Critique Chapitre 1 [2021]

La dernière Ombre est un dyptique qui vient d’arriver dans les bacs. Edité par Glénat, ce récit historique teinté de fantastique est issu de l’imagination fertile de Denis-Pierre Filippi et prends vie sous le dessin élégant de Gaspard Yvan qui débute dans le milieu.

À bout de forces, un groupe composé de soldats et de civils russes s’éloigne péniblement du front. Ils traversent une forêt enneigée et cherchent un lieu abrité pour enfin soigner les blessés. Le docteur accompagné de ses deux filles, Natalia et Irina est inquiet car il sent bien que le moral des troupes s’épuise. Alors que la troupe passe près d’un manoir isolé, la décision s’impose d’elle-même, même si le soldat Zvoga, ancien capitaine de son état, et son  lieutenant ne sont pas d’accord sur l’idée de s’arrêter.

La Baronne qui vit dans ses lieux avec les siens les accueille malgré elle, mais c’est alors qu’un groupe de déserteurs mêlant Russes et Allemands les attaquent. La troupe s’en débarrasse et prend ses quartiers dans le manoir. Mais la Baronne a un secret : vit caché dans les murs de sa propriété un groupe d'enfants qu'elle tente de préserver de la guerre et de ses ravages. Une nuit, Natalia les découvre mais ces derniers la prennent tout de suite en amitié grâce aux histoires merveilleuses qu’elle leur conte et qui allègent leur souffrance et les tourments de la guerre. Alors que la jeune fille est ravie d’avoir de nouveaux amis, une mutinerie se prépare au sein du groupe de soldats et des rumeurs inquiétantes circulent... On aurait vu la dernière ombre, un être surnaturel entre Mort elle-même et fantôme maudit roder en ces lieux...

Ce premier tome amorce une intrigue sombre teintée de fantastique qui met en lumière la barbarie de la guerre et la force de l’imaginaire pour lutter contre cette violence. Des thèmes forts, finement amenés, pour un début d’histoire qui met en scène les tourments de ces soldats brisés. Le scénario est subtil mais ce premier tome pose juste l’amorce du fantastique et on reste sur sa faim : le second et dernier volet sera très attendu.

Inspirée dans ses ambiances par Le Labyrinthe de Pan, La dernière Ombre offre une atmosphère délicate et dure à la fois via les couleurs réalistes et douces mais des visages acérés. Les scènes réelles de violence sont contrebalancées par l’imaginaire d’enfants qui ne peuvent accepter une telle barbarie. Le dessin de Gaspard Yvan est superbe, ses ombres errantes effrayantes et les visages particulièrement expressifs. Le décor de ce manoir ancien, un peu hors-du-temps dans une forêt enneigée est le cadre idéal, riche en mystères et recelant de passages secrets.