Critique Le Bazaar de l'Epouvante [1994]

Avis critique rédigé par Vincent L. le mardi 23 novembre 2021 à 09h00

Une adaptation mineure, mais pas inintéressante...

Stephen King a, depuis très longtemps, les faveurs de l'industrie cinématographique américaine. Dès les années 1990, on ne comptait déjà plus les films adaptés de ses romans ou nouvelles. Le problème qui s'est posé relativement tôt, c'est que le nombre de nouvelles adaptations ciné croissait bien plus vite que le nombre de nouveaux romans écris par King. Bien vite, tous les best-sellers furent adaptés, et il ne resta plus grand chose à se mettre sous la dent. Dès lors, les producteurs n'avaient pas énormément de solution pour palier au manque de matière première : aller chercher des oeuvres mineures (La créature du cimetière, Mangler), poser le nom de l'écrivain sur des concepts vaguement adaptés (Le Cobaye, Darkside, les contes de la nuit noire) ou dégainer le chéquier et aligner les billets verts plus vite que les concurrents pour acheter les droits du dernier roman paru.

Bazaar, oeuvre massive de près de 800 pages, a ainsi été acheté dès sa parution par la société de production Castle Rock (spécialiste des adaptations de King, puisqu'on lui doit aussi Misery, Les Evadés, la Ligne Verte, The Mist et bien d'autres). Un joli de chèque de près de deux millions de dollars lui permit d'adapter le dernier best-seller de l'écrivain en un temps record. Le scénario fut confié au vétéran W.D. Richter (L'invasion des profanateurs, les Aventures de Jack Burton) et la mise en scène au débutant Fraser C. Heston (dont le principal fait de gloire est d'être le fils de Charlton Heston). Moins de deux ans plus tard sortait donc cette adaptation cinéma, et si Bazaar (le roman) fut un immense succès littéraire, Le Bazaar de l'épouvante (le film) ne déplaça malheureusement pas les foules.

Bazaar raconte comment la petite ville fictive de Castle Rock (qui avait déjà servi de théâtre à quelques récits de Stephen King, le plus célèbre étant probablement La Part des ténèbres) va peu à peu s'embraser et s'autodétruire sous l'influence malsaine d'un mystérieux antiquaire vendant aux habitants l'objet de leurs rêves. La particularité du roman était de détailler tout au long de ses huit cent pages un grand nombre d'histoires parallèles mettant en scène pléthore de protagonistes. La montée en puissance se faisait peu à peu, page après page, dans un crescendo menant vers un final apocalyptique. Le film, lui, ne pouvait prendre le temps de raconter et détailler tant de sous-intrigues, raison pour laquelle Richter décida probablement de se focaliser sur un nombre réduit d'arcs narratifs (en faire peu, mais les faire bien).

VERSION CINÉMA

Aujourd'hui, Le Baazar de l'épouvante n'est au mieux considéré que comme une adaptation mineure de Stephen King. Il faut bien avouer que le film souffre de défauts, au premier rang desquels se trouve son rythme assez bâtard. Car si Heston a la bonne idée de correctement poser son décor, ses personnages et les enjeux de ses quelques arcs narratifs, il se fait rapidement rattraper par la nécessité de boucler son récit dans un temps relativement court. Il en ressort l'impression persistante qu'il manque un bout de film. Schématiquement, les choses se mettent en place doucement, un premier drame survient, les esprits commencent à s'échauffer, puis c'est le chaos et tout le monde s'entretue. Si la montée en puissance était bien amorcée, elle s'avère bien trop rapide dans son exécition pour être convaincante.

Et c'est d'autant plus dommage que toute la première partie du film est plutôt réussie. Le Bazaar de l'épouvante est peut-être considérée comme une adaptation mineure, mais ce n'est pas non plus vue comme un honteux ratage. Déjà, il y a l'idée simple mais géniale à l'origine du roman. Leland Gaunt, le mystérieux antiquaire, va agir comme une sorte de mauvais génie, mais la dimension fantastique reste finalement à la marge, juste pour catalyser la violence contenue dans chaque individu. Cela confère au film une cruauté presque ludique : voir Gaunt hameçonner et manipuler les pauvres hères de Castle Rock pour les monter les uns contre les autres a quelque chose d'assez réjouissant à regarder. Comme souvent chez Stephen King, le mal ne se trouve pas tant dans des entités surnaturelles que chez tout un chacun.

De plus, si la mise en scène de Heston manque sérieusement de subtilité, elle est suffisamment respectueuse de son sujet pour fonctionner a minima. Il y a une ambiance tout à fait correcte, aidée par une bande-originale plutôt réussie. Enfin, il y a face à la caméra un casting en or massif (Bonnie Bedelia, Amanda Plummer, J.T. Walsh) dominé par deux immenses comédiens (Ed Harris et Max Von Sydow) qui bouffent l'écran à chacune de leurs apparitions. Au final, Le Baazar de l'épouvante s'impose comme une bonne petite série B, avec ses défauts, mais aussi avec de vraies qualités. On en ressort certes un peu frustré car il y avait là un potentiel qui aurait pu être mieux exploité, mais globalement, le film fait le job (la dernière scène, plutôt réussie, aidant à laisser sur une bonne impression).

VERSION LONGUE

Voir arriver en vidéo une version longue laisser augurer de bonnes choses. Avec une heure en plus au compteur (pour une durée totale portée à trois heures), on pouvait espérer que cet autre autre montage puisse palier aux soucis de rythme et de structure narrative, et permette un vrai crescendo dramatique qui rende honneur au matériau de base. Cette sortie française était d'autant plus excitante que cette version existait depuis près de vingt-cinq ans aux Etats-Unis (elle a été diffusée en 1996), mais qu'elle était restée inédite dans notre pays depuis tout ce temps (le film ayant été un succès commercial timide, ce n'est pas étonnant qu'elle soit restée dans des cartons). Pour autant, cette version longue n'est pas à proprement parler une director's cut mais une "version télé". La nuance peut paraître subtile, mais elle ne l'est pas.

Déjà, il ne s'agit pas du montage original du réalisateur (qui aurait certes voulu une version plus longue, mais pas si longue) : ici, on sent que toutes les scènes tournées ont été ajoutées juste pour faire du volume, et ce quand bien même elles n'apportent rien à l'intrigue. Le film s'ouvre par exemple sur une course-poursuite entre le héros et Leland Gaunt qui non seulement ne sert à rien, mais surtout, fait perdre beaucoup de superbe et de subtilité au grand méchant du film. D'autre part, ce version a été qualibrée pour une diffusion télévisée dans les années 90, et ça ressent pendant tout le visionnage. Cela passe du plus évident, comme le format 4/3 dans lequel le film est proposé (format télé de l'époque, devenu désuet aujourd'hui), mais aussi dans ces fondus au noirs réguliers qu'on ne trouve jamais au cinéma, et pour cause : ils servent à placer les coupures pub.

Paradoxalement, cette version télé, bien que plus longue d'un tiers, ne corrige pas du tout le principal défaut du film : sa fin précipitée. Comme dans la version cinéma, le début prend son temps, et la dernière partie est méchamment rushée. Ceci étant, tous les ajouts ne sont pas inutiles : les personnages sont bien mieux posés, les intrigues un poil mieux développées, et on récupère quelques séquences assez sympa (dont un excellent face-à-dace Ed Harris/Max Von Sydow). De bonnes choses, mais globalement, avouons qu'un trente minutes supplémentaire aurait largement été suffisamment pour rééquilibrer le film, gommer une petite partie de ses défauts pour parvenir à une résultat meilleur. Telle quelle, cette version s'avère être une curiosité somme toute intéressante, mais clairement pas indispensable tant elle n'améliore pas fondamentalement l'expérience de la version ciné.


Le Bazaar de l'épouvante en coffret version cinéma/version longue,
Disponible chez Rimini depuis le 22 novembre 2021.
Deux versions du film pour le prix d'une.

La conclusion de à propos du Film : Le Bazaar de l'Epouvante [1994]

Auteur Vincent L.
65

Le Bazaar de l'épouvante est une adaptation mineure mais pas désagréable du roman de Stephen King. En dépit d'un rythme batard et d'une fin trop vite expédiée, le film dispose tout de même quelques belles qualités, au premier rang dequel on mentionnera son excellent casting, Près de trente ans après sa sortie, le film conserve tout de même une belle allure, et mérite encore d'être découvert par celles et ceux qui seraient passés à côté.

On a aimé

  • L'idée géniale à la base du scénario,
  • Le casting, excellent,
  • Une réalisation fonctionnelle, mais qui fait le taf.

On a moins bien aimé

  • Un rythme en dent de scie,
  • Un final trop vite expédié,

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