiques d'Akira est l'absence de personnage principal, ce qui est rare dans la production cinématographique en grande partie dominée par les Etats-Unis d'Amériques (encore que des films comme "La Ligne Rouge" de Malick ou "La Menace Fantôme" de Lucas ont emprunté le même chemin par la suite). En effet chaque protagoniste suit sa voie dans le film, réalise son drame au fil des scènes et on ne distingue pas de personnage dominant réellement les autres, et encore moins de héros. Nous avons à faire à des fanatiques religieux, des militaires avides de pouvoir, de jeunes terroristes manipulés, des ados complètement explosés aux amphétamines, bref rien qui reprend le schéma classique du héros sauvant le monde (même le monde n'aura pas le droit d'être sauvé ! ). C'est la décadence et il faut que les personnages y soient à fond pour que le spectateur puisse s'en délecter sans état d'âme. Toutefois les protagonistes ne sont pas n'importe qui dans la société du nouveau Japon, ce sont les exclus : Des jeunes ados d'un lycée professionnels (orphelins qui plus est) n'ayant d'avenir que dans le court terme, des enfants à corps de vieillards (ou inversement) et aux pouvoirs extrasensoriels ultra développés (et paradoxalement totalement introvertis), bref nous avons ici comme acteurs les marginaux de notre société (les jeunes et les personnes agés-apparaissant ironiquement dans un corps juvénile) et là où ça devient intéressant c'est que ces exclus détruisent littéralement la ville qui les dénigre, y voir un avertissement à un déséquilibre contemporain n'est sans doute pas abusif. Le cœur du scénario repose sur le fait que l'enfant détient la clé de l'univers, de sa formation à sa destruction, plus largement le message philosophique du film est que l'individu étant membre de l'univers en détient les secrets, on y voit un rapport assez évident à la philosophie shintoïste. Toutefois la métaphysique d'Akira reste dans ce cadre de la création (désignée plus comme une puissance mystique que comme une réaction chimique où un processus évolutif) et ne s'aventure pas dans les questions existentielles qui en découlent, nous sommes donc loin d'un Ghost in the Shell par exemple. Akira est donc relativement accessible bien que la fin du film puisse troubler par sa dimension et sa surenchère constante d'énormités (Tetsuo), on y croit mais une demi-heure de plus n'aurait pas été superflue pour développer quelques-unes des intrigues parallèles du manga permettant au spectateur de se reposer du rythme très soutenu du film. Cette fin fait d'ailleurs penser aux Keiju-Eiga (les films de monstres comme Godzilla). A prime abord on reste perplexe sur le coté "mécanique" du réveil d'Akira, autant au niveau logique (mais après tout, c'est de la SF) qu'au niveau scénaristique (les mi-enfants, mi-vieillards veulent empêcher Tetsuo de réveiller Akira et pour cela le réveillent eux-mêmes).
En conclusion Akira est un film novateur, délicieusement décadent, une prouesse de l'animation mais peut pêcher au niveau d'une éventuelle trop grande quantité de visuels que doit assimiler le spectateur et une thèse philosophique qu'on aurait aimée plus exploitée.
Une seconde vision ou la lecture du manga est donc conseillée. Mais ces quelques défauts sont tout à fait acceptés comme faisant partie de l'essence du film et de sa culture d'origine.
La conclusion de MRHA à propos du Film d'animation : Akira [1991]
En conclusion Akira est un film novateur, délicieusement décadent, une prouesse de l'animation mais peut pêcher au niveau d'une éventuelle trop grande quantité de visuels que doit assimiler le spectateur et une thèse philosophique qu'on aurait aimée plus exploitée. Une seconde vision ou la lecture du manga est donc conseillée. Mais ces quelques défauts sont tout à fait acceptés comme faisant partie de l'essence du film et de sa culture d'origine.
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