Critique L'Apprentie sorcière [1972]
Avis critique rédigé par Bastien L. le mercredi 7 décembre 2022 à 09h00
Dans l'ombre de Mary
Sans faire partie du même univers, des œuvres sont parfois intimement liées de différentes manières à l'instar de L'Apprentie sorcière dans le sillage de Mary Poppins.
Tout le monde s'accorde à dire que Mary Poppins (1964) est une œuvre culte des studios Disney mélangeant parfaitement prises de vues réelles et animation dans une ambiance fantastique, familiale et cartoon. On sait aussi que Walt Disney dû lutter pour en obtenir les droits à un tel point qu'un projet de remplacement était prévu : L'Apprentie sorcière. A la base il s'agit d'une série de deux livres de la romancière anglaise Mary Norton (aussi créatrice de la série des Chapardeurs/Borrowers) parus dans la seconde moitié des années 1940 dont Disney acheta rapidement les droits. Ce récit destiné à la jeunesse, fait de magie et de fantaisie, obtient le lancement de sa production en 1961 avec une équipe créative étant quasiment la même que derrière Mary Poppins qui obtient finalement son feu vert laissant de côté L'Apprentie sorcière jugé trop similaire. Il faut attendre la toute fin des années 1960 pour que le film se fasse reprenant une grande partie des hommes ayant fait le succès de Mary Poppins : les scénaristes Bill Walsh (aussi producteur) et Don DaGradi, le réalisateur Robert Stevenson, les frères Robert et Richard Sherman en charge des chansons ou encore l'animateur Ward Kimball supervisant les scènes de dessins-animés à un tel point qu'on le considère comme le coréalisateur du film. Côté casting, on retrouve même l'Anglais David Tomlinson tandis que Julie Andrews fut longtemps pressentie avant que Angela Lansbury obtienne le premier rôle du film. Sorti en 1971 (1972 chez nous) le film fut un succès bien moindre que Mary Poppins et ne semble pas faire partie des grandes œuvres de la firme aux grandes oreilles quand bien même la qualité de sa production fut grandement saluée. A savoir que le film devint plus populaire avec le temps connaissant un nouveau montage plus long pour son 25ème anniversaire. Néanmoins, cette critique concerne la version originale d'un peu moins de deux heures.
Le film se déroule durant l'été 1940 dans une zone rurale du sud de l'Angleterre alors que le pays se prépare à une possible invasion nazie car l'Allemagne contrôle désormais une grande partie de l'Europe de l'Ouest. C'est dans ce contexte que trois enfants londoniens, Charlie (Ian Weighill), Carrie (Cindy O'Callaghan) et Paul Rawlins (Roy Snart) sont confiés à l'excentrique Eglantine Price (Angela Lansbury) vivant seule dans une demeure isolée. Le problème étant que Eglantine se voit dans l'obligation d'héberger des enfants dont elles ne veut pas s'occuper et qui veulent absolument fuguer pour retourner à Londres. C'est alors qu'ils découvrent que Mrs. Price est en fait une apprentie sorcière, par correspondance, ayant plusieurs pouvoirs dont celui de voler sur un balai ou transformer temporairement quelqu'un en animal. Peu de temps après, Eglantine reçoit néanmoins une lettre lui indiquant que son école de sorcellerie est fermée à cause de la guerre. Cela représente une catastrophe pour elle car elle pense que le dernier sort qu'elle était censée recevoir lui permettra justement de lutter efficacement contre les nazis. Grâce à un sort, les enfants et Eglantine peuvent voyager sur un lit se téléportant à Londres à la recherche du professeur de sorcellerie Emelius Browne (David Tomlinson) qui ne pourrait pas s'avérer être celui qu'il prétend...
Quand on a cité les hommes clés de l'équipe créative plus haut, il manquait évidemment un nom, celui de Walt Disney malheureusement décédé en 1966. On ne peut évidemment réécrire l'histoire même si on peut se demander si L'Apprentie sorcière n'aurait pas été un autre film avec l'empreinte de ce géant. Puisque vous l'aurez compris, ce film ne peut vivre que dans l'ombre de Mary Poppins en termes de popularité mais aussi de qualité à commencer pas son scénario. En tant que divertissement familial, L'Apprentie sorcière fonctionne très bien pouvant autant plaire aux plus jeunes qu'aux moins jeunes après un début de film certes assez plat. Mais une fois qu'il est lancé, le métrage est bien rythmé avec ce qu'il faut de personnages attachants, de chansons distrayantes et d'humour efficace pour toute la famille. Le scénario est ainsi très classique et fait penser à beaucoup de productions Disney de cette époque : les péripéties deviennent vite bien plus passionnantes qu'une intrigue globale assez simple. Les deux principaux reproches que l'on peut faire à l'histoire sont d'abord ses nombreuses facilités avec des hasards très heureux permettant de mettre les personnages sur le bon chemin. De même, les thématiques abordées manquent cruellement de profondeur dont celle de croire en la magie comme retrouver/garder son âme d'enfant qui est assez sporadique ou encore un patriotisme final aujourd'hui un peu daté. Bref, un manque de cœur et d'émotions propres au Mary Poppins chapeauté par Walt Disney...
Finalement le thème le plus important, même si jamais abordé frontalement, est peut-être le fantastique et la fantaisie comme échappatoires à un monde en guerre ou face à la solitude. Price et Browne sont des personnages assez marginaux comme les enfants Rawlins sont des orphelins. Seuls dans un monde qui est en train d'imploser, ils vivent une aventure incroyable qui les font voyager et surtout leur permet de créer une sorte de famille. Comme l’utilisation d'un irréel pour se forger une meilleure réalité. Cela permet de créer un univers où la magie s'invite de manière incongrue avec des sorts assez simples avant de basculer plus franchement dans le fantastique quand les héros voyagent dans un monde de dessins-animés peuplés d'animaux anthropomorphes sur une île oubliée. C'est là que le film délivre toute sa magie avec des effets spéciaux proprement incroyables (et récompensés d'un Oscar spécial à l’époque) via le processus de vapeur de sodium afin d'incruster les acteurs au sein d'un court-métrage d'animation. Il y a aussi un travail incroyable pour donner vie à des objets normalement inanimés. L'ensemble reste encore très impressionnant aujourd’hui et les incrustations sont plus crédibles que sur Mary Poppins. De plus, les équipes de Ward Kimball sont au sommet de leur forme pour ce qui est des passages animés et on retiendra la bataille finale comico-épique qui fonctionne à merveille.
L'aspect comédie musicale est aussi très important avec de beaux numéros (notamment le marché de Londres) et de belles chansons de la part des frères Sherman. Néanmoins, on sent encore une fois que l'on est un cran en dessous de ce qu'ils ont su proposer sur Mary Poppins. Au même titre que le réalisateur Robert Stevenson, grand artisan des productions en prises de vue réelles Disney depuis le milieu des années 1950. Il livre ici une mise en scène très académique et surtout fonctionnelle au service des effets spéciaux compliqués et autres numéros musicaux. Du travail de qualité mais grandement impersonnel. Pour ce qui est des acteurs, Angela Lansbury (Le Portrait de Dorian Gray, Samson et Dalila...) rend son personnage très attachant entre force de caractère et maladresses via une naïveté assez touchante. A ses côtés David Tomlinson (Mary Poppins, Un amour de coccinelle...) démontre une nouvelle fois ses qualités en bonimenteur gonflé pris à son propre piège s'ouvrant petit à petit aux autres. Un rôle qui le pousse malheureusement à cabotiner quelque peu. Pour ce qui est des trois enfants, ils sont plutôt bons même si parfois inconstants comme beaucoup d'enfants acteurs... Le reste du casting a peu de place pour exister mais s'avère assez solide.
La conclusion de Bastien L. à propos du Film : L'Apprentie sorcière [1972]
On sent vraiment que L'Apprentie Sorcière cherche à réitérer le succès de Mary Poppins avec de nombreux points communs et les mêmes personnes aux commandes. Néanmoins, le pari n'est pas atteint car le film de 1971 s'avère un cran en dessous dans quasiment tous les domaines à commencer par une histoire oubliable qui manque cruellement de profondeur comme d'une mise en scène ambitieuse. Néanmoins, le film reste un divertissement très efficace qui émerveille encore grandement les jeunes spectateurs via des effets spéciaux toujours aussi saisissants.
On a aimé
- Les effets spéciaux incroyables
- Un divertissement efficace
- La regrettée Angela Lansbury
On a moins bien aimé
- La mise en scène trop classique
- Une intrigue simpliste manquant de profondeur
- L'ombre étouffante de Mary Poppins
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