Critique Cthulhu origines #1 [2025]

Quand le folklore lovecraftien reprend vie...

Dans le vaste panthéon des jeux de rôle inspirés par H. P. Lovecraft, Cthulhu Origines se fraie un chemin en invoquant l’essence même de l’horreur cosmique : une humanité minuscule, fragile, aux portes de la folie, face à des forces indicibles. Publié par Black Book Éditions, ce jeu se veut une alternative plus sombre, plus immersive et résolument plus fidèle à l’univers lovecraftien que Chroniques Oubliées Cthulhu, sa version pulp et héroïque. Fidèle par son approche folklorique du mythe qui est à la base de l’œuvre du maitre de Providence tout en offrant un système dépoussiéré et facile à prendre en main.

Un système revu pour l’angoisse et la fragilité

Exit les héros à la D&D ! Cthulhu Origines revisite les mécaniques de Chroniques Oubliées pour les plier à la volonté insidieuse du Mythe. Ici, la progression se fait par points d'expérience et non par niveaux, la folie rôde à chaque jet de dés, et les personnages ne sont que des témoins impuissants d’une réalité qui se dérobe sous leurs pieds.

Le système se veut accessible sans sacrifier la tension psychologique. Les joueurs sont invités à incarner des individus ordinaires confrontés à l’extraordinaire — un postulat résolument lovecraftien. Plus dynamique que le classique basique de l’Appel, il se prête aussi bien à l’initiation.

Matériel : du solide, du beau, du glauque

Black Book Éditions soigne son bébé : un Livre du Témoin ( pour les joueurs), un Livre de l’Archiviste (pour les meneurs), un recueil de scénarios, un écran et un dossier de personnages (qui sous-entend que vous pourrez survivre à plusieurs scénarios) sont disponibles et de bonne facture. Vive les couvertures rigides (+1 en contondant !).  Le tout servi par des illustrations immersives, dignes d’un carnet de notes volé à un professeur en fin de santé mentale.

Mention spéciale au niveau de finition : le matériel est pensé pour faciliter l’immersion, avec une mise en page claire, une ambiance graphique marquée, et des aides bien structurées. Bref facile à prendre en main (ben oui si on veut faire du prosélytisme, faut des supports qui ne fassent pas trop peur !)

Niveau prix, on est dans la moyenne des gammes. Le jeu de rôle est cher à l’achat mais rentable sur le long terme…

Scénarios : immersion variable dans le cauchemar

De si beaux esprits, signé Maxime Chattam, est un excellent scénario d’introduction. Avec une première moitié dirigiste et une seconde plus libre, il joue habilement avec les codes du huis clos, de la tension psychologique et de la perte de repères. Parfait pour happer de nouveaux joueurs dans la spirale du Mythe.

En revanche, la mini-campagne Septembre Rouge demandera un peu de travail aux archivistes. En quatre actes, elle promet un crescendo horrifique mais souffre de cohérences historiques bancales (un directeur du FBI en 1920 ? Pas encore sous cette appellation, mais je suis historienne psycho rigide) et de motivations peu claires pour certains antagonistes. Une base solide, mais qui demande un petit toilettage narratif pour les meneurs exigeants. Rien d’insurmontable !

D’autres scénarios sont disponibles pour des one-shots variés en ambiance et en enjeux. Je ne saurai que conseiller un certain scénario impliquant une expédition…

Réception : entre appel du vide et prudence rationnelle

Entre le moment où je découvre la gamme et la publication de cet article, je ne peux que constater que la communauté est partagée. D’un côté, on salue l’audace de proposer une expérience lovecraftienne authentique avec un système simple, bien édité et richement illustré. De l’autre, certains s’interrogent : fallait-il un nouvel avatar du Mythe, alors que L'Appel de Cthulhu, Cthulhu Hack ou Delta Green occupent déjà le terrain ? Je vous laisse juge mais si vous n’avez pas encore craqué pour un univers lovecraftien Cthulhu Origines a le mérite d’être moins dense en termes de gamme que l’Appel et plus élaboré et joli que Cthulhu Hack. Quant à Delta Green, il s’agit d’une autre expérience de jeu.

Les meneurs chevronnés y verront peut-être une redite, mais pour les néophytes ou ceux souhaitant une approche accessible sans sacrifier l’horreur cosmique, Cthulhu Origines offre une porte d’entrée sombre et séduisante.

Verdict : le murmure des profondeurs

Cthulhu Origines, c’est un retour à l’esprit du Mythe, brut, impitoyable, plus proche du Cauchemar d’Innsmouth que d’un film d’action. Le système est fluide, l’ambiance est réussie, et l’immersion est réelle.

À conseiller à :

• Ceux qui veulent initier leurs joueurs à Lovecraft sans plonger directement dans des règles plus denses.
• Les fans de jeux narratifs cherchant un équilibre entre accessibilité et noirceur.

Non essentiel si :

• Vous cherchez un jeu pulp et explosif à la Indiana Jones.
• Vous possédez déjà L’Appel de Cthulhu et êtes satisfait de son approche complète. Non c’est faux, vous êtes des adorateurs du mythe et cette version est indispensable à votre collection ! Il vous faut tous les ouvrages impies… AHAHAH ! Désolée, je m’emporte mais c’est quand même une belle collection et puis plus orientée sur le folklore qui passionnait Lovecraft alors, on lui trouvera bien une petite place dans la bibliothèque…

Cthulhu Origines c’est édité par Black Book et disponible chez vos ludicaires !

"Ne pas connaître sa place dans l’univers est une chose, s’en rendre compte en est une autre." – H. P. Lovecraft

Avec Cthulhu Origines, vous allez non seulement en prendre conscience… mais aussi en payer le prix.