Critique Orange mécanique [1972]
Avis critique rédigé par Bastien L. le mercredi 5 août 2020 à 09h00
Demaking a Murderer
Considéré comme un des cinéastes les plus importants de l'histoire du cinéma, Stanley Kubrick nous a offert deux grandes œuvres intemporelles pour les genres qui nous intéressent, 2001, l'odyssée de l'espace pour la science-fiction et Shining pour l'horreur fantastique. On lui doit aussi une grande satyre proche de la dystopie avec Orange mécanique.
A l'origine, il y a un livre paru en 1962 au Royaume-Uni (puis dix ans plus tard chez nous) intitulé L'Orange mécanique, écrit par Anthony Burgess. Ce livre inspiré d'un événement traumatisant vécu par l'auteur mettait en scène l'ultra-violence d'un gang d'adolescents suivie de la réponse de l'Etat pour lutter contre la montée de la délinquance via des méthodes très SF. Burgess s'y illustrait autant par la description de faits de violence que par l'invention d'une sorte d'argot mélangeant des termes anglais et russes. Des caractéristiques qu'on retrouve dans l'adaptation qu'offrit Stanley Kubrick en 1972 après le triomphe de 2001, l'odyssée de l'espace (1968). Kubrick eut une révélation en lisant le roman, l'adaptant lui-même, mettant en pause son projet d'adaptation de la vie de Napoléon Bonaparte et produisit ce long-métrage, sous l’égide de Warner Bros. Pour donner corps au film, Kubrick fit confiance à des comédiens peu connus tels que Malcolm McDowell en héros ou l'acteur de théâtre Patrick Magee... Le film sorti sur les écrans britanniques début 1972 avec la classification la plus sévère puis fut pointé du doigt pour sa violence comme ses scènes de viols. Le métrage fut aussi mis en relation avec des sordides faits divers poussant Stanley Kubrick a interdire la projection et la commercialisation de son film jusqu'à sa mort. Qu'en est-il aujourd'hui de ce film jugé si sulfureux sorti il y a près de 50 ans ?
Orange mécanique raconte la descente aux enfers dans un futur proche d'Alex DeLarge (Malcolm McDowell), leader d'un gang d'adolescents extrêmement violents qu'il appelle ses droogs. Ensemble, ils commettent de nombreux méfaits se bagarrant avec des gangs rivaux, tabassant des SDF ou s'introduisant dans des maisons pour y commettre des crimes. Notamment le passage à tabac de l'écrivain Frank Alexander (Patrick Magee) et le viol de sa femme (Adrienne Corri) au début du film. Au sein de sa bande, Alex est de plus en plus décrié comme leader notamment par Dim (Warren Clarke) qui n’hésite pas à le provoquer. Complètement déscolarisé, méprisant ses parents, Alex s'enfonce encore plus loin dans la violence jusqu'à être arrêté par la police. Alors que la prison l'attend, il commence à entendre parler de nouvelles méthodes pour supprimer la violence chez les individus comme lui offrant surtout une liberté dont il va bientôt être longtemps privé.
Ce que le grand public garde en mémoire de ce film est souvent sa violence et les séances de « réhabilitation » infligées à Alex. De fait, la partie prison/expérimentations du film arrivent au bout d'une heure faisant que le synopsis raconte généralement la moitié du film. La première partie propose ainsi une longue plongée dans la violence et la vie dissolue d'Alex qui est dominée par la violence, la drogue, l'insolence et le sexe. Le film est ainsi divisé en trois grosses parties dont les deux premières sont les plus connues et la troisième, peut-être la plus forte symboliquement, sur les résultats du traitement reçu par Alex. En termes de narration, l'histoire de Stanley Kubrick tient bien évidemment la route avec cette première partie déroutante et assez choquante dans la dénonciation d'une violence irraisonnée qui n'est jamais trop graphique. Le seul véritable défaut du scénario vient principalement de la dernière partie qui enchaîne à un moment les péripéties d'une manière un peu trop simple. Pour le reste, le film propose un excellent sens du rythme sachant se poser, accélérer et créer de bonnes tensions à tout moment. S'il s'agit basiquement d'un drame, jamais d'un film d'action, le film est aussi assez comique puisqu'il s'agit d'une satyre qui est souvent cynique tirant parfois vers le burlesque sachant manier des gags bien amenés comme l'attitude du chef des gardes (Michael Bates) et ses mimiques de militaire plus qu'autoritaire. Le film parvient à parfaitement mélanger le rire et le dégoût né de la violence dans différentes scènes.
Comme le roman, le film propose de réfléchir autour du thème de la violence et des réponses de la société face à la délinquance. La violence est montrée frontalement de la manière la plus abjecte qui soit, puisque le gang d'Alex semble faire ça surtout pour s'amuser, avec des viols et des actes perpétrés sur des personnes seules en état de faiblesse. Cette première partie nécessaire permet ensuite de brosser le portrait d'une prison inutile et d'une solution dont les aboutissements sont peut-être aussi problématiques que le problème que l'on souhaite éradiquer. Cela permet au film de nous faire réfléchir sur le compromis entre liberté et sécurité, sur le libre-arbitre et le traitement des criminels... Le tout sans jamais vraiment offrir des sentences définitives tant le film se refuse à être moralisateur. Le film s'interroge aussi beaucoup sur le totalitarisme, du moins sa naissance, et sur les manœuvres politiques de partis (au pouvoir comme dans l'opposition) qui se servent des masses pour leurs propres desseins. Alex est ainsi au centre d'un traitement de déshumanisation puisque par ses actes il semble avoir perdu son Humanité mais on veut aussi refréner ses émotions, qui font de lui un humain, avec les expérimentations qu'il subit. Le film se sublime alors autour de ce personnage central d'Alex qui est à la croisé entre ce qui ne va pas dans le système actuel et les dérives d'un système voulu par certaines idéologies totalitaires. A ce niveau Orange mécanique pourrait presque être une sorte de préquelle à 1984 tant il s'apparente à la possible naissance d'une dystopie...
Au-delà de son scénario et des problématiques qu'il soulève, le film est marquant aussi pour sa direction artistique inclassable et sa vision si particulière du futur. Rien que la première scène dans ce bar improbable où sont servis des verres de lait aux drogues avec le gang d'Alex et leurs uniformes blancs donne le ton. Le film date résolument des 70's par son esthétique mais est clairement en décalage avec une direction artistique qui n'est pas futuriste, juste décalée. Cela fonctionne avec les décors très urbains mélangeant des demeures très desigsn ou des grands ensembles d'un gris quelconque qui offrent un territoire de chasse aux droogs. L'ensemble apporte ainsi un sentiment de familiarité et d'étrangeté qui fonctionne vraiment bien même si on peut aujourd'hui juger l'ensemble vraiment kitsh. Le film est souvent classé comme étant une œuvre dystopique même s'il est difficile de vraiment comprendre la société dans laquelle Alex et sa bande commettent leurs exactions si ce n'est une sorte de déitement avec un gouvernement toujours bien présent essayant de reprendre les rennes. L'aspect le plus SF du film est clairement le traitement que subit Alex qui s'apparente à un lavage de cerveau avec une chaise de torture assez iconique qui nous plonge complètement dans l'idée du contrôle de l'homme par l'homme par des moyens scientifiques. Ce qui frappe finalement le plus c'est le langage inventé pour le film qui fait vraiment futuriste et dont on comprend aisément le sens. Une trouvaille issu du livre donnant un véritable cachet au métrage.
La force du film vient évidemment la mise en scène virtuose de Stanley Kubrick qui déploie tout son talent pour nous plonger dans cet enchaînement de violences ainsi que dans le système carcéral sous oublier la science en manque d'éthique subie par Alex. Le tout avec un montage excellent permettant de proposer des ralentis ou des phases accélérées du plus bel effet. On ne peut par ailleurs pas accuser Stanley Kubrick de complaisance dans sa violence tant il rend Alex et ses actions abjectes insistant bien sur la souffrance des victimes. On peut peut-être lui reprocher le fort ratio de filles dénudées dans le film... Kubrick construit son cadre avec grand soin offrant parfois des profondeurs de champ incroyables devenant sa marque de fabrique sur ce film. Les scènes iconiques se succèdent comme l'attaque des époux Alexander où Alex chante Singin'in the Rain, ses séances de torture/réhabilitation ou encore l'incroyable dernière scène. La musique classique inonde le film lui conférant une grande puissance et les compositions originales de Wendy Carlos sont à propos. Enfin, le vrai tour de force de Kubrick est de réussir à nous faire détester Alex sans pour autant le rejeter complètement car on est jamais dans le sentiment de justice quand il souffre. Cela s'appuie sur la prestation excellente de Malcolm McDowell (If..., The Raging Moon...) qui est tour à tour charmeur, inquiétant, insolent, larmoyant... On le déteste comme on peut le prendre de pitié. A ses côtés, Patrick Magee (Dementia 13, Marat - Sade...) joue parfaitement sa transformation psychologique en victime d'Alex. Enfin, on peut aussi retenir Michael Bates (Fantasmes...) en chef des gardes au rôle finalement assez comique... Le reste du casting, pourtant solide, ne bénéficie malheureusement pas de rôles très développés.
La conclusion de Bastien L. à propos du Film : Orange mécanique [1972]
Orange mécanique est une œuvre mythique à plus d'un titre. Si elle n'est plus aussi impressionnante qu'à sa sortie en termes de violence comme de sexe, elle n'en est pas moins captivante. Cette plongée orchestrée de mains de maître par Stanley Kubrick dans la violence et une société déshumanisée propose des thématiques extrêmement bien abordées dans une ambiance incomparable. L'oeuvre permet aussi de voir naître Malcolm McDowell en tant que comédien extraordinaire.
On a aimé
- Une histoire thématiquement très riche
- La mise en scène impeccable de Kubrick
- La révélation Malcolm McDowell
On a moins bien aimé
- Un troisième acte à l'intrigue moins bien ficelée
- Cela a légèrement vieilli
- De la nudité parfois gratuite
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