Critique Equilibrium [2003]

Avis critique rédigé par Emmanuel G. le mercredi 28 mai 2003 à 04h06

Comme une impression de déjà vu...

Sentiment interdit
Le monde présenté dans Equilibrium fait partie de ces cauchemars d’anticipation que l’on espère ne voir jamais se concrétiser. Il s’agit d’un univers aseptisé et fasciste où l’expression d’émotions est à présent considéré comme un délit passible de l’exécution pure et simple, sous prétexte qu’ainsi débarrassé de ses émotions, l’être humain est apte à vivre en paix avec son prochain. Chaque habitant de la cité de Librium doit donc s’injecter à intervalles réguliers une drogue bien débilitante. Le pouvoir traque ceux qui refusent de se soumettre à sa loi en s’appuyant sur des flics d’élite, les cleric. A eux de trouver les résistants et d’annihiler leurs trésors : livres et autres oeuvres d’art pouvant susciter une émotion, qui sont détruits sans appel.
A la lecture de ce résumé sommaire, un nombre incalculable de films et de bouquins vous revient instantanément en mémoire ? C’est normal, le réalisateur (qui a également signé le scénario) mixe avec plus ou moins de bonheur une foultitude de références plus ou moins bien digérées. La société totalitaire décrite par le film a de très forts airs de 1984 et de Meilleur des mondes (pour l’utilisation obligatoire de drogues) et devant la destruction par le feu des œuvres d’art, on ne peut naturellement que penser à Fahrenheit 451. De belles références, soit, mais qui à l’écran ont du mal à se marier au sein d’un tout cohérent. Dommage, car malgré un sujet pas follement original, on pouvait s’attendre à un traitement efficace.
Or, efficace, Equilibrium est loin de l’être en permanence. Certaines touches sont fort bien senties : les relations entre le cleric John Preston et son fils embrigadé dans le système, qui font froid dans le dos, mais seront malheureusement désamorcées à la fin par une pirouette un peu regrettable. Ou cette scène nous montrant le premier acte de rébellion de Preston, qui est tout simplement de changer de place les objets de son bureau, lorsqu’il se rend compte que tous les bureaux de ses collègues sont exactement rangés comme le sien. Mais le plupart du temps, le script enfonce avec ardeur toutes les portes ouvertes qui se présentent, et jamais avec finesse : le film est excessivement bavard et pompeux, assénant son discours avec lourdeur (musique classique, ralenti sur une boule à neige qui se casse, comme c’est original). Si ça marche à quelques reprises, c’est dans l’ensemble plutôt maladroit (le cleric chialant en redécouvrant un lever de soleil…).
Sur le plan visuel, c’est la même chose, Kurt Wimmer ayant visiblement été très impressionnés par deux films récents. Le premier, c’est Bienvenue à Gattaca, dont il reprend l’univers aseptisé et l’image glacial, pour les parties du récit se déroulant dans la cité de Libira. Il y ajoute un décorum (drapeaux, statues) directement issu du régime nazi, et c’est assez efficace : l’environnement de la cité est désespérant d’uniformité et rappelle de biens mauvais souvenirs. Certaines idées visuelles (les dirigeables) sont bien trouvées. L’autre film étalon d'Equilibrium, c’est, sans surprise, l’omniprésent Matrix. Personnages poseurs tirés à quatre épingles, engoncés dans de longs manteaux noirs à la Neo, bastons chorégraphiés à l’extrême, n’en jetez plus. Même pas sorti, le film est déjà daté ! Les scènes de combat (ou l’on nous parle d’un art martial fumeux, permettant à un tireur d’esquiver toutes les balles adverses tout en dézinguant 25 adversaires) font peine à voir. Enfin, malgré ses ambitions, le film montre vite les limites de son budget : les scènes où la police affronte les résistants semblent toutes tournées dans le même immeuble désaffecté.
La seule vraie surprise du film, c’est Christian Bale, excellent d’un bout à l’autre. John Preston, cleric fanatique impressionnant de froideur, va peu à peu s’humaniser sans que son personnage ne devienne jamais ridicule (et c’est un tour de force du comédien, tant le scénario joue dans la lourdeur sur ce sujet : le personnage éprouve ses premiers sentiments en découvrant un chiot !). Parfait, Bale joue sur un plan très physique le héros aseptisé de cet univers froid et confirme tout le bien qu’on pense de lui après ses rôles dans American Psycho et Reign of fire.

La conclusion de à propos du Film : Equilibrium [2003]

Auteur Emmanuel G.
50

Avec son univers cauchemardesque, Equilibrium aurait pu être un film de SF noir et sec. Malheureusement, le scénariste-réalisateur ne se dépètre jamais de ses références, auxquelles il applique un traitement prévisible, bavard et maladroit. Quand à la mise en scène, elle fatigue à force de vouloir coller aux standards du moment, Matrix en tête. A voir toutefois pour quelques bons éléments et la prestation de Christian Bale...

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