Critique La vie future [1936]

Avis critique rédigé par Bastien L. le lundi 31 octobre 2022 à 09h00

C'était demain

Considéré comme un des pères littéraires de la science-fiction, Herbert George Wells a vu ses écrits les plus célèbres être adaptés un nombre incalculable de fois au cinéma comme à la télévision même s'il a peu travaillé directement sur ces adaptations si ce n'est sur La vie future en 1936.

Si H. G. Wells est autant un auteur de science-fiction (L'Homme Invisible, L'Ile du Docteur Moreau, La Guerre des mondes...) que d'anticipation c'est aussi parce qu'il a aussi écrit des textes où il tente d'imaginer ce que serait le futur. Parmi ces textes il y a le livre The Shape of Things to Come paru en 1933. Un texte qui imagine ce que sera la Terre des années 1930 à l'an 2106. En parallèle, l'industrie du cinéma connaît une belle embellie en ce qui concerne les œuvres de science-fiction et de fantastique via les grosses productions américaine Universal (Frankenstein, Dracula...) de cette décennie. Un succès qui n'échappe pas au grand producteur britannique Alexander Korda et sa société de production London Films. Korda décide ainsi de produire plusieurs films de genre et se dit que demander à un des maître en la matière serait une bonne idée. H.G. H. G. Wells se voit donc proposer d'adapter lui-même son livre d'anticipation dont il s'éloigne beaucoup afin d'en créer une fiction cinématographique. Un scénario reprenant les grandes lignes de ses idées mais qui semble totalement lui échapper une fois que Korda lance la production du film dans les mains de l'Américain William Cameron Menzies. Ce dernier commence sa carrière en tant que chef décorateur et directeur artistique très réputé ayant notamment travaillé sur des films de D.W. Griffith ou Raoul Walsh. Il passe ensuite à la réalisation au début des années 1930 dont Chandu le magicien pour le genre qui nous intéresse. La vision de Wells associée aux talents artistiques de Menzies permet de créer une œuvre impressionnante grâce aux contributions d'une équipe comprenant le responsable des effets spéciaux Ned Mann, deux monteurs promis à une grande carrière (Charles Crichton et Francis D. Lyon) ainsi que des acteurs confirmés comme Raymond Massey ou Ralph Richardson. Le film sort début 1936 au Royaume-Uni et semble être sorti en France à la même époque (le film existe aussi sous le titre Les Mondes Futurs) et l'on doit surtout à l'éditeur Elephant de nous le proposer en Blu-Ray et DVD depuis 2014.

Le film débute en 1940 dans la ville de Normal-Ville (à la localisation non précisée mais faisant furieusement penser à Londres) à la veille de Noël alors qu'une guerre semble imminente. Manque de chance, c'est pendant la nuit que la ville commence à être bombardée entraînant la mobilisation générale des hommes dont John Cabal (Raymond Massey) en tant que pilote. S'en suit une guerre mondiale de près de 25 ans entraînant une grande récession économique comme technologique dans de nombreuses parties du monde dont Normal-Ville maintenant en ruines que l'on découvre en 1970. La ville est touchée par la peste et est dirigée par le Chef Rudolf (Ralph Richardson) sorte de seigneur de guerre locale faisant tout pour que son ingénieur (Derrick de Marney) puisse refaire voler les épaves d'avions qu'il a sous la main afin d'agrandir son territoire. C'est dans ce contexte qu’apparaît un avion semblant futuriste de la ville duquel descend un pilote dans une étrange combinaison. Il s'agit de John Cabal qui représente une organisation internationale voulant unifier la planète et reconstruire les sociétés humaines grâce à la science et au progrès. Il va se heurter à Rudolf qui a bien d'autres projets...

Mélange des genres, La vie future est divisée en trois parties se situant à différentes époque. La première en 1940 (et pendant le reste de la guerre) est un film de guerre tandis que la seconde en 1970 relève du post-apocalyptique tandis que la dernière partie en 2036 plonge en pleine science-fiction. Même si ces coupures entre les trois époques sont bien amenées et bien travaillées, il n'empêche que l'on peut être un peu perdu quand un casting remplace quasiment totalement un autre même si certains acteurs jouent leur version vieillie ou leur descendant dans les époques futures. Si le film est riche en effets-spéciaux, il n'est pas un film d'action pour autant mais une réelle réflexion sur le devenir de l'humanité offrant ainsi une science-fiction servant comme miroir aux problématiques des temps troublés du milieu des années 1930. L'anticipation ici proposée par Wells impressionne par sa justesse si l'on compare aux événements réels de la Seconde Guerre mondiale et des bombardements de Londres dont on a l'impression de voir la répétition générale sous nos yeux dans la première partie du film. La suite s'éloigne de la triste réalité avec cette guerre de 25 ans... C'est dans cette partie que le film démontre son pacifisme avec la brutalité et l'absurdité de la guerre dont les effets sur les simples gens sont dévastateurs. Cette idée apparaît aussi dans la seconde partie où le bellicisme de Rudolf (un prénom en rappelant un autre...) s'oppose au progressisme scientifique de Cabal comme à l'optimisme de son bras droit Roxana (Margaretta Scott). La dernière partie est aussi magnifiquement écrite nous présentant une utopie dont la trop grande propreté révèle l'ennuie profond du peuple qui ne voit pas d'un bon œil les volontés de conquête de l'espace par les autorités. Dont le débat qui oppose le descendant de Cabal à son principal opposant (Cedric Hardwicke), le film refuse de trancher entre folie des grandeurs digne de l'esprit humain ou humilité envers ce qui est plus grand que nous...

 

Via ses thématiques bien exploitées, notamment grâce à des dialogues fonctionnant souvent comme des confrontations, le film est vraiment bien écrit. L'ensemble s'avère très plaisant à suivre car les trois parties offrent de bons renouvellement sans jamais perdre le propos global. L'autre grande réussite du film est la qualité de sa production pour nous plonger dans ces trois époques différentes nous permettant d'aller de surprises en surprises. Le début du film avec le bombardement de Normal-Ville et les images de guerre qui suivent est vraiment impressionnant nous faisant vivre de l'intérieur la panique de la population comme la brutalité des combats. Le passage de 1970 s'avère tout aussi intéressant grâce aux efforts faits pour donner un aspect post-apocalyptique avec des ruines et les accoutrements des personnages nous démontrant la réelle régression civilisationnelle qu'ils ont vécu. Cette partie s'avère aussi glaçante par moments quand on nous montre le sort réservé aux pestiférés... Enfin la dernière partie est un monument de science-fiction avec des effets spéciaux époustouflants réalisés par les équipes de Ned Mann. Passant aujourd'hui pour du retro-futurisme, les décors et machines mis en scène pour donner vie à cette vie du future sont aussi grandioses que difficiles à décrire. Tout amateur de science-fiction sur grand écran se doit de voir cette cité immaculée où l'on communique par écran plat avec des accoutrements se rapprochant de l'Antiquité romaine... Même si certains effets ont évidemment vieillis, on en est pas moins grandement impressionnés par cet étrange voyage au dépaysement total.

Il est malheureusement difficile de juger au mieux de la mise en scène de William Cameron Menzies car le film (d'une durée de 1h35) que l'on peut voir aujourd'hui n'est pas celui d'origine que l'on pense perdu. On a donc devant les yeux une restauration partielle datant des années 2000. On peut néanmoins apprécier l'ambition visuelle de Menzies qui a réellement travaillé ses plans afin de nous sortir de la monotonie que la profusion de dialogues pouvait laisser craindre. Il propose des angles souvent intéressants tout en mettant grandement en valeur les effets spéciaux et décors si particuliers. Le montage est aussi très travaillé sachant notamment se montrer agressif comme il faut dans la première partie pour nous montrer le climat de guerre puis la panique dans la ville bombardée. Pour ce qui est des acteurs, on appréciera grandement la double interprétation de Raymond Massey (The Speckle Band, Une soirée étrange...) qui impose son autorité via un grand charisme aux personnages de John Cabal puis de son descendant. Face à lui on applaudit les performances de Ralph Richardson (Le Fantôme vivant, Vendredi 13...) en Rudolf sorte de bouffon ivre de son pouvoir, Edward Chapman (Junon et le Paon, Meurtre...) incarnant deux membres d'une même famille éloignés d'un siècle ayant des personnalités très différentes. Enfin, si les femmes manquent d'épaisseur dans l'histoire, on retiendra surtout Margaretta Scott (Dirty Work, Peg of Old Drury...) lors d'un excellent dialogue où elle expose ses rêves d'une monde meilleur.

La conclusion de à propos du Film : La vie future [1936]

Auteur Bastien L.
80

La vie future est bien plus qu'une curiosité venue du passé. C'est un excellent film de science-fiction trop souvent oublié qui étonne certes de prime abord par son découpage net en trois parties très espacées dans le temps. On prend pourtant plaisir à regarder cette œuvre intelligente qui développe des thèmes encore très actuels tout en proposant une direction artistique excellente bien rehaussée par des effets-spéciaux novateurs. De plus, la mise en scène est inventive et les acteurs plutôt inspirés.

On a aimé

  • Une oeuvre profondément originale, encore aujourd'hui
  • Des thématiques aussi profondes que bien abordées
  • Une production de qualité bien mise en scène et bien interprétée

On a moins bien aimé

  • Un peu déroutant par moments
  • Pas vraiment le film tel qu'il était à sa sortie
  • A forcément pris son coup de vieux

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