John Carpenter, artisan du cinéma > Carrière : 30 ans de SF et Fantastique
Les années de formation
John Carpenter est né le 16 janvier 1948 à Carthage, dans l’état de New York, mais il passe son enfance dans une petite ville du Kentucky, Boiling Green, un endroit très conservateur ce qui le marquera durablement. Son père est professeur de musique et lui même apprend très tôt la musique : plus tard il sera le compositeur de la plus grande partie de ses films.
Le jeune John s’intéresse tôt au cinéma. Le premier film qu’il aurait vu serait African Queen, de John Huston. Ses deux genres de prédilection se dessinent vite : le western (il n’aura de cesse de se référer à ce genre cinématographique dans ses propres œuvres) et la science-fiction. Il découvre des films comme le Météore de la nuit (It cam from outer space) de Jack Arnold, Forbidden Planet ou Creature From The Black Lagoon.
La vocation ne se fait pas attendre : John réalise ses premiers courts-métrages dès l'âge de 8 ans. Ils sont déjà fermement ancrés dans le fantastique et on pour nom : Gorgon the Space Monster, Revenge of the colossal beast, The warrior and the demon, Sorcerer from outer space… A propos de ces films, Carpenter ne souhaite qu’une chose : que personne ne puisse les voir un jour ! Carpenter crée aussi un fanzine consacré à la littérature et au cinéma fantastiques, dont il dessine lui-même les couvertures.
Carpenter suit les cours de la Western Kentucky University (où son père, Howard, était professeur de musique) puis, en 1968, intègre le département cinéma de l’University Of Southern California. Il dira y avoir « tout appris », durant les 4 années ou il la fréquente. En 1970 John Carpenter réalise son premier court-métrage « officiel », un projet d’éude nommé Resurrection of Bronco Billy. Le film remportera un oscar dans la catégorie Best Short Live Action Film en 1970. C’est le seul oscar jamais remporté par John Carpenter…
Passage au long
Le premier long métrage de John Carpenter, Dark Star, sort en salles en 1974. C’est, bien sur, un film de science fiction : l’équipage du vaisseau Dark Star se retrouve aux prises avec une bombe nucléaire consciente.
Le moins que l’on puisse dire est que la gestation de ce film fut longue ! C’est à l’origine le projet de fin d’études de John Carpenter (nommé alors Electric Dutchman), qu’il commence avec un petit budget en compagnie de Dan O'Bannon (le futur scénariste d’Alien). A leur sortie de l’école, le film intéresse un producteur qui leur demande de le compléter afin d’en faire un long. Au final, le film (tourné en 3 ans en 16 mm, pour la somme modique de 60 000 dollars) garde les stigmates de son statut de film d’étudiant : un peu décousu, piochant un peu partout (le film parodie clairement le 2001 de Kubrick) avec un humour potache. Mais le film, encore tout à fait regardable aujourd’hui, montre la maîtrise technique déjà insolente de Carpenter. Et le film annonce pas mal de choses : ainsi, dans l’une des scènes (la poursuite d’un extraterrestre dans les coursives du Dark Star) on assiste clairement aux prémices d’Alien. Dan O’ Bannon creusera son idée des années plus tard pour Ridley Scott…
Mais c’est avec Assaut (Assault on precinct 13), qui sort en 1976, que le talent de Carpenter explose. Le thème est simple : plusieurs personnes (dont des prisonniers en attente de transfert) se retrouvent assiégés par un gang dans un commissariat désaffecté, coupé de l’extérieur. Lorsqu’on se revoit ce film aujourd’hui, il est impressionnant de constater l’ébouriffante maîtrise technique d’un cinéaste à la tête de ce qui n’est que son second long métrage : Carpenter utilise cadre et travellings avec maestria. C’est son premier film en cinemascope : il n’abandonnera plus ce format. Assaut contient tout le cinéma de Carpenter : dur, froid, affûté comme un rasoir, dépouillé, allant à l’essentiel. C’est un huis clos ciselé, carré et huilé, au suspens haletant, rythmé par une musique haletante. La violence du film est parfois incroyable (on y tue de sang froid une fillette, scène qui sera censurée !)
On peut voir Assault comme une sorte d'adaptation « urbaine » de Rio Bravo (1958) d'Howard Hawks (l’un des films culte de Carpenter) : dans les deux cas les héros sont retranchés dans une place forte assiégée. Mais le traitement est particulièrement efficace et incisif. La grande force du film, c’est aussi de dépeindre une violence gratuite (et donc terrifiante) : les agresseurs n’ont aucune « raison » logique d’assiéger le commissariat. Ils surgissent de nulle part. Pas d’explication rationnelle à leurs actes. Cette abstraction des assaillants fait immanquablement penser La Nuit des Morts Vivants de George Romero, sorti en 1968, une autre inspiration évidente (dans les deux cas, le héros est un homme noir). C’est aussi la première apparition du « héros carpenterien » : le prisonnier Napoleon Wilson, qui prend les armes aux côtés de assiégés, est le précurseur de Snake Plissken.
La vitesse supérieure
Assaut reçoit un bon accueil au Festival de Londres en 1978. C'est là que Carpenter se voit proposer une histoire intitulée « The Baby Sitter's murders » par le producteur Moustapha Akkad. Renommée Halloween (en français La nuit des masques), c’est une histoire somme toute banale : la nuit de la fête d’Halloween, un tueur dément, Michael Myers, camouflé sous un masque blanc, s’en prend à plusieurs adolescentes. Le succès sera impressionnant. Plus gros succès à l’époque d’un film indépendant, Halloween rapportera 75 millions de dollars (aux Etats unis) pour une mise de départ de 300 000 dollars…
Au delà de ces aspects qui imposent l’efficacité budgétaire légendaire du réalisateur, Halloween est avant tout un film particulièrement réussi, angoissant à souhait. Magnifiant le matériau de base (une histoire et des personnages tout de même stéréotypés) par une mise en scène implacable, Carpenter joue avec les nerfs du spectateur : la maîtrise du cadre est incroyable (Myers ne fait que passer et repasser en arrière plan et dans tous les coins du cadre). Comme dans Assaut, le mal est désincarné : silhouette rigide et mécanique, Myers (d’ailleurs surnommé The Shape) n’en est que plus effrayant.
Non content de réaliser un très bon film, Carpenter lance le début d'une déferlante de slashers : de Vendredi 13 à Scream en passant par les Freddy, tous les tueurs en série qui suivront devront une bonne part de leur existence à Michael Myers. Celui-ci sera lui-même de retour : La franchise Halloween aura en effet la vie dure. John Carpenter sera producteur et scénariste sur Halloween II (dont il assurera aussi le montage et même la mise en boîte de quelques scènes) et Halloween III, film qui abandonne le croquemitaine Myers pour une histoire indépendante. Mais c’est un échec et Carpenter abandonne la série qui se recentre alors sur l’indestructible tueur (8 films au compteur, avec Halloween Resurrection qui sort cette année). John Carpenter s’est vu offrir la possibilité de réaliser H20 (le septième opus) en 1999, mais refusa, malgré les efforts de Jamie Lee Curtis.
Poursuivant dans le fantastique, John Carpenter réalise en 1980 Fog, l’histoire d'une petite bourgade portuaire envahie par une horde de marins fantômes les soirs de brouillard. Carpenter inaugure les affres de l’indécision sur ce film dont il est obligé de retourner une grande partie. Le film ne lui semblait pas fonctionner. Au final, Fog est sans doute moins effrayant qu’Halloween, mais réserve de belles montées d’adrénaline grâce à sa musique hypnotique et les superbes effets de brouillard entourant les apparitions des spectres.
Par contrat, John Carpenter doit encore un film à la société de production Avco Embassy. Le cinéaste revient pour l’occasion à la SF, mâtinée d’action : ce sera New York 97 (Escape from New York, sorti en 1981), l’une des plus belles réussites du cinéaste.
En 1997, l’île de Manhattan, est devenue une gigantesque prison entourée d’un mur. L’avion du président des Etats Unis s’y écrase. Les autorités envoient alors sur place Snake Plissken, criminel notoire. Pour le motiver dans sa mission, une micro bombe lui est injectée… New York 97 est aujourd’hui un classique. Violence urbaine, gangs, héros désabusé : c’est aussi la rencontre entre le western spaghetti et l’anticipation. Kurt Russell est absolument parfait en Plissken, il impose le borgne violent comme une icône immédiate, l’anti-héros par excellence. Le film se double d’une vision très pessimiste de l’avenir des USA, enfermée dans une spirale de violence et de répression.
Chef d'oeuvre mais bide !
The Thing (La Chose, en VF), qui sort en salles en 1982, est une nouveauté à plus d’un titre. C’est le premier film que John Carpenter réalise pour un grand studio (Universal), c’est son plus gros budget jusqu'alors et c’est son premier remake, celui d’un classique de la SF, The Thing From Another World (officiellement réalisé par Christian Nyby, mais que l’on soupçonne d’avoir en fait été mis en scène par le maître à penser de Carpenter, Howard Hawks). Mais Carpenter s’écarte grandement du film de Hawks, se rapprochant plutôt de la nouvelle originale Who Goes There ? de John W. Campbell.
The Thing reste peut être à ce jour le chef d’œuvre de John Carpenter, un film à l’efficacité toujours aussi pleine et entière 20 ans plus tard. C’est un sommet de l’épouvante, un des films les plus haletants jamais réalisé, soutenu par les effets spéciaux dantesques de Rob Bottin. On y retrouve les éléments chers à Carpenter : les héros, des scientifiques d’une base polaire, sont assiégés par une créature extraterrestre. Mais les capacités de la créature (elle est capable d’imiter toute forme de vie) entraîne le film vers les sommets de la terreur organique et de la paranoïa. On pense forcement aux créatures indicibles chères à l’écrivain H.P Lovecraft, auquel The Thing est un des hommages les plus réussis (avec l’Antre de la folie, de... John Carpenter).
Mais The Thing est un échec cuisant, tant public que critique. Le film est jugé trop effrayant, sans aucune once d'espoir. La créature de Carpenter ne fait pas le poids face à un autre extraterrestre sorti la même année : le gentil ET de Steven Spielberg. C’est un échec qui marquera durablement Carpenter : « Par la suite, j’ai fait Christine sans vraiment trop y croire. Starman était une sorte de mea culpa, c’était comme si je disais : vous voyez que je suis aussi capable de faire un joli film romantique ».
Carpenter entre dans le rang ?
Echaudé par l’échec de The Thing, John Carpenter semble en effet « s’assagir ». En 1983, il adapte un roman de Stephen King, Christine. C’est l’histoire d’une superbe voiture rouge (une Plymouth Fury 1957) achetée à l’état de ruine par le jeune Arnie, un adolescent complexé. Mais la voiture est vivante et ne tarde pas à asservir l’esprit du jeune homme. Si ce n’est pas le meilleur livre de King, Carpenter en tire pourtant un film très agréable, même s’il est loin du potentiel horrifique de The Thing.
Carpenter s’écarte, sans surprise, du matériel original (Stephen King se dira d’ailleurs déçu par le film). Il supprime notamment un élément crucial du livre : dans celui-ci, le propriétaire original de la voiture hantait le siège arrière du véhicule, réduit à l’état de zombie. A l’écran, ce retrait est pourtant une très bonne idée : il recentre l’histoire sur la relation presque charnelle qui se noue entre Arnie et Christine.
Le film est un bon succès. Carpenter montre ainsi patte blanche aux studios ? En quelque sorte. Mais le film, s’il est apparence plus « gentil » que ses précédents, reste profondément noir : bien sur, les héros remportent la victoire. Mais Arnie est bel et bien mort ! C’est une facette inattendue de Carpenter qui traite avec délicatesse de sujets difficiles, l’éprouvant passage à l’âge adulte (ici assimilable à une forme de suicide) et la volonté de reconnaissance sociale et d’intégration.
En 1984, John Carpenter réalise Starman, un film émouvant, souvent comparé à ET. Dans les deux cas, un extraterrestre, incarnation de la bonté, échoue sur Terre. Mais Starman traite un aspect plus adulte de ce thème : l‘extraterrestre prend en effet l’apparence du mari décédé d’une jeune veuve. Les deux êtres vont tomber amoureux. Starman est un film surprenant dans la filmographie de Carpenter, émouvant et grave. C’est aussi l’anti The Thing, comme si le cinéaste avait voulu en exorciser le souvenir. Le film permet à Jeff Bridges d'obtenir une nomination à l’Oscar.
Après ces deux films plus « consensuels » Carpenter semble remis en selle auprès des studios. En 1986, il va toutefois se lâcher dans les grandes largeurs…
Pétage de plomb !
En 1986, John Carpenter lance sur les écrans un ovni jouissif, Jack Burton dans les griffes du Mandarin (admirez la traduction française, particulièrement « inspirée », du titre original : Big trouble in Little China).
Il est difficile de décrire ce film. C’est avant tout un film d'aventures mâtiné de comédie, qui se déroule dans Chinatown. On y suit les pérégrinations d’un routier balourd, le Jack Burton du titre (interprété par un Kurt Russell drolatique), qui vient en aide à un de ses amis chinois dont la petite amie a été enlevée par un redoutable sorcier immortel ! Le film est un patchwork délirant association action, combats de kung fu, monstres et magie chinoise.
Jack Burton est en grande partie un hommage au cinéma asiatique (à une époque où le grand public occidental se fout encore comme d’une guigne de ce pan de la culture cinématographie) et plus particulièrement au célèbre Zu, de Tsui Hark. Les partis pris de Carpenter décontenance forcément public et critique : le héros américain type est ici un crétin balourd, qui passe le film à accumuler les gaffes et n’est tiré d’affaire que par l’efficacité de ses amis chinois, véritables héros de l’histoire.
A l’époque, le film est un échec sans appel. Aujourd’hui, c’est un des films de John Carpenter qui a le mieux marché en vidéo ! Preuve que Carpenter était 10 ans en avance sur tout le monde…
Retour aux petits budgets
Forcément amer, John Carpenter quitte le système des studios pour retrouver les petits budgets et leur liberté. Il va réaliser coup sur coup deux films, tournés chacun pour 3 millions de dollars (1 film pour le prix d’une petite campagne de promotion d’un film de major, quoi !).
Prince des Ténèbres (1987) voit le grand retour de Carpenter à l’horreur pure et sans concession, dans ce qui constitue l’un de ses films les plus réussis. Un prêtre (incomparable Donald Pleasance) et une équipe de scientifiques étudient un cylindre empli de liquide verdâtre conservé dans la crypte d'une vieille église. Celui-ci serait la source du mal. A l’extérieur, d’étranges vagabonds encerclent l’église…
Enfermement, réflexion philosophique sur le bien et le mal, explication « scientifique » du mal par la physique quantique, tension qui monte crescendo : Prince des ténèbres est passionnant de bout en bout, particulièrement dérangeant jusqu’à une fin glaçante et désespérante. Dans la droite ligne de The Thing, Carpenter signe un joyau d’une noirceur difficilement égalable.
L’année suivante, Carpenter livre Invasion Los Angeles (encore un titre français crétin, à mille lieux du titre original : They Live). Sous des dehors de série B, il livre en fait une violente attaque contre a société américaine de l’époque, qui sort de l’ère reaganienne. Le pitch est simple : un sans abri découvre par hasard que les hommes politiques, les stars ou les policiers sont en fait des extraterrestres qui asservissent l’humanité. Ils endorment la population grâce aux médias et à la publicité qui diffusent en fait des messages subliminaux (comme « Consommez ! » ou « Obeissez »). Il prend alors les armes…
John Carpenter utilise donc la nouvelle originale de Ray Nelson, Eight o’ clock in the morning, pour dénoncer pêle-mêle l’arrivisme exacerbé des milieux financiers, la passivité de ses concitoyens, la misère qui règne au cœur des villes, les médias et la dérive sécuritaire. Il n’hésite pas à faire de son héros un SDF, en pleine époque du triomphalisme yuppie. Film rébellion par excellence, issu d’une vraie révolte de son auteur, Invasion Los Angeles, bien qu’étrillé par la critique, est un solide succès, surtout au vu de son budget… Mais il faudra pourtant attendre 4 ans pour revoir un film de Carpenter sur les écrans.
Des hauts et des bas
Après cette absence, c’est un retour en demi teinte qu’effectue John Carpenter avec Les aventures d’un homme invisible (memoirs of an invisible man) sorti en 1992. Cette grosse production est une pure œuvre de commande, voulu par le comique Chevy Chase, en perte de vitesse, pour relancer sa carrière. Le film suit les traces d’un quidam devenu par invisible par accident, pourchassé par une agence gouvernementale. Le ton (un mélange de comédie et de suspense) est original, mais le film inégal. Carpenter, en butte aux décisions unilatérales de sa « star » (qui a pourtant demandé à ce que Carpenter réalise le film), se borne à faire son boulot. Cela lui permet toutefois de tester pour la première fois de sa carrière les effets digitaux.
Mais en 1994, c’est un John Carpenter en pleine possession de ses moyens narratifs et formels qui livre L’Antre de la Folie (In the mouth of madness). Plus encore que The Thing, ce film est un hommage à l’œuvre de H.P Lovecraft. Et c’est aussi une très grande réussite. On y découvre un agent d'une compagnie d'assurance (Sam Neill, excellent en cynique désabusé) chargé de retrouver un écrivain d’épouvante disparu. Il va alors s’engager dans un chemin qui pourrait bien le mener à la folie, lorsqu’il va se rendre compte que la réalité n'est qu'une illusion torturée …
Le scénario, signé Michael de Luca, est particulièrement brillant et permet à Carpenter de pousser au maximum une recherche thématique presque expérimentale. L’Antre de la folie est donc à mettre, sans hésiter, au niveau de the Thing et Prince des ténèbres.
D’autant plus rageant est la semi réussite de son film suivant, un nouveau remake, celui du Village des damnées, réalisé en 1960 par Wolf Rilla. Les deux films racontent la même histoire : toutes les femmes d’une petite ville tombe soudainement enceinte et donnent naissance à des enfants qu’on croiraient jumeaux, qui ne tardent pas à montrer une absence totale de sentiments… Serait-ce une subtile invasion extraterrestre ? Si le film de Carpenter est loin d’être honteux, il est indigent face aux meilleures réussites du cinéaste, et surtout, peine à retrouver l’efficacité de l’original. Quelques scènes sont pourtant excellentes, et Carpenter utilise une très bonne idée, absente du film original : l’un des jeunes garçons commencer à « ressentir » et finit par s’opposer au groupe. Mais ça ne suffit pas à sauver complètement ce remake qui ne s’imposait pas.
En pleine forme !
En 1996, John réalise sa première séquelle en 20 ans de carrière. Mais pas n’importe laquelle : en compagnie de la productrice Debra Hill et de Kurt Russell, il organise le retour de Snake Plissken, le borgne hargneux, et donne une suite à New York 97 : Los Angeles 2013 (Escape from Los Angeles).
Le scénario, copie carbone du précédent, n'est en fait qu'un prétexte. Carpenter se fout de son intrigue décousue... Rien d'étonnant à ce que LA 2013 soit donc un film plutôt raté sur la forme (effets spéciaux parfois limite, scènes d’action mollassones). Mais pour John Carpenter, LA 2013 est l'occasion de mettre en boîte un pamphlet politique ravageur débarrassé de toute concession, à l'image de son Invasion Los Angeles. D’autant plus drôle que le film est produit par une major. Il n'y a plus guère d'illusions dans le discours de Carpenter, plus guère d'espoir, ce qui rend le film particulièrement cynique et grinçant. Il tire à boulets rouges sur le politiquement correct et le puritanisme exacerbé de ses compatriotes. Il renvoie aussi dos à dos les oppresseurs et les soi-disant libérateurs, et ne trouve de solution que dans la fuite en avant. Carpenter tourne tout en dérision. Pas étonnant que le méchant du film, Cuervo Jones, soit au final risible face à cet pur méchant de série B qu'était le Duke (Isaac Hayes) dans NY 97...
Seul Snake Plissken est resté pur et trouve grâce aux yeux du cinéaste. Immuable, le borgne se fout de tout : désabusé, il ne se rallie à aucune cause et se branle de l'avenir du monde "civilisé". A ce sens, la scène finale de LA 2013, géniale, rattrape tout ce qui précède : la réponse trouvée par Snake est implacable, dictée par un individualisme et un nihilisme forcené.
En 1997, Carpenter réalise son premier, et unique à ce jour, film de vampires, justement intitulé... Vampires. Mais vu par Big John, le mythe vampirique se rapproche plus du western que du glamour gothique (alors qu’il a failli réaliser le Dracula finalement mise en scène par Coppola). Exit les vampires classe et sapés comme des milords, bienvenue aux suceurs de sang aux tronches hirsutes, qui dorment dans le sable et chassent comme des fauves ! Vampires suit les traces du mercenaire Jack Crow (James Woods, fabuleux), à la tête d’une troupe de tueurs mandatés par l’église catholique pour traquer les vampires.
Rythmé par une bande son d’enfer, le film est très jouissif, même si il perd de son efficacité au cours du métrage. A ce titre, les deux meilleurs scènes ouvrent le film : l’attaque d’un repaire vampirique par les hommes de Crow, et la vengeance du maître vampire, qui met à sac un motel. Tout simplement mortel !
En pleine possession de ses moyens, Carpenter semble l’être, définitivement. Il est revenu à un cinéma coup de poing, direct et violent. Et son film suivant, Ghosts of Mars, ne démentira pas cette direction. Le film, sorti en 2001, est l’objet d’une forte controverse, même et surtout chez les fans de Carpenter : nanar poussif ou jouissive série B ultra bourrine ? Pour ma part, je trouve le film particulièrement efficace, mais chacun son truc. Une chose est sure : Carpenter se fait plaisir en mettant en scène un western martien. Tout y est : le train, la ville frontière et sa prison, l’attaque des indiens (ici des mineurs possédés par des entités martiennes).
Au vu de Ghosts of Mars, il n’y a qu’a espérer que les rumeurs sur la retraite de John Carpenter (il se dit lui-même usé, et déçu par l’échec commercial de son dernier film) soient infondées.
Frondeur, Carpenter reste encore et toujours un cinéaste à part, indispensable.