PIFFF 2013,Jour 3
Pom-Pom Girls vs Vampires

Avant le premier film de la soirée était projeté un sympathique court métrage made in France, Silence de Pierre-Gil Lecouvey. Un couple d'étudiants décide de passer la nuit dans une bibliothèque pour s'amuser, mais ils se rendent compte qu'ils ne sont pas seuls. Le suspense fonctionne, avec une touche d'humour (le mec bien beauf est très drôle), jusqu'à la révélation du "monstre" qui hante la bibliothèque et le gag-twist de fin. Confectionné avec soin, avec quelques bons effets spéciaux (les apparitions du monstre font leur petit effet), des idées esthétiques agréables (l'ellipse avec la lune) et une mise en scène ample, Silence tient parfaitement la route et pourrait sortir d'un Contes de la crypte, La Quatrieme Dimension, Creepshow, Body Bags & Cie, dans la tradition du sketch horrifique (en France il y a eu Sable Noir).

Le nouveau Lucky McKee était forcément attendu et nous a convaincu sans pour autant casser des briques...

Avis de Richard B. : Rien de tel de voir des amis se retrouver et redonner vie à un amour de jeunesse. Dans le cas présent non pas une jolie pom-pom Girl à proprement parler, mais une histoire tournée en tandem en 2001 par à ma droite, Chris Sivertson (I Know Who Killed Me)  et à ma gauche Lucky McKee (on reste encore traumatisé par son The Woman). Au regard des deux réalisateurs (en particulier McKee), nous attendions ce All Cheerleaders Die avec grande impatience, et le bilan est au final contrasté.

Blackfoot High est secoué par la mort tragique de la pom-pom girl vedette. La place étant désormais vacante, beaucoup de jolies demoiselles se mettent à vouloir prendre la relève. À la grande surprise de tous et en particulier de son amie Leena Miller, Mäddy Killian se trouve parmi les postulantes et obtient la place. Leena a bien du mal à comprendre l'intérêt de son ancienne amie pour ce monde qu'il y a peu encore elle jugeait comme superficiel. Pour autant ce n'est que le début des changements, puisque magie noire et vengeance vont être au programme.

All Cheerleaders Die commence plutôt très bien. On profite d'une ribambelle de demoiselles aux corps de rêve se trémoussant généreusement - mais attention ça reste soft et bon enfant - tout en amenant une critique assez directe sur le côté superficiel des lycées américains, sans oublier une mise en place vers un engrenage de la violence savamment orchestré. Durant toute une première partie, on sent que les réalisateurs se font plaisir et si au premier abord on pouvait y voir quelques signes misogynes, on se rend rapidement compte que c'est bien toute la façade "du modèle américain de l'étudiant" qui est attaquée avec un humour noir assez jubilatoire. Et s'il est vrai qu'on est séduit par le côté bordélique des genres oscillant entre films de teenagers, magie noire, cannibalisme, amour lesbien, film de vengeance, et autres plats plus ou moins savoureux, l'équilibre plutôt juste du début va hélas chavirer vers un côté profondément "Z"  et peu flatteur, amenant un dernier acte ouvertement crétin et surtout fortement décevant au regard des deux réalisateurs. Soyons clair, nous sommes très loin du choc d'un The Woman ou d'un May. Alors que dans les précédents films de McKee on subissait une montée en puissance constante, il se produit l'inverse avec All Cheerleaders Die : plus on avance vers la conclusion plus ce dernier s'oriente vers un produit inoffensif, comme si les deux réalisateurs choisissaient finalement d'aller chercher un public fan de séries télévisuelles à l'égale de Charmed ou Buffy.

Alors oui, il y a assez de bonnes idées et de panache pour que All Cheerleaders Die se suive avec plaisir, mais on reste frustré de voir que ce dernier aurait pu nous offrir bien plus. Les espérances placées dans le film ne sont pas là et ça fait mal de dire que pour la première fois de sa carrière McKee ne semble pas maître de son oeuvre (est-ce la raison pour laquelle Chris Sivertson fut le seul à introduire le film dans une petite vidéo avant la projection ?)

Avis de Jonathan C. : Lucky McKee (May, The Woods, The Woman) et son pote Chris Sivertson (réalisateur de The Lost et de I Know Who Killed Me) adaptent en format cinéma un de leurs courts métrages de jeunesse qu'ils avaient troussé en 2001, l'histoire improbable d'une bande de cheerleaders qui, accidentellement tuées puis abandonnées par un groupe de joueurs de football US machos, reviennent à la vie grâce à la soeur sorcière de l'une d'entre elles et décident de se venger. Dans ce contexte, on se doute bien que All Cheerleaders Die est une récréation pour ses deux réalisateurs et n'est pas à prendre au sérieux une seule seconde, comme peut d'ailleurs l'indiquer son titre.

Dés les premières minutes, McKee et Sivertson explosent de l'intérieur les codes du teen-movie, avant de virer peu à peu dans le fantastique pur avec mysticisme, sorcellerie, et des bimbos qui ressemblent plus à des vampires qu'à des mortes-vivantes. Alors qu'on s'attend à un vigilante / rape and revenge ou à un teen-movie subversif à la Tous les garçons aiment Mandy Lane, le film verse carrément, dans son dernier acte torché à l'arrache, dans le Z délirant, clairement assumé par sa conclusion fortement typée grindhouse ("part 1"). Le dénouement débile (dans la forêt de nuit) pourra frustrer les spectateurs les plus exigeants, mais il est finalement assez cohérent avec tout ce qui a précédé. L'aspect sitcom est également intentionnel, cynique et semi-parodique, mettant en avant les personnages archétypes du teen-movie pour ensuite mieux les démolir.

On se retrouve ainsi dans un objet inclassable, sorte de Dangereuse Alliance qui serait d'abord réalisé par Gregg Araki avant que David Decoteau ne reprenne le relais. L'idée des diamants liant les filles est aussi cheap qu'inutile (on dirait du Charmed), mais le film, foutraque et en roue libre, est bourré de métaphores aussi grossières que jouissives (l'orgasme, la drogue...), d'idées déviantes, de moments lubriques (quelques baisers lesbiens ne font pas de mal), de gags scabreux (une belle nana qui pète, ça fait toujours son petit effet), d'obsessions et de fantasmes, d'ironie féroce, de poussées d'adrénaline, etc.

Le casting sexy, composé de jolies actrices peu connues (dont Caitlin Stasey, l'héroïne de l'australien Demain, quand la guerre a commencé), rend l'ensemble encore plus charmant, même s'il ne faut pas s'attendre non plus à un défilé de filles nues (ça reste même assez prude). All Cheerleaders Die n'est d'ailleurs pas vraiment trash, ni cul ni gore, et les mises à mort sont finalement aussi rares qu'inoffensives, mais il amuse surtout pour son non-sens, son mauvais goût et son esprit joyeusement punk.

Le ton est assez méchant, l'humour ravageur, il y a toujours un soupçon de transgression des valeurs américaines et un côté sale gosse, et Lucky McKee traite de nouveau de la frontière très ambiguë entre le féminisme et le machisme (les deux cotés en prennent pour leur grade) dans une société américaine bouffée par ses propres clichés. Pas étonnant, de la part de deux réalisateurs qui ont déjà chacun adapté du Jack Ketchum à l'écran. Esthétiquement c'est assez moche (ça n'a jamais été le point fort des films de McKee) mais ça colle bien aux intensions bis déjantées de McKee et Sivertson. En résulte une série B puis Z aussi savoureuse qu'inégale, hybride et originale.

Ensuite était projeté le Byzantium de Neil Jordan, qui a déjà parcouru de nombreux festivals mais qui ne sortira qu'en DTV chez nous au début de l'année prochaine, ce qui est bien dommage pour un film de cette trempe. En effet, le nouveau film de Neil Jordan (méprisé par la critique et les circuits de distribution depuis quelques années : A Vif se fait descendre par la critique, Ondine ne sort que dans très peu de salles malgré Colin Farrell en tête d'affiche, et voilà que Byzantium n'a même pas le droit à une sortie au cinéma) est un très beau film de vampires, mythologie déjà abordée par le cinéaste dans son célèbre Entretien avec un Vampire, dont Byzantium est une sorte de complément. Neil Jordan s'intéresse plus ici aux relations ambigues entre les deux héroïnes (une prostituée et sa fille, toutes les deux des vampires) liées par leur secret qu'au thème du vampire, dont la mythologie est encore une fois superbement illustrée (cf. les flashbacks, loins de True Blood & Cie), qui plus est en Irlande, cadre inhabituel dans le genre. L'élégance esthétique habituelle du réalisateur, entre mise en scène posée mais inspirée, photo magnifique et prod design très soignée qui transcendent n'importe quel lieu commun, même dans le milieu sordide de la prostitution, est remuée par des éclairs de violence surprenants (notamment la décapitation du début). Comme dans Entretien avec un Vampire, Byzantium mêle cruauté, tragédie et romantisme, autrement dit ce qui caractérise un vampire old school. Classique et en même temps atypique dans ses ruptures de ton, habité par deux sublimes actrices (Gemma Arterton toujours aussi sensuelle et Saoirse Ronan toujours aussi hypnotique) entourées de têtes connues en guise de figures masculines (Sam Riley, Johnny Lee Miller, et le cadavérique Caleb Landry Jones du Antiviral de Brandon Cronenberg), Byzantium aurait largement mérité une sortie en salle, même s'il n'aurait sans doute pas fait autant d'entrées qu'un Twilight. (Avis de Jonathan C.)

La critique Byzantium de Richard B. est disponible ICI 


Article de Jonathan Charpigny et Richard Bourderionnet.

Auteur : Richard B.
Publié le vendredi 22 novembre 2013 à 16h00

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Commentaires sur l'article

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    Doit y avoir de beaux petits lots de fesse dans ce nanar, rien que pour ça, je jetterais un oeil.
    Kristoof, le 24 novembre 2013 12h17

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