Critique The secret [2012]
Avis critique rédigé par Jonathan C. le lundi 3 septembre 2012 à 01h08
Secret Story
Difficile de parler d’un film qui repose en grande partie sur ses révélations dés le milieu du récit. Difficile de parler d’un film de Pascal Laugier, qui avait marqué les esprits avec l’intéressant Saint Ange et surtout le tétanisant Martyrs, dont la Fox prépare le remake (par le réalisateur du Dernier exorcisme). Comme ces deux précédents films, The Secret, son premier essai américain (dont il avait commencé à écrire le scénario bien avant de réaliser Martyrs), est pour le moins surprenant et n’est pas ce qu’il semble être au premier abord.
« Ce qu’il semble être au premier abord », c’est un film d’épouvante classique, intriguant et efficace exploitant l’imagerie du boogeyman, dans un décor glauque et gris qui n’est pas sans évoquer le Missouri du Winter’s bone de Debra Granik. Dans la première partie, celle sur laquelle s’attarde la bande-annonce (qui, pour une fois, a le mérite de ne pas trop en révéler), il est question d’une légende urbaine, Pascal Laugier créant un croquemitaine kidnappeur d’enfants (le Tall Man, titre original du film) pas loin de celui du Intruders de Juan Carlos Fresnadillo. D’ou la tagline, « Mais ou sont les enfants ? »
En effet, dans le petit bled de Cold Rock, les enfants ont tendance à disparaître. Aucun témoin, pas d'indices, c'est comme si les enfants se volatilisaient un par un. Il ne reste que des rumeurs, celles d'un être maléfique, le Tall Man, qui emporterait avec lui les enfants dans la forêt. Mère elle aussi, Julia (Jessica Biel), l'infirmière du patelin, n'était guère superstitieuse jusqu'à ce qu'elle soit confrontée à la légende...
Ne pas se fier à l’affiche trompeuse, qui rapproche The Secret du cinéma de M. Night Shyamalan (mais s’il y a des similitudes avec un film de Shyamalan, c’est plus avec Le Village qu’avec Sixième Sens). Bien que la nature du Tall Man soit constamment remise en doute (est-ce un monstre, un fantôme ou bien un serial-killer ?), la thématique de la croyance et du pouvoir de l’imaginaire n’est ici qu’une façade, une fausse piste, à l’inverse de Intruders. Le fantastique est un leurre, et le réalisateur insiste d'ailleurs sur le fait que The Secret ne soit pas un film d'horreur, bien qu'il en emprunte des codes, des figures et des thèmes sous-jacents. Après tout, c'était déjà le cas pour Saint Ange et Martyrs, mais The Secret est encore plus ancré dans le monde réel, prenant la forme d'un conte social. Cet équilibre entre le fantastique et le réalisme était un défi pour le cinéaste, qui voulait se rapprocher ainsi des récits de Stephen King. « Nous avons essayé de mélanger des choses qui d'habitude ne se mélangent pas », conclut-il.
Comme à son habitude, Pascal Laugier pose un cadre classique dans un premier temps (avec les stéréotypes qui vont avec) puis instaure un sentiment de doute (notamment ici autour du personnage ambigu de Jessica Biel) tout en élaborant un suspense très hitchcockien (quelques séquences tendues font leur effet), avant de briser son cadre avec fracas, les conventions du film d’horreur éclatant en morceaux pour finalement révéler un drame psychologique dur, cruel et sordide dont le message et les intentions ont pourtant quelque chose de beau et de pur, incluant un sacrifice humain bouleversant. C’est au dernier moment qu’une note d’espoir utopique vient éclairer toute cette noirceur et s’offre au spectateur comme une proposition (« Et pourquoi pas ? »). C’était le cas dans Saint Ange et Martyrs, ça l’est de nouveau dans The Secret, dont le titre français pourrait tout aussi bien s’adapter aux précédents films du cinéaste. The Secret confirme l’attachement de Pascal Laugier pour les thèmes du sacrifice et de l’utopie (et aussi du rôle de la mère), qui viennent ici se greffer sur une métaphore de la Crise et sur lesquels il s’interroge et interroge son public (la réflexion est toujours de mise après avoir vu un film de Pascal Laugier).
Malgré des maladresses narratives (le climax de Saint Ange, la première partie confuse de Martyrs, le flashforward de l’introduction de The Secret), il y a dans les films de Pascal Laugier ce qu’il manque à de nombreux films de genre français : des enjeux importants, des dilemmes éprouvants (sans pour autant faire dans le Saw-like), une véritable ambition tant dans la forme (des plans-séquences implacables, une photo stylisée mais pas tape-à-l’œil, des décors en double-fond, des images entre beauté et réalisme cru, un Cinémascope exploité dans ses moindres recoins…) que dans le fond, des personnages ambivalents torturés (au propre comme au figuré), un point de vue très affirmé...Si la question finale de The Secret est aussi pertinente que lourde de sens, la manière de la poser est cependant maladroite (le doublé regard caméra + voix off). Laugier en fait trop, mais c’est aussi ce qui fait la force de son film.
L’air inoffensif de Jessica Biel lui a souvent donné des rôles insignifiants indignes de son talent, encore récemment dans Total Recall : Mémoires Programmées. Habitué à offrir des rôles forts à ses actrices (Virginie Ledoyen, Catriona MacColl, Lou Doillon, Mylène Jampanoï ou Morjana Alaoui peuvent lui dire merci), Pascal Laugier va prendre cet air inoffensif à contre-pied (sans pour autant renier la femme d’action qu’elle est, la Biel étant toujours très physique), permettant à l’actrice de surprendre son monde et de livrer la meilleure performance de sa carrière, dans la peau d’un personnage déboussolant et déboussolée (mais pas tant que ça). Laugier lui offre quelques grandes scènes, en particulier le face-à-face entre quatre murs avec le flic campé par Stephen McHattie. Laugier a même le culot de reléguer sa star au second plan dans la dernière partie afin de mettre en avant le vrai sujet du film (dont il est difficile de parler ici sans spoiler). Les tronches fatiguées (celles de William B. Davis, Stephen McHattie, Samantha Ferris…) peuplant ce bled mystérieux accentuent grandement l’atmosphère oppressante qui y règne, et Jodelle Ferland continue à jouer (avec brio) les fillettes instables et ténébreuses (cf. Silent hill, Tideland, Les Messagers, Twilight : Hésitation, Le Cas 39, La Cabane dans les bois ou L'Étrange pouvoir de Norman).
La conclusion de Jonathan C. à propos du Film : The secret [2012]
Après le foudroyant Martyrs, qui fait encore débat aujourd’hui, Pascal Laugier était attendu au tournant, d’autant plus que The Secret est son premier film américain, avec star en tête d’affiche. Résultat : Laugier transcende Jessica Biel et propose de nouveau un film de genre ambitieux, déroutant, imprévisible et saisissant qui, en partant d’un postulat très classique, brouille les pistes (film d’épouvante, d’horreur, mélo social, thriller et film noir, drame psychologique, film de monstre/fantôme/serial-killer…qu’est donc The Secret ?) et parvient à surprendre, ce qui devient assez rare de nos jours. Comme avec Saint Ange et Martyrs, Laugier teinte The Secret d’un spleen macabre, une mélancolie latente et une poésie très noire. Il retrouve une force de réflexion typique du cinéma de genre des années 70.
On a aimé
- Surprenant
- Ambitieux
- Imparable
On a moins bien aimé
- Une narration un brin maladroite
- Une question finale lourdement posée
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