Critique Le secret de la Licorne [2011]
Avis critique rédigé par Richard B. le dimanche 16 octobre 2011 à 23h04
Mille sabords, voilà bien là une belle leçon de cinéma !
Tintin et le cinéma, ce n'est pas vraiment un fait nouveau. En termes de « cinéma live », il y eu Tintin et le mystère de la toison d'or (1961) puis Tintin et les oranges bleues(1964) et en matière de « films d'animation traditionnels », on eut Le Temple du Soleil (1969) ou encore Tintin et le lac aux requins (1972). Mais force est de reconnaître que l'oeuvre d' Hergé, à la vue de cette filmographie, ne semblait pas faite pour être autre chose qu'une bande dessinée. Toutefois, le constat autour des adaptations de notre cher Tintin n'est pas radicalement noir. La télévision a pu ainsi profiter d'une série télévisée d'animation franco-canadienne, certes fortement édulcorée, mais somme toute d'une qualité amplement respectable avec des thèmes (composés par Jim Morgan et Tom Szczesniak) demeurant dans les mémoires de toute une génération. Le temps ayant passé, la technologie évoluée, le célèbre Tintin, via la motion capture, allait peut-être pouvoir enfin nous faire rêver sur grand écran ?!
« Le secret de la licorne»
Alors qu'il se promène dans un marché à brocante, Tintin, le célèbre jeune reporter, porte son dévolue sur une magnifique maquette d'un bateau appelé la Licorne. À peine eut-il donné l'argent au brocanteur que deux autres individus se mettent à vouloir lui racheter, à prix astronomique, son acquisition. Tintin, intrigué par l'ardeur de ces hommes à vouloir récupérer à tout prix « la licorne », décide de ne rien concéder. Dès lors, il va se retrouver mêlé à une affaire se déroulant depuis plusieurs siècles… et parsemé de dangers.
« Quand le trait se met à prendre vie...»
Tintin, c'est une histoire qui remonte à 1929. A cette époque, un certain Hergé (Georges Prosper Remi) créait sans s’en douter l'une des plus grandes icônes de la bande dessinée franco-belge. Aujourd’hui personnage mondialement célèbre, ayant traversé le temps et les générations, il est le fantasme de nombreux cinéastes rêvant d’adapter ses aventures. Parmi eux, un certain Steven Spielberg. Déjà, à l'époque d'un Indiana Jones et le Temple Maudit, il avouait que son rêve était de conter une aventure de Tintin, ou de James Bond, au cinéma et que cet archéologue aventurier était une manière détournée d'assouvir son désir. Car bien qu’il ne soit pas considéré par ses fans comme un « Action Man », Tintin a traversé de multiples pays, eut son lot de courses poursuites dans quantité de véhicules, que n'importe quel héros jalouserait (voitures, char d'assaut, avions, motocyclettes, cheval...), dû faire face à la corruption, la dictature, a vu couler beaucoup de sang, dû affronter, en de multiples occasions, les pires gangsters et a même fait face à des phénomènes paranormaux (champignons géants, Yéti ou même soucoupe volante !). Il est d’ailleurs bon de signaler que l’élément « fantastique » est tristement absent dans cette aventure de Tintin version Steven Spielberg (oui, nous l’avouons, nous sommes donc ici dans le hors-sujet ). Quoi qu'on en dise, Tintin est donc bien un aventurier, un homme d'action qui se montre rarement dépassé par les situations extrêmes qui composent ses aventures. Enfin, Tintin, c'est aussi les moments clés de l'Histoire du XXe siècle, une période que Spielberg à lui-même souvent abordé soit indirectement via Indiana Jones, soit plus directement avec des oeuvres telles qu'empire du soleil, La Liste de Schindler... ou bientôt Cheval de guerre.
Cette introduction nous conduit au constat suivant : Hergé ne pouvait pas trouver meilleur réalisateur que Steven Spielberg pour adapter son personnage au cinéma, d'autant que ce dernier s'est associé à Peter Jackson. De la fusion de deux grands cinéastes, il pouvait naître soit, par des conflits d'égo, le chaos, soit une harmonie qui permettrait au film de profiter de deux des réalisateurs les plus influents du cinéma contemporain. De plus, le défi n'était pas gagné d'avance, le côté cartoon des personnages, le nombre réduit de pages dédiées à une intrigue (conséquence de la nécessité, pour un artiste de bande dessinée, d'aller à l'essentiel à l'exemple de savoir raconter une multitude de choses en une seule illustration), le côté « alcoolique affirmé » de Hadock, ou encore le côté ultra boy-scout du héros étaient des éléments délicats à aménager dans un long-métrage.
Par le résultat technique, on ne peut qu'être convaincu. Les personnages sont d'une ressemblance extraordinaire avec ceux créés par Hergé et l’ensemble est d'un réalisme stupéfiant. Le spectateur, dès les premières minutes, va se trouver transporté dans un monde qui n’est ni celui de notre quotidien, ni celui de l'animation, un univers pour autant tangible, ultra réaliste, sorte de Terre parallèle, dans lequel les humains évolueraient avec des visages fortement prononcés, aux nez allongés, au cœur d’une période se rapprochant des années 30-40. Bien que Robert Zemeckis se soit énormément investi sur ce procédé technique, arrivant à une réussite assez bluffante sur son Beowulf, c'est James Cameron, via Weta, et son Avatar qui a vraiment réussi à montrer le plein potentiel de la motion capture, en particulier grâce au système de caméra virtuelle, dénommé le « Director Centric System », qui permet désormais aux réalisateurs de travailler comme il le ferait naturellement en pouvant visualiser ce qu'ils filment.
Ainsi, Tintin, tout comme Avatar avant lui, profite pleinement de l'expérience de leur réalisateur et de leurs acteurs. Dès cet instant, on retrouve tout ce qui symbolise le cinéma de Spielberg, non pas le "Spielberg adulte", mais celui du début des années 80, qui arrive, peut-être grâce à ce sujet lui tenant à coeur, à retrouver la magie des premiers Indiana Jones ou encore de ses productions Amblin qui nous ont marqués à l'instar du Secret de la Pyramide. On retrouve alors un spectacle familial non édulcoré, à l'ancienne, l’impression d'avoir de nouveau 10 ans, et vivre une aventure pleine de danger où il peut y avoir des morts et où même l'alcoolisme du capitaine joue un rôle. Mais le génie de Spielberg ne s'arrête pas à signer un spectacle pour nostalgiques, il apporte aussi des séquences à la narration moderne et méticuleuse, jouant avec des cadres dans des cadres (génial pour ce qui concerne la 3D!), ramenant rien que sur la première scène Tintin à ses origines ou encore livrant une des plus belles batailles navales vues au cinéma. Puis que dire de cette course-poursuite surréaliste en plan-séquence de cinq minutes dans laquelle il se passe un nombre incalculable de choses? Alors que d'autres réalisateurs filmeraient ce type de plans avec une forte accentuation afin de souligner leur morceau de bravoure, il se dégage dans ce Tintin une telle modestie et subtilité que l’on obtient un Spielberg qui va au-delà de la frime, au-delà d'un impératif commercial, bel et bien un réalisateur qui n’a plus rien à prouver, qui prend du plaisir et qui désire le partager. Au final, Tintin est définitivement une perfection de mise en scène absolue où art, plaisir et esprit se retrouvent en un.
« Et l'esprit Hergé dans tout ça ?»
Non, cette aventure de Tintin n'est pas une transposition ultra fidèle du Secret de la Licorne et du Trésor de Rackham le Rouge. À vrai dire, le scénario se base essentiellement, comme son nom l'indique, sur le premier cité, tout en transposant quelques idées du final de Rackham le rouge. Mais on y retrouve aussi une bonne première partie du Crabe aux pinces d'or. Dois-t-on pour autant crier au scandale et à la trahison ? Non, car tout l'univers de Hergé est bel et bien là, même le côté agaçant des Dupond et Dupont (qui m'ont personnellement toujours énervé, même dans la bande dessinée) et non, car tout la magie et l'esprit que l'on peut éprouver à la lecture d'un Tintin se retrouve suavement transposé dans le film. Structurellement, il parait logique que les scénaristes ressentirent la nécessité de créer la rencontre Haddock / tintin et que Le crabe aux pinces d'or ne présente pas - surtout en terme d'enjeux – l'intrigue la plus exploitable cinématographiquement. Heureusement, les scénaristes (100% anglais !) Steven Moffat, Edgar Wright et Joe Cornish, ont réussi à marier les événements d'une telle manière qu'à aucun moment l’on ne se dit que ces pièces ont l’air rapportées. Au contraire, on en viendrait même à croire que Hergé avait écrit les choses ainsi.
La fidélité à l'esprit " Hergé" ne s'arrête pas aux décors, à l'humour, à l'aventure, ou à la façon dont sont présentées les intrigues, mais aussi aux jeux des acteurs. Même s'il s'agit de performance capture, ils apportent une véritable étincelle de vie à leurs personnages, surtout lorsqu'on évoque Haddock tour à tour hilarant et émouvant, et qui apparaît tel qu'on pouvait se l'imaginer dans les albums. Ainsi, après Gollum, King kong et le singe César de La planète des singes, les origines, Andy Serkis prouve, une fois de plus, qu'il apporte une véritable performance d'acteur. Alors, oui, certes, on tripe devant un Milou numérique totalement incroyable qui tend à prouver que les travaux des animateurs jouent un rôle majeur dans la réussite de la performance, mais la subtilité du visage humain et ses multiples expressions sont bien plus complexes à mettre en forme et, sans le jeu "humain ", on aurait certainement pas eu le même résultat à l'écran.
De l'aventure avec un grand « A ».
Tintin ne se résume pas au nom de Hergé et Spielberg, ou à ceux des acteurs. Il serait injuste de ne pas évoquer l'équipe qui entoure ces deux génies. Comment oublier la place que tient la musique de John Williams dans la réussite de ce long-métrage ? Là encore, il maestro accompagne avec sa musique les images de manière absolue, rappelant qu'il est le meilleur lorsqu'il s'agit de générer des ambiances. Certes, lorsqu'on y prête attention, on en viendrait à se demander si quelques intonations ne proviennent pas des Indiana Jones, mais peu importe, la magie opère et nous sommes constamment séduits et transportés. John Williams, malgré son âge avancé, prouve qu'il n'a rien perdu de son génie et qu'il est l'un des derniers grands compositeurs.
Enfin, le film ne serait rien sans Peter Jackson et sa société Weta qui semblent depuis le Seigneur des Anneaux devenus les maîtres absolus dans le domaine de la création numérique. Les décors sont majestueux, la lumière divinement posée et tout sonne incroyablement vrai.
La conclusion de Richard B. à propos du Film : Le secret de la Licorne [2011]
Dire ici que Spielberg nous livre « Le meilleur film d'aventures depuis Indiana Jones et la dernière croisade » serait le résumer à peu de chose. En effet, lorsqu'une mise en scène se montre au sommet de la perfection, lorsqu'un film se trouve rempli de bonnes idées, et qu'il arrive à vous redonner un regard d'enfant de 10 ans en soif d'aventures et de découvertes, que peux-t-on espérer de plus ?
On a aimé
- La bande originale de John Williams.
- Un chef-d'oeuvre de mise en scène.
- Hergé n'aurait pas pu rêver mieux comme hommage.
- Milou, Haddock, Sakharine fascinent de tout le long !
- De la "vraie" bonne 3D !
On a moins bien aimé
- Le procédé technique pourra trouver ses « rares » réfractaires.
- Les Dupond et Dupont énervent.
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