Critique Retour sur l'horizon [2009]

Avis critique rédigé par Nicolas W. le samedi 24 octobre 2009 à 23h43

Un Magnifique Horizon se profile...

Science-Fiction. Voilà bien un genre souvent décrié, souvent mal aimé, souvent conspué. Mais aussi un genre avant-gardiste, dont les problématiques ont embrasé l'imagination de nombreuses générations de lecteurs. A l'heure du XXIème siècle, entre crise financière et bouleversement éditorial, qu'est-elle devenue cette science-fiction qui nous a tant fait rêver ? Où sont nos Asimov et nos Simak ? Qui pour prendre le flambeau tendu depuis les profondeurs du passé d'un Orwell ou d'un Bradbury ? Y a-t-il même encore quelqu'un ? Petit Retour sur l'horizon pour voir plus loin et savoir enfin si la science-fiction est bel et bien morte...Voici bientôt 11 ans, paraissait une anthologie au Fleuve Noir, intitulée Escales sur l'horizon. A cette époque, Serge Lehman voulait en faire le manifeste de la science-fiction francophone, réunissant des auteurs aussi prestigieux que Ayerdhal, Sylvie Denis , Laurent Genefort ou encore Thomas Day. Coïncidence, ce dernier allait devenir le directeur d'une des plus prestigieuses collections de l'imaginaire français : Denoël Lunes D'encre. Nous sommes aujourd'hui en 2009 et Lunes D'encre célèbre ses dix ans. C'est l'occasion pour Serge Lehman et Gilles Dumay de se retrouver pour une toute nouvelle anthologie, nommée cette fois Retour sur l'horizon. Reprenant l'idée d'Escales sur l'horizon, Lehman réunit ici un instantané du panel science-fictif français. Ce recueil se veut rassembler le meilleur de notre époque, débutant ou confirmé. Alors que la couverture de l'illustrateur phare de la collection, Manchu , donne clairement le ton de l'anthologie, il reste à voir si les 15 auteurs réunis pour cet anniversaire tiennent toutes leurs promesses.

Comme il se doit, le recueil s'ouvre sur une longue préface de l'anthologiste Serge Lehman. Celui-ci nous offre une analyse peut-être inattendue puisqu'il ne s'agit pas à proprement parler d'un retour sur les dix années passées mais sur le genre science-fictif lui-même. Analysant les raisons de la ghettoïsation de la SF avec plus ou moins de justesse (l'argument de la métaphysique n'étant pas pleinement convaincant), il a le grand mérite de rappeler l'ancienneté de ce genre et surtout le changement de taille qui se profile : la SF n'est pas morte, elle a bousculé les barrières. Captivant et souvent pertinent.

Comment ouvrir une anthologie telle que celle-ci, si ce n'est par un hommage à un des auteurs les plus connus et reconnus du genre, Philip K. Dick. Car oui, vous le connaissez forcément : auteur de Ubik, Le maître du Haut Châteauou encore Substance Mort; adapté sur les écrans par des films aussi connus que Minority Report, Blade Runner ou Total Recall. Pour cette tâche des plus gratifiantes, ce sont deux compères qui se sont associés : Fabrice Colin d'une part, auteur de Comme des Fantômes et surtout qui fait l'actualité avec la parution de La Brigade chimérique (en association avec l'anthologiste Serge Lehman) et Emmanuel Werner, l'auteur d'Infabula. Ce qui reste du Réel de Fabrice Colin évoque la frustration de celui-ci de ne pas pouvoir participer à la présente anthologie, en effet il aurait trouvé son propre texte dans une enveloppe dans le Colorado, problème : ce n'est pourtant pas lui qui l'a écrit... Si le texte est très bien mené, dans la droite lignée de Dick, il reste pourtant anecdotique puisque beaucoup trop court, ne servant que de base pour celui D'Emmanuel Werner. Intitulé Effondrement partiel d'un univers en deux jours, le lecteur plonge la tête la première dans le récit d'une femme qui ne sait plus qui elle est, où elle est, pourquoi elle est. C'est à l'occasion de sa rencontre avec une femme mystérieuse et cet étrange homme prénommé Philip qu'elle commence même à douter de ce qu'elle est ! Dans la plus pure tradition dickienne, la combinaison des deux textes nous met la tête à l'envers et donne le tournis. Werner réussit à livrer le parfait prolongement du récit précédent, en se positionnant même un net cran au-dessus. Mettons cependant un bémol, à savoir si le novice en SF trouvera ici vraiment un texte fort ou plutôt désuet.

C'est Eric Holstein, jeune auteur avec la parution récente du roman vampirique Petits arrangements avec l'éternité mais habitué du monde science-fictif, qui reprend le contrôle de notre voyage avec son texte Tertiaire. Lorsqu'Emerson Mighty perd tous ses acquis et sa fortune par une mauvaise opération boursière, il y laisse jusqu'à son nom, et littéralement. Le monde ici imaginé pousse à l'extrême la monétisation des biens et services. Tout s'achète : voitures, maison, enfant, femme... Absolument tout. Emprunt d'un humour sous acide dans la peinture de notre société, le récit enchaîne les plus grandes absurdités qui, étrangement, nous paraissent de plus en plus envisageables à l'heure actuelle. Ajoutons l'écriture fluide d'Eric pour finir de nous réjouir avec cette très bonne petite nouvelle.

Ce courant satirique science-fictif se retrouve également chez Catherine Dufour. Nul besoin de présenter celle qui nous a fait rire avec son cycle Quand les Dieux buvaient... et qui nous a scotché avec le magnifique Le goût de l'immortalité. Avec Une fatwa de mousse de tramway, on découvre que la vente d'éléments pour une centrale nucléaire est toute entière basée sur le profit et la considération personnelle. Quand bien même ceux-ci occasionnent des fuites radioactives et mettent en danger la vie de milliers de personnes. Sous son humour caustique habituel, Catherine dénonce le réel avec son talent coutumier et sa plume reste toujours aussi efficace même si on en attendait peut-être plus. Malheureusement, on mettra en avant deux objections majeures sur ce texte : la première concernant une fin perfectible et la seconde sur la redondance qu'induit la première objection avec le texte d'Eric Holstein. On peut bien sûr penser que l'anthologiste a voulu regrouper deux récits sur un même thème mais cela produit un effet de déjà-vu assez agaçant. Surtout lorsque l'on sait que la nouvelle précédente était d'un niveau supérieur. Vraiment Dommage...

Mais à cette étape, on peut légitimement se demander où est passée cette science-fiction qui a la tête dans les étoiles et le rêve perdu dans l'immensité spatiale. Jean-Claude Dunyach a justement choisi ce cadre pour la nouvelle intitulée Fleurs de Troie. L'ancien directeur de collection de Bragelonne SF et l'auteur d'Etoiles mortes, déjà au sommaire d'Escales sur l'horizon, choisit de présenter un texte où l'homme rencontre l'infini mais aussi le danger et l'inconnu. Alors que Moire, la femme de notre narrateur, décide de le quitter pour un monde virtuel qui se veut plus excitant qu'un monde réel devenu terne et lisse à ses yeux, celui-ci décide de noyer son chagrin en compagnie de Jo-Andra dans la recherche d'un gisement sur les astéroïdes qui entourent Jupiter. Une mauvaise rencontre va tout changer. Ce récit s'accomplit donc en deux temps. D'abord poétique et mélancolique avec une histoire d'amour qui s'étiole, il verse ensuite dans l'exploration spatiale et la découverte de l'hostile et l'envahissement inévitable. Le tout est bien ficelé mais la fin paraîtra terne. Il manque sûrement encore un petit quelque chose pour vraiment marquer mais il n'en reste pas moins un beau voyage.

Il y a un certain temps que l'appel à textes pour cette anthologie avait été fait. Dans celui-ci, Serge Lehman annonçait que chacun pouvait y participer, débutants comme confirmés. Louable intention que celle de donner leurs chances à ces inconnus que les aléas éditoriaux ne permettent pas toujours d'être publiés. Pour Maheva Stephan-Bugni, c'est chose faite avec sa courte nouvelle Pirate. Delme vit dans une société étrange et inquiétante, une société de bureaucrates, d'administration tentaculaire et de "protection" douteuse... Alors qu'il est arrêté pour des colis qu'il n'a jamais demandé à recevoir, cet artiste muselé s'interroge sur cet endroit dont il finira par sortir. Qui d'autre y est enfermé ? Pour un premier texte, le pari est brillamment relevé ! Tout en non-dits et en sous-entendus, avec une écriture simple et efficace, accompagné par une touche d'émotion à sa conclusion, le récit sombre de Maheva est une réussite. Il reste alors à confirmer bien sûr, mais qui sait, avec ce texte orwellien à souhait, le flambeau vient peut-être d'être passé...?

Alors que ces derniers écrits étaient tournés vers la fantasy avec Le royaume blessé ou sa récente participation à l'anthologie Rois et Capitaines, Laurent Kloetzer revient à la SF avec Trois singes. Yvan Legorre est prisonnier. Il nous confesse alors, non sans un certain humour, ce qui l'a mené ici. Ce qui a mené le monde à la catastrophe, à l'apocalypse... Lorsque les scientifiques français ont eu l'occasion d'éliminer les ennemis de l'Occident par une arme nouvelle et terrifiante, se doutaient-ils qu'ils allaient provoquer la fin de bien plus qu'escompté ? Magnifiquement écrit, mené comme un thriller technologique et saupoudré d'un humour des plus appropriés, Trois Singes est la première grosse réussite de l'anthologie. Sur le fond d'une apocalypse, Laurent Kloetzer mêle la bêtise de notre monde actuel, la cruauté des hommes et une bonne dose de nihilisme. Le cocktail est détonnant !

D'apocalypse, il est encore question chez Thomas Day avec Lumière noire. Le célèbre écrivain à qui l'on doit La Voie du Sabre ou le récent La Maison aux fenêtres de papier , également directeur de cette prestigieuse collection qu'est Denoël Lunes D'encre, nous convie ici à un récit post-apocalyptique entre le Canada et les Etats-Unis. Jasper est reclus au Canada, à Uranium City, avec oncle Tagné. Il communique par hasard avec Jenny qui vit encore aux Etats-Unis. L'enjoignant à trouver du matériel informatique avant de venir le retrouver, celle-ci en sait bien plus long qu'elle ne veut bien le faire croire sur Lumière Noire. Lumière Noire, un fléau informatique qui est devenu conscient et a assujetti l'humanité, mais pourquoi ne l'a-t-il pas encore exterminée ? Et que se passe-t-il sur la Lune ? Entre road trip et apocalypse, ramenant à notre bon souvenir Terminator, Mad Max ou Fallout, Thomas Day livre une longue novella, avec une écriture aussi fluide qu'à son habitude, laissant le lecteur dévorer son récit page après page sans même s'en apercevoir. Même si l'originalité n'est pas toujours là, le texte est excellent et passionnant, virant dans une fin mystique inattendue mais intelligente. Une nouvelle grande réussite.

André Ruellan est un vieux baroudeur du monde de la SF francophone. L'auteur de Memo se retrouve donc naturellement ici avec le très court Temps mort. Walter rêve de Laura. Rêves, hallucinations ou souvenirs ? L'amour serait-il la dernière chose qui le rattache à la vie ? C'est donc un récit bref que ce Temps mort, un récit sur la fin, atroce et beau à la fois, mais vraiment anecdotique, d'autant plus intercalé entre les nouvelles de Thomas Day et de Léo Henry. C'est surtout la question "en quoi est-ce de la SF ?" qui perturbe le lecteur. Un texte donc décevant et dont la place dans l'anthologie est douteuse. On était en droit d'en attendre beaucoup mieux d'André Ruellan.

Au rang des écrivains plus que prometteurs, Léo Henry figure en bonne place. Après le bon recueil Yama Loka Terminus, écrit en collaboration avec Jacques Mucchielli, il arpente les méandres de la création littéraire avec Les trois livres qu'Absalon Nathan n'écrira jamais. Le citoyen Absalon Nathan gît sur son lit d'hôpital après que l'agent de Mozart assassiné ait cherché à l'enrôler dans leur organisation de "sauvegarde et stimulation artistique". Cantor, l'agent en question, va alors pénétrer son esprit pour sauver les grandes œuvres que celui-ci n'a pas encore écrites. Découpé en trois parties retraçant chacune un de ces fameux livres, le texte de Léo Henry est une véritable pépite. Il nous y parle de la création littéraire et des difficultés des créateurs de mondes. Trois livres pour trois métaphores qui se retrouvent synthétisées dans le récit principal qui l'englobe. Avec une écriture ébouriffante et une intelligence terrible, Léo Henry accouche du meilleur texte de cette anthologie, un immanquable pour lequel les superlatifs manquent. Impressionnant !

D'illustrateur en écrivain, Daylon, surtout connu pour ses couvertures de Vélum, du Le Haut-lieu et de ses nombreuses apparitions dans la revue Fiction, a réussi à s'immiscer dans ce sommaire grâce à Penchés sur le berceau des géants. Dans un monde où l'apparition d'entités extra-terrestres nommées géants a permis des avancés technologiques majeures, Denez s'interroge sur le bien fondé de l'intervention de Callista, sa compagne, et de ses collègues sur l'Essaim, cette menace qui pèse sur les géants. Mitigé, c'est l'impression qu'on a à la lecture de ce texte... D'un côté, Daylon a une voix unique, son style est très travaillé, même si un peu trop syncopé, mais d'un autre, la trame du récit en est délaissée, la fin ne convainc pas et le reste privilégie la recherche stylistique au détriment de l'avancée de l'histoire. C'est donc un gros "dommage" qu'on a envie de décerner à cette nouvelle d'un auteur prometteur mais qui doit encore progresser. A suivre...

Parmi les grands de la SF française, Philippe Curval figure en bonne place. Avec une énorme carrière derrière lui et une actualité brûlante avec la parution du recueil L'homme qui s'arrêta chez La Volte, il était logique de le retrouver ici. Dragonmarx raconte l'enrôlement (ou la libération selon le point de vue) de Siegfried par la dernière enclave de communisme au cœur d'un monde capitaliste. Mais pas n'importe quel communisme puisque celui-ci a fait la rencontre des dieux nordiques et se retrouve étiqueté "communisme divin". Au cœur de la cité de Dragonmarx, entre magie et réalité, Siegfried devient le héraut de ce singulier régime, mais comment vaincre la monstrueuse machine capitaliste ? Si le texte comporte son lot de tirades humoristiques, s'il a le mérite de mêler la magie à un mouvement politique des plus improbables, le récit de Philippe Curval ne reste qu'une curiosité qui nous laisse perplexe. L'absurde ici est un peu trop grossier même s'il est sûrement voulu et malgré le ton volontairement satirique de la nouvelle, on ne voit pas bien en quoi cette blague un peu longue vient se mêler aux autres récits... C'est drôle certes, inventif certainement mais assez creux et parfois trop ridicule.

Jérôme Noirez a fait grand bruit dernièrement. D'abord pour la publication de son recueil Le Diapason des mots et des misères mais aussi grâce à ses romans jeunesse Fleurs de dragon et Le shôgun de L'ombre. L'auteur de Leçons du monde fluctuant revient avec Terre de Fraye chez Lunes D'encres. Au cœur de cette novella, le surfeur Clioné va découvrir l'amour avec un étrange extra-terrestre nommé Miroua. Accompagné par son groupie alcoolique japonais Toyonaka, il va explorer les profondeurs des océans qui engloutissent peu à peu le monde, à la recherche de ce qui a transformé les fonds marins en un vaste bestiaire des plus improbables. Mélangeant le tragique à la fois du destin de l'humanité en pleine apocalypse et de l'histoire de Miroua avec un humour déjanté et du meilleur goût, d'autant plus fort que le style de Noirez fait encore une fois merveille, Terre de Fraye est une autre pépite dans le trésor de textes de l'anthologie qui se permet de savoureux coups de poignard sur la société de consommation ou encore sur l'âme humaine elle-même. Seule une fin bien faible par rapport au reste du récit viendra ternir le tableau.

Auteur énigmatique et pourtant bien connu, David Calvo vient jouer les trouble-fête avec sa nouvelle Je vous prends tous un par un. L'auteur de Minuscules flocons de neige depuis dix minutes et de Nid de coucou poursuit son étrange parcours littéraire avec ce récit d'un homme (un enfant ?) face à d'innombrables ennemis. Une déclaration de guerre et le croisement de l'unité contre la multitude. Qui triomphera ? En à peine quelques pages, avec son style si particulier et délicieux, David Calvo nous fait redevenir enfant et pénétrer dans un monde autre. La puissance de la nouvelle nous surprend, on peut se demander si elle a sa place ici mais comme l'a précisé Serge Lehman, si ce n'est dans ce recueil, où serait-elle publiée ? Magnifique.

Enfin, Xavier Mauméjean se voit l'insigne honneur de conclure l'anthologie. Celui qui nous a étonné avec Lilliputia et bluffé avec Bloodsilver (un superbe récit sur les vampires !) nous entraîne au cœur de l'Hilbert Hotel. Celui-ci n'est pas un hôtel comme les autres, c'est d'ailleurs le seul hôtel. Infini sur plusieurs plans, il englobe tout. Giulio doit enfin prendre ses fonctions de réceptionniste, un poste d'une grande importance et, semble-t-il, très gratifiant. Au cœur de ce monde insensé d'hôtellerie, la vie est pleine de surprenantes rencontres... Original, avec un talent qui n'est désormais plus à remettre en question, Mauméjean offre au lecteur un texte labyrinthique. Il donne à son mystérieux hôtel une aura d'étrangeté et de malaise que le lecteur a tôt fait d'assimiler. Il lui crée des mythes et laisse le lecteur perdu dans son immensité. Une belle fin, assurément. Suivra pour finir un dictionnaire des auteurs, bienvenu pour ceux qui voudraient en savoir plus (en lire plus) de ceux qui figurent dans ce livre.

Mais à l'issue de l'anthologie, il reste à répondre à de nombreuses interrogations. D'abord celle-ci a-t-elle atteint ses buts ? Et d'ailleurs quels sont-ils ? A l'instar d'Escales sur l'horizon, Retour sur l'horizon se veut être une photographie du panorama science-fictif francophone. Si en 1998 l'anthologie de Lehman faisait figure de manifeste, en 2009, celle-ci prend l'allure d'une œuvre somme sur ce club privé qu'est la science-fiction actuelle. Dans ce sens, l'anthologie a vraiment atteint son but, celui de nous présenter des auteurs et des talents représentatifs de ce genre par trop mésestimé. Elle représente aussi une diversité certaine entre des auteurs confirmés tels que Thomas Day, Philippe Curval ou encore Xavier Mauméjean et des auteurs débutants comme David Calvo, Daylon ou Léo Henry voir même une totale inconnue, Maheva Stephan-Bugni.

Restent bien sûr de grands absents mais l'essentiel est sauf. Si le but avoué est d'être un instantané du genre, l'anthologie atteint un autre but, surement moins attendu celui-ci, celui d'être un instantané d'une époque, de notre époque. La science-fiction représente avant toute chose notre présent, elle n'est que le reflet de ce que nous sommes et de ce qui nous entoure et force est de constater que Retour sur l'horizon tire un cliché relativement sombre de notre temps. Soyons objectifs et relevons bien la tonalité globale pessimiste des textes présents ici, que ce soient des apocalypses (Day,Kloetzer, Noirez), des sociétés peu enviables ( Stephan-Bugni, Holstein, Dufour, Mauméjean, Curval, Dunyach) ou des textes à l'atmosphère lourde (Calvo, Henry, Daylon, Ruellan, Werner). Peut-être sans le vouloir, Retour sur l'horizon prend la température de notre société et ses espoirs, ses craintes. En pleine crise, qu'elle soit financière, identitaire ou politique, elle nous rappelle les dangers qui nous guettent et l'incertitude de notre époque.

En cela, l'anthologie dépasse bien des espoirs...Autre grande constatation, non la SF n'est pas morte, elle est très loin de l'être. Nous voyons bien que la SF d'aujourd'hui a changé, muté si l'on peut dire, et n'a plus beaucoup à voir avec ce qui se faisait avant. Si, comme le précise Lehman, elle a commencé à trouver une certaine reconnaissance, c'est parce que la science-fiction réussit petit à petit à être diffusée par de grands noms tel que Cormac McCarthy ou Thomas Pynchon et donc à abattre les barrière de genres. Genres et sous-genres qui sont le véritable ennemi du lecteur en définitive, ces étiquettes qui n'ont pas lieu d'être et les textes ici sont bien souvent hors de toutes les étiquettes, l'immense nouvelle de Léo Henry en est la preuve. Contrairement aux annonces de mort et à la fin d'un genre, ne devrait-on pas se réjouir de voir la SF faire partie de plus en plus prenante du monde littéraire en général (même si beaucoup répugnent encore à la nommer comme telle, par ignorance ou par bêtise pure et simple) ?

La SF transcende les genres. Et tout ce qui compte à la fin se résume en deux catégories, la bonne littérature et la mauvaise littérature, peu importe qu'elle soit science-fictive, policière ou fantastique. Finissons par saluer le courage éditorial de deux personnalités : d'abord Serge Lehman bien entendu mais aussi Gilles Dumay. Un courage d'autant plus grand que ces textes ne sont pas forcément accessibles à tous (même si quand on s'en donne la peine, il n'y a rien de rebutant) et permettent aux lecteurs de la première heure d'y trouver leur bonheur, n'abandonnant pas l'intelligence et la réflexion au profit de la facilité et du divertissement pur. Rien que pour cela, cette anthologie mérite toute notre attention.

Immenses remerciements à Amandine V. pour la relecture.

La conclusion de à propos du Recueil de nouvelles : Retour sur l'horizon [2009]

Auteur Nicolas W.
90

De façon définitive, Retour sur l'horizon est une anthologie essentielle et indispensable. Elle a fait et fera couler beaucoup d'encre virtuelle ou non, et c'est déjà certainement son premier succès. Quant aux textes qu'elle contient, chacun y trouvera son bonheur, amateur de SF comme novice. Disons simplement qu'un tel travail et une telle qualité, même si certains textes sont à oublier, doivent être récompensés. Espérons simplement qu'ils le seront. En attendant, si vous aimez la science-fiction ou non, mais si vous aimez la bonne littérature, intelligente et prenante autant que divertissante, Retour sur l'horizon est à posséder absolument.

On a aimé

  • La nouvelle de Léo Henry
  • L'excellence de la plupart des textes
  • Une anthologie ambitieuse et intelligente
  • Un large panel d'auteurs et de récits

On a moins bien aimé

  • Certains textes faibles
  • Le texte d'André Ruellan
  • Quelques absents

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