Critique Révélation 1ère partie #4 [2011]
Avis critique rédigé par Jonathan C. le lundi 14 novembre 2011 à 18h19
Autant en emporte le vamp
Comme le savent probablement les lecteurs, assidus ou occasionnels, des best-sellers de Stephenie Meyer, et comme son titre peut d'ailleurs l'indiquer : il se passe enfin quelque chose dans ce quatrième Twilight, justement intitulé Révélation (ça annonce un peu plus de rebondissements que des Fascination-Tentation-Hésitation qui eux évoquent plutôt du surplace et de l'ennui) ! Bella se marie, Bella fait l’amour, Bella tombe enceinte, Bella accouche, Bella devient vampire…du lourd, donc ! Bon certes, c’est pas grand-chose mais c’est déjà beaucoup à coté des deux précédents films, pendant lesquels notre Bella en proie au doute se demandait si elle devait se faire dépuceler par le vampire Edward Cullen ou par le loup-garou Jacob Black (oui oui, deux films de deux heures sur cet enjeu aussi insignifiant). Comme pouvait l’annoncer la dernière réplique du troisième film, ce qui en aura fait rire plus d’un, nous retrouvons dés le début de Twilight - chapitre 4 : Révélation 1ère partie (ouf) notre Bella en plein préparatifs de son mariage avec Edward. Elle est enfin joyeuse, Edward aussi même si c’est moins flagrant, et tout le monde semble content, même Jacob, qui s’est fait une raison. Mais Edward va-t-il ENFIN se taper Bella (c’était pourtant pas loin dans le précédent film) ? La réponse on la connait avant de voir le film, c’est OUI (champagne !), mais tout l’intérêt de ce quatrième Twilight n'est pas que là.
L’idée de diviser l'ultime Twilight en deux parties n’est pas seulement un argument commercial (mais c’en est un quand même ; quand trois films rapportent 1,8 milliards de dollars de recettes mondiales, on ne s’arrête pas en si bon chemin, un spin-off étant même envisagé), puisque le roman fait 750 pages et qu’il s’y passe beaucoup de choses (alors qu’il ne se passait absolument rien dans le précédent). Rien qu’à la fin de la première partie, Bella est mariée, mère et vampire, ce qui fait quand même beaucoup pour voir qu’elle était encore célibataire, pucelle et humaine dans Twilight 3 : Hésitation. Melissa Rosenberg, la fidèle scénariste des films de la saga (mais aussi de Dexter !), explique : « Au départ j’ai synthétisé l’histoire d’un seul tenant. Il fallait que ça fonctionne tout de suite, car le livre est vraiment long, mais pas assez dense pour deux longs métrages. Il fallait donc qu’on puisse donner plus d’épaisseur à l’intrigue. », ce qui arrange bien le réalisateur dramaturge Bill Condon, pour qui « cette répartition en deux films était vraiment cruciale » (« Condenser tout cela en 50 minutes nous aurait conduit seulement à effleurer les évènements »), mais pas la Sofia Coppola, d’abord fortement pressentie à la réalisation avant de quitter le projet parce qu’elle voulait en faire un seul long métrage. Mais Twilight y gagne. Stephenie Meyer était cette fois sur le tournage en sa qualité de productrice et de précieuse conseillère (mais elle précise avoir « toujours été très impliquée dans les prises de décision » sur les autres films), elle pouvait donc veiller sur son bébé et s’assurer que l’intégrité de son livre soit respectée (de ce coté-là, on en doute pas). Très psychologique, cette première partie ne creuse pas plus la mythologie (on ne découvre rien de bien nouveau dans l’univers de Twilight) et est principalement axée autour de la transformation (adolescente/femme/vampire) de Bella, englobant les points de vue périphériques de Jacob et d’Edward, qui ont cependant plus d'importance dans le roman. Bella y fonde un foyer, une nouvelle famille qu’il s’agira de défendre dans la seconde partie de Twilight : Révélation. Pour ce qui est de l’action et des effets spéciaux (car ici : que dalle !), il faudra attendre la deuxième partie, qui promet enfin un affrontement homérique entre les clans (en espérant quelque chose de moins kitsch que le final du catastrophique Twilight chapitre 2 : Tentation), les Volturi étant quasiment absents de cette première partie.
Cette première partie de Twilight 4 : Révélation se scinde clairement en trois parties qui sont autant d’évènements importants dans la vie : le mariage, la lune de miel et la grossesse. La première joue évidemment la carte du romantisme naïf (Bella qui danse avec Edward puis avec Jacob, on se croirait au bal de fin d'année chez les ricains), malgré quelques signes annonciateurs inquiétants (la vision cauchemardesque, les avertissements de Jacob…). Les petites scènes drôles, mignonnes et touchantes de simplicité s'y succèdent (sur des balades pop-rock romantiques et mélancoliques) : l'au revoir des parents à leur fille Bella, les discours, les retrouvailles avec Jacob, le départ pour le voyage de noces, etc. Le mariage en question, bien qu'idyllique, fait évidemment son petit effet également : les plus sensibles y verseront une larme, les plus enjoués applaudiront, les plus cyniques en rigoleront, et dans les trois cas ça se comprend. L’occasion également de croiser, non sans nostalgie, les personnages désormais familiers de la saga (la famille Cullen, les amis humains de Bella, le papa et la maman...tous les "gentils" sont là !) et aussi quelques nouveaux (le clan Denali), parce qu’on ne les verra pas beaucoup par la suite. C’est lorsqu’on pénètre (sans mauvais jeu de mot) dans l’intimité du couple Bella-Edward pendant leur voyage de noces que le film révèle un humour étonnement ravageur, y compris dans la fameuse scène de sexe attendue depuis trois films, dévoilant un Edward qui ne peut maitriser sa force (le lit ne s’en remettra pas). Si la scène d’amour, introduite (hum) par un bain de minuit romanesque, reste timide (comme ses personnages), Bill Condon a le mérite de ne pas détourner la caméra et filme clairement Edward en train de ramoner Bella (oui, dit comme ça ce n’est pas romantique mais c’est très évocateur). Après avoir honoré pour la première fois sa désormais femme, Edward éprouve des remords et craint de blesser sa tendre (qui a déjà quelques bleus) lors d’un prochain ébat, ce pourquoi il décide de refuser les avances de Bella. S’ensuit une partie très drôle dans laquelle Bella, chaude comme la braise (elle est devenue accroc) et étonnement sexy (on ne l’avait jamais vue comme ça, les observateurs les plus attentifs pourront même apercevoir un sein !), tente d’allumer ce pauvre Ed par tous les moyens (petites tenues, poses évocatrices, caresses…), qui n’en peut plus de se retenir. Sûr que si elle avait choisi Jacob, ça ne se passerait pas pareil et elle n'aurait pas à le supplier pour se faire prendre à nouveau…Bref, c’est jusqu’ici léger, exotique (un p’tit tour au Brésil), amusant et mignon comme tout (le couple Edward-Bella est adorable ; pour une fois qu’on a pas envie de les tarter quand ils sont ensemble), mais il faut bien que la machine mélodramatique se remette en route. Bella tombe donc enceinte, ce qui est tout-à-fait contre-nature (un bébé vampire dans un corps humain), en plus d’être mal vu par les deux camps et, surtout, d’être dangereux pour la santé de Bella. Twilight 4 devient dés lors un huis-clos, dans lequel une Bella affaiblie se laisse mourir malgré les efforts d’Edward et de Jacob pour la convaincre d’avorter, ce qu’elle refuse catégoriquement. Ce qui est un miracle pour elle est sa propre condamnation à mort selon Edward et Jacob. Dehors, les loups-garous menacent de venir tuer Bella (enfin un peu d’action en vue ?), malgré la protection de Jacob, qui se ligue contre son camp pour l’épouse d’un vampire. Si l’humour est toujours là (notamment grâce à Jacob), le ton de ce dernier tiers est résolument plus sombre qu’auparavant, plus pesant (une menace plane, un mystère traine…). Avec une Bella mourante dans une maison assiégée par les loups-garous (mais rien à voir avec un Dog Soldiers, bien entendu), Condon maintient une tension latente dans la dernière partie.
Le choix de Bill Condon pour réaliser les deux parties de cet ultime Twilight est plus judicieux que ce qu’on avait pu penser. En effet, de par son expérience, le cinéaste new-yorkais va renforcer deux des caractéristiques de la saga au cinéma, mêlant ainsi mélo et horreur. Condon est un réalisateur appliqué qui aura livré quelques films dramatiques de facture classique mais particulièrement bien écrits comme Dreamgirls (évocation à peine cachée des Supremes et de la Motown), Dr. Kinsey (biopic d'un pionnier de la sexologie joué par Liam Neeson) ou Ni Dieux Ni Démons (sur les derniers jours de James Whale, le réalisateur des Frankenstein de la Universal, ici campé par Ian McKellen), pour lequel il a d’ailleurs reçu l’Oscar du Meilleur scénario (tandis que Dreamgirls lui aura ramené un Golden Globe du Meilleur réalisateur). Ce qui intéresse le réalisateur, qui fut d'abord journaliste dans des revues de cinéma (c'est un passionné), c’est justement d'essayer, de nos jours, de faire fonctionner des genres classiques du cinéma hollywoodien tombés en désuétude et passés de mode, ce qu’il fait par exemple pour la comédie musicale avec Dreamgirls et Chicago (dont il fut le scénariste, d’ailleurs nommé une seconde fois pour l’Oscar à ce poste), qui sont d'ailleurs deux adaptations de Broadway. Avec Twilight : Révélation 1ère partie, Condon fait clairement du mélodrame sentimental classique (« Même si on ne fait plus trop ce genre de films de nos jours, cela a été tout au long de l’histoire un genre essentiel, particulièrement à l’époque de l’âge d’or hollywoodien », explique t-il), n’hésitant pas à évoquer Douglas Sirk, Henry Hathaway, Henry King ou « un vieux film de Minnelli » dans ses références. Il faut bien reconnaitre que c’est assez réussi de ce coté-là : l’aspect mélodramatique, certes teinté de comédie romantique, est absolument charmant, plein de lyrisme et d’exotisme, emporté par un souffle romanesque suranné et des couleurs flamboyantes (un peu comme sur les affiches), d’autant plus que le réalisateur use d’un savoureux second degré pour mieux faire passer les élans de mièvrerie communs à tous les Twilight (on se souvient encore du second opus de Chris Weitz, ringard de bout-en-bout à force de se prendre au sérieux). C’était déjà un peu ce que faisait David Slade avec le troisième Twilight, dans une moindre mesure (le problème étant que Slade, aussi doué soit-il, n'avait pas grand-chose à raconter). Bill Condon retrouve un peu de ce mélange de premier et de second degré qui animait le tout premier Twilight de Catherine Hardwicke. Quand à Twilight chapitre 2 : Tentation, il était hilarant mais ce n’était pas voulu. Le scénario de cette première partie de Révélation propose ainsi plusieurs scènes très drôles, même en plein moments dramatiques : Jacob qui prétexte une nouvelle fois la chaleur de son corps pour se blottir contre Bella devant le pauvre Edward froid comme un cadavre, les Cullen qui font boire du sang à Bella avec une paille et gobelet comme si c’était du Coca-Cola chez McDo, Bella qui tente d’allumer Edward qui n’en peux plus de résister à la tentation, Bella annonçant le prénom ridicule (Renesmée !) de son bébé devant des Edward et Jacob qui ne savent plus quoi dire…
Mais aussi étonnant que cela puisse paraitre, Bill Condon vient avant tout du cinéma fantastique (tout comme David Slade). Scénariste des Envahisseurs sont parmi nous de Michael Laughlin et de F/X2 : effets très spéciaux, puis réalisateur du médiocre Candyman 2, son deuxième long métrage après plusieurs téléfilms (pour la plupart des thrillers, avec notamment Roger Moore, Pierce Brosnan, Gwyneth Paltrow, Gregory Hines ou Teri Hatcher), Condon revient au fantastique avec ce Twilight, qui se révèle ainsi plus généreux en sexe (normal, de la part du réalisateur de Dr. Kinsey) et en sang (normal, de la part du réalisateur de Candyman 2) que les trois précédents opus. Du sang et du sexe, c’est le minimum syndical d’un film de vampires (genre que Condon dit particulièrement apprécier) et il aura fallu attendre le quatrième Twilight pour en avoir un peu, ce que même le réalisateur de Hard Candy et de 30 jours de nuit n’avait pas su nous donner dans Twilight : Hésitation. De l’histoire de ce Twilight : Révélation, « Bill en aimait les aspects horrifiques, ce qui est assez osé vu que la saga est connue pour son coté sentimental », dit le producteur. Armé d’un solide sens esthétique (cf. Dreamgirls ou même Candyman 2) qui lui permet de créer des images fortes (ce dont les réalisateurs des précédents Twilight étaient incapables), Condon fabrique quelques belles visions cauchemardesques et mène un climax aussi tendu (ce qui est rare, dans un Twilight) que douloureux, sanglant et limite crade (mais soi-disant « sans tomber dans le grotesque », ce qui reste discutable...), avec une Bella agonisante le ventre ouvert. Cette séquence d’accouchement, certes moins gore que dans le roman puisque le point de vue adopté est ici celui de Bella (ce qui justifie qu’on ne voit pas grand-chose), aura failli valoir au film une interdiction aux moins de 17 ans aux Etats-Unis, mais il se contentera d’un PG-13 (il est vrai que cet opus est plus corsé que les précédents). Le climax, chargé en évènements brusques, contient également l'affrontement contre les loups-garous, la transformation de Bella en vampire (qui dure ici quelques secondes alors que dans le roman ça tient sur 3 jours, retraçant tous les détails sensitifs de la transformation) puis la réanimation post-mortem.
Devant la caméra de Bill Condon, les loups-garous (visuellement classes bien qu’en CGI) semblent tout droit sorti d’un vieux film d’épouvante de la Universal, plus grâce à la lumière de Guillermo Navarro qu'aux effets spéciaux de John Bruno ; on est loin du coté Monde de Narnia d’un Twilight : Tentation (en même temps, avec le réalisateur de A la Croisée des mondes : La boussole d'or, faut pas s'étonner...), d’ailleurs ici les loups-garous parlent sans mouvements des babines (ça fait moins film d’animation). En témoigne sa filmographie, qu’il explore les origines du boogeyman Candyman ou la psychologie du metteur en scène culte de Frankenstein, Condon a toujours été fasciné par les mythes et les monstres, et c’est en partie ce qui a du l’attirer dans la réalisation de ce quatrième Twilight (qui mêle vampires et loups-garous, deux grands mythes du cinéma fantastique). Il pose d’ailleurs rapidement sa note d’intention lors d’un flashback rétro (on se croirait presque revenu à la Hammer ou même dans le Dracula de Coppola) dans un cinéma projetant La Fiancée de Frankenstein de James Whale, un joli clin d’œil à Ni Dieux ni Démons mais aussi et surtout à l’histoire similaire de ce Twilight 4 (dégouté de lui-même, le vampire Edward crée malgré lui une fiancée à son image). Condon développe ainsi une atmosphère intéressante naviguant entre les ruptures de ton (c'est tantôt gai et lumineux, tantôt triste et sombre), pour ce qui s’impose comme l’opus le plus relativement violent (tant physiquement que psychologiquement) de la franchise jusqu’ici. Même le générique de fin, décalé et punchy, joue la carte rock’n’roll et horrifique, avant de révéler une dernière séquence-cliffhanger dopée à l’humour noir british (ha ces Volturi). Bill Condon lui-même résume assez bien son film, « un grand mélodrame hollywoodien à la Minnelli qui serait aussi un film d’horreur ».
En revanche, Bill Condon n’est pas un cinéaste de l’action. Là ou il y avait dans chacun des trois précédents films quelques scènes d’action, certes pas terribles, il n’y en a quasiment aucune dans cette première partie de Twilight : Révélation pourtant budgétée à 127 millions de dollars (!!). Autant d’argent pour si peu d’action et d’effets spéciaux (il y en avait plus dans le premier film, qui ne coutait que 37 millions), c’est un mystère (faut dire que depuis le premier film, les cachets des acteurs ont considérablement augmenté), mais la deuxième partie devrait être plus généreuse (et donc largement dépasser les 127 millions de dollars de budget). Les rares moments d’action de ce Twilight, la course dans les bois pour semer les loups-garous ou l’affrontement final devant la maison entre les vampires et les loups-garous, sont montés à la serpe et n’ont rien de spectaculaires (le dernier affrontement est totalement illisible), les CGI étant d’ailleurs moins nombreux (mais de qualité, car tout de même élaborés par le grand John Bruno, oscarisé pour son travail sur Avatar) que dans les autres films (on retiendra seulement le débat houleux entre les loups-garous, lorsqu’ils décident d’aller trucider Bella et que Jake s'impose).
Pourtant, on s’ennuie moins dans Twilight : Révélation 1ère partie que dans les précédents films (si ce n’est peut-être le premier, qui intriguait et dégageait un charmant parfum de teen movie redneck), peut-être parce qu’il s’y passe plus d’évènements hors-action (le scénario avance plus vite, les enjeux sont bien plus importants), et surtout parce que Bill Condon maitrise parfaitement les genres abordés qui sont ceux de la saga. A vrai dire, l'action ici comme dans les autres Twilight serait plutôt d'ordre sentimental, tant chaque émotion est exacerbée et chaque situation amoureuse transformée en dilemme ou en défi, procédé typique du mélodrame hollywoodien. Et si les précédents opus comblaient les vides par des scènes d'action, c'est peut-être justement parce qu'ils manquaient de matière, faisaient du sur-place et n'avaient pas grand-chose à raconter. Dans Twilight 4, ça bouge enfin dans l'intrigue, à tel point qu'il n'y a plus besoin de scènes d'action visuellement laides en guise de bouche-trous narratifs. « Une bonne partie de ce qui se passe dans les épisodes précédents trouve ici son aboutissement », dit Condon, qui avait d’ailleurs déjà été contacté pour Tentation et Hésitation. « Au cours d’un seul long-métrage, Bella se marie, fait l’amour pour la première fois, tombe enceinte, donne naissance à son enfant, meurt et renait en vampire. Et ce n’est que le premier film ! ». De plus, là ou le récit des deux précédents Twilight (le tout premier étant plus simple) passait d’un personnage à l’autre, multipliant les sous-intrigues aussi peu captivantes que l’intrigue principale, Twilight : Révélation 1ère partie est complètement recentré sur le trio de base Bella/Edward/Jake. Le récit se resserre en effet sur une poignée de personnages et il n’y a au cours du film que trois lieux d’action (le mariage à Forks, la maison sur l’île vers Rio et la villa des Cullen à Forks) ; les personnages et les unités de temps et de lieu rapprochent ainsi Twilight 4 d’une pièce de théâtre (pas étonnant de la part de ce cinéaste), ce qui renforce inconsciemment l’aspect tragique de l’histoire. La plupart du temps les personnages vivent en autarcie, enfermés dans un huis-clos aussi bien matériel que mental, ce qui instaure un sentiment général d'oppression et d'anxiété (surtout pendant la deuxième heure) tout en développant la psychologie des protagonistes. Il n’y a que trois points de vue ici, celui (intérieur) de Bella étant relayé par ceux (extérieurs) de Jake et Edward lorsqu’elle se retrouve alitée (mais Condon revient au point de vue de Bella pour la scène de l’accouchement). Le film « se concentre moins sur évènements extérieurs mais se focalise plutôt sur l’évolution des personnages, sur ce qu’ils ressentent et ce qui les lie les uns aux autres », précise très justement Taylor Lautner.
De Candyman 2 à Dr. Kinsey en passant par Ni Dieux ni Démons, Bill Condon (qui a fait des études de philosophie) est plutôt doué pour insuffler de la psychanalyse dans ses sujets par le biais de personnages qui s'y prêtent (il n'y a d'ailleurs pas boogeyman plus psychanalytique que le Candyman), ce qui lui permet d’étoffer un peu les protagonistes si lisses de Twilight. Il multiplie ici les symboles, explore le thème du désir et se lâche dans quelques scènes oniriques. Quand il ne met pas en scène des hommes ambigus questionnant leur sexualité (Kinsey, Whale, et même Edward Cullen), Condon met en avant des femmes fortes : Kelly Rowan dans Candyman 2, les Dreamettes de Dreamgirls, les soeurs du thriller Sister, Sister (son premier long métrage, avec Eric Stoltz et Jennifer Jason Leigh) et ici la Bella Swan de Twilight. « Le fait que le protagoniste soit une héroïne et non un héros » fut d’ailleurs important pour le réalisateur qui, avec ces personnages de jeunes paumés et cette combinaison 2 garçons, 1 fille, 3 possibilités, peut prolonger sa thématique de la sexualité. Dans ses films, les personnages enquêtent sur leur propre sexualité, sur leur nature. Bill Condon n’hésite pas à mettre en scène un Jacob viril débarquant en renfort d’un Edward impuissant et humilié incapable d'honorer sa femme ni de la protéger.
A l’instant des derniers Harry Potter, Twilight : Révélation apparait comme plus mature, dans la continuité de l’évolution des personnages à travers une saga qui n’est rien d’autre qu’une métaphore pas toujours fine des désirs, instincts et fantasmes adolescents, hélas noyés dans une morale très puritaine (pas de sexe avant le mariage, le bébé après le mariage...). Mais l’allégorie adolescente, très courante dans le film de vampires, vire à la réflexion sur les sacrifices de la maternité (Bella prête à mourir pour que son bébé naisse). Twilight 4 marque le passage à l’âge adulte, la découverte de la sexualité (Bella apprend à user de ses atouts charme), la fondation d’une nouvelle famille. Prête à se sacrifier pour défendre cette dernière, l'adolescente rebelle et introvertie d'autrefois devient ici une femme, une épouse et une mère (et une vampire), quittant le foyer parental pour vivre avec un homme. On la voit ici enfin profiter pleinement de la vie, puis mourir. Bella veut vivre comme une femme normale malgré sa situation tout sauf normale, ce qui a quelque chose de tristement pathétique (on notera que tous les personnages ici sont impuissants). Elle ne semble pas tenir plus que ça à devenir une vampire, parce que le poulet, c’est quand même meilleur que du sang frais (c’est un peu tout ce qu’il y a à comprendre lorsqu’une scène consiste à montrer Bella savourer des cuisses de poulet, moment à priori anodin qui sert tout de même à amener une scène de révélation importante), peut-être aussi parce qu’elle n’a pas encore gouté de sang frais (suspense, va-t-elle kiffer boire du sang ?). Dans sa quête vaine d’une vie normale, notre Bella veut donc passer sa nuit de noces en tant qu’humaine malgré les risques encourus, et insiste pour garder le bébé qui va la tuer, ce qui permet d’ailleurs à Bill Condon de détourner une situation commune du couple en crise (faut-il garder le bébé ?). La partie grossesse est relativement éprouvante dans le sens ou Bella y vit ses derniers jours en tant d’humaine (le flashback ou elle voit défiler toute sa vie est assez fort, même si le procédé est archi-éculé), avant de mourir pour renaitre en vampire (d’où un dernier plan assez drôle, comme tous les derniers plans de chaque Twilight). Il n’est cependant pas interdit non plus de voir en Twilight : Révélation 1ère partie une pointe de racisme (notamment dans cette grossesse « contre-nature » et monstrueuse qui fragilise la trêve entre les vampires Cullen et les loups-garous, d'autant plus que les vampires blancs comme neige vivent dans une villa et que les lycanthropes sont des indiens reclus dans la forêt) et de misogynie, les livres de Stephenie Meyer (une ancienne mormone, ça ne s'invente pas) prônant à la base des valeurs plus que traditionnelles et puritaines (Twilight 4 est d’ailleurs clairement anti-avortement). Lorsqu'il veut se prendre au sérieux, Révélation 1ère partie verse également dans la réflexion existentialiste à la Terrence Malick, notamment lors du flashback ringard de Jacob.
Devant la caméra d’un directeur d’acteurs aussi expérimenté que Bill Condon, qui aura offert des rôles en or à Ian McKellen ou Liam Neeson puis aura même permis à la mauvaise Jennifer Hudson de remporter un Oscar et à Eddie Murphy d'être nominé pour un Meilleur second rôle, les acteurs de Twilight n’en sont que meilleurs et peuvent enfin s’épanouir, mention à Kristen Stewart, qui elle-même a acquis de l’expérience depuis le premier film (elle est brillante dans Welcome to the Rileys de Jake Scott ou Les Runaways avec Dakota Fanning). La Stewart minaude toujours autant (le personnage est par ailleurs génialement parodié dans le débile Mords-moi sans hésitation) mais elle se décrispe, elle fait moins la gueule, elle a l’air plus assurée à l’image de son personnage devenu mature. On a plus envie de la réveiller à coups de claques comme c’était le cas pendant trois films, dans lesquels elle avait l’air léthargique, amorphe, complètement éteinte et paumée. A croire que Bella Swan avait vraiment besoin de se faire BIIIIIPP pour se décoincer un peu et enfin commencer à vivre. Les enjeux autour de son personnage étant bien plus lourds et complexes qu’auparavant (il ne s’agit plus seulement de choisir entre deux mecs), l’actrice est plus impliquée et livre une honnête prestation dramatique, convaincante également dans la comédie (cf. au Brésil). Elle peut passer de la comédie au drame avec aisance et sans trop en faire, ce que Bill Condon exploite pour souligner les ruptures de ton : pendant une heure Bella apparait plus belle, séduisante et sexy que jamais (et plus joyeuse aussi), puis se révèle l’heure suivante plus enlaidie et maladive qu’on ne l’a jamais vue (pâle, émaciée, amaigrie, cheveux gras…la transformation physique est crédible et ferait presque mal au cœur). C'est aussi l'occasion d'assister à un délectable festival Bella : Bella en petite culotte, Bella en débardeur, Bella en nuisette, Bella en bikini, Bella nue (mais ne rêvez pas, la caméra s'arrange toujours pour cacher cette nudité)...Les fans de l'actrice devraient être aux anges, les petits pervers aussi même si ça reste timide (mais ce qui est timide ailleurs devient osé dans un Twilight).
Quoique toujours aussi mou et maussade, Robert Pattinson, très mauvais dans les Twilight et pourtant très bon ailleurs (les mélodrames Remember Me et De l’eau pour les éléphants), a lui aussi décidé de se retirer son balai du BIIIIIPP et de jouer plus franchement, plus souriant et plus naturel, formant un joli couple avec Kristen Stewart (ils sont d’ailleurs devenu un vrai couple dans la vie, ce qui explique en partie cette complicité plus naturelle) bien que son personnage soit toujours aussi énervant (« Nique-la !! », a t-on envie de lui crier pour qu'il se bouge un peu). Désemparé et impuissant face à la lente agonie de son épouse, Edward Cullen gagne en épaisseur en étant confronté à un lourd dilemme (laisser mourir Bella ou en faire un vampire). Taylor Lautner, qui aura raté sa tentative de devenir une action-star en passant à coté de The Expendables 2 et en tenant la tête d’affiche du navrant Identité secrète de John Singleton, joue toujours de la même façon (fier, animal, agressif), mais son personnage, devenu aigri et cynique (cf. son discours sur la plage), gagne en intérêt, puisqu’il doit s’initier au milieu du couple Bella-Edward pour la protéger, se révélant prêt à se sacrifier pour une femme qui en a choisi un autre. Résigné, Jacob Black prend du recul et des décisions (il quitte son cocon familial pour devenir son propre chef) et acquiert lui aussi de la maturité, allant jusqu’à s’associer avec les Cullen pour protéger Bella, s’intégrant ainsi sans s’en rendre compte au sein d’une famille (un loup-garou chez les vampires, un peu comme dans un Underworld). On retrouve une trace de l’amitié qui unit Edward et Jacob, malgré leur rivalité plus tendue que jamais (l’un est même prêt à tuer l’autre si Bella meurt), et malgré le fait qu’ils n’ont vraiment rien en commun (si ce n’est Bella), ce qui provoque d'ailleurs plusieurs pointes d'humour.
Il n’y a quasiment pas de nouveaux personnages (si ce n’est les ridicules blondes du clan Denali, dont la pauvre Maggie Grace), et les personnages secondaires sont mit à l’écart (Esme, Emmett et Jasper sont complètement transparents, et même le charismatique Carliste/Peter Facinelli a l’air absent, y compris quand il se bat alors qu'il est justement l'un des rares à prendre part à l'action), ce qui n’est pas grave puisqu’on les connait déjà bien. Se démarquent cependant le père (Billy Burke, de 24 heures chrono) et la mère (Sarah Clarke, de 24 heures chrono aussi) de Bella, le premier résigné (mais toujours aussi drôle et attachant) et la seconde emplie de joie. Et la vampire Alice (Ashley Greene), la seule des Cullen à avoir un peu plus de présence à l'écran, est toujours aussi mignonne (c’est un peu l’ange-gardien de Bella, d’ailleurs c’est sur elle que le film s’ouvre et quasiment sur elle aussi qu’il se clôture).
Jouant avec le roman-photo feuilletonesque, Bill Condon assume donc pleinement le mélo désuet à l’ancienne et en reprend l’esthétique romanesque : mise en scène élégante, ample et posée, Cinémascope flamboyant, tournage en décors naturels (y compris les intérieurs, tournés à Bâton Rouge en Louisiane), paysages magnifiques (Brésil, Canada, les îles Vierges britanniques…) survolés en une série de plans larges de toute beauté, superbe photo contrastée et éclatante de couleurs (même dans le sombre) signée Guillermo Navarro (le chef opérateur attitré de Guillermo Del Toro et de Robert Rodriguez), prod design classe (la villa des Cullen, les loups-garous, les flashbacks rococo...), musique intense de l'excellent Carter Burwell (le compositeur récurrent des frères Coen, qui était déjà sur le premier Twilight) qui s'impose comme le meilleur compositeur de la saga (devant les pourtant géniaux Alexandre Desplat et Howard Shore), morceaux pop-rock du plus bel effet (bien qu’ajoutant un coté clip vidéo, qui a toujours été présent dans les Twilight)...Tout est vu en grand dans un cadre intimiste (cf. la séquence du mariage, excentrique, une centaine de figurants, une déco kitsch…), mais le réalisateur reprend également le coté contemplatif voire méditatif des opus de Catherine Hardwicke et David Slade, ainsi que l'ambiance crépusculaire qui fait une partie du charme de la saga (ce sont des films d'ambiance). Au fil d'images douces et feutrées, dans le contexte dépaysant d'une Amérique profonde fantasmée qui confère une atmosphère très particulière au récit, Twilight : Révélation est très agréable à suivre, même si l'on accroche pas à l'histoire. Avec une telle équipe de prestige (Condon, Burwell, Navarro, John Bruno…) et d’ailleurs en grande partie oscarisée, Twilight : Révélation 1ère partie s’impose comme l’opus le plus artistiquement réussi de la franchise. C'est propre (trop) et appliqué, à part pour quelques fautes de goût dans le montage (beaucoup de faux raccords, des effets rudimentaires et rébarbatifs lors des flashbacks et un combat final incompréhensible). Bill Condon se contente certes de suivre les codes instaurés dés le premier film, mais il les amplifie et leur apporte une épaisseur supplémentaire, un peu plus de vie (Bella y a l’air plus vivante que jamais alors que, paradoxalement, elle y meurt), imposant son style (classique, romanesque) comme l'ont fait les autres réalisateurs sur leur Twilight respectif (s'ils parlent tous de la même chose avec les mêmes acteurs et les mêmes décors, chaque opus a son rythme particulier, son ambiance, sa tonalité, son style...). Twilight 4 est même narrativement très différent des précédents, plus fluide et plus resserré. Le fait que Condon soit, comme toujours, son propre scénariste (ici en collaboration avec Melissa Rosenberg), apporte énormément au film, qui en ressort moins crétin, moins simplet et plus nuancé que les précédents films. Si chaque Twilight se prête facilement aux moqueries (beaucoup y vont d’ailleurs pour s’amuser), il ne faudrait pas bouder son plaisir juste pour faire bonne figure (et oui, ça fait pas très cinéphile ni très intello d’aimer les Twilight), et il n'est pas interdit de se prendre au jeu. Autant apprécier ces films pour ce qu’ils sont, avec leurs codes et leurs clichés complètement assumés (jusque dans les affiches, très kitsch). Les midinettes seront captivées par le premier degré, les autres savoureront le second degré, ceux qui restent se reposeront tranquillement devant de belles images en écoutant une jolie musique...
La conclusion de Jonathan C. à propos du Film : Révélation 1ère partie #4 [2011]
Cinéaste de genre passé à l’académisme classique (de Candyman 2 à Dreamgirls, il y a de la marge), Bill Condon assume complètement la carte du mélodrame lyrique à l’ancienne (l’âge d’or d’Hollywood n'est pas loin, toutes proportions gardées) et de la comédie romantique moderne (cf. toute la partie du voyage de noces) sans pour autant renier les éléments horrifiques ou érotiques liés au mythe du vampire (il y a ici un peu de sexe et de sang !). Ce passionné des genres hollywoodiens d’autrefois et des films de vampires (le mélange parfait pour un Twilight) ajoute surtout beaucoup d’humour (il y en avait déjà une dose dans les opus de Catherine Hardwicke et David Slade) et un délicieux second degré anti-mièvrerie qui pourrait même convaincre les pires détracteurs de la saga. Cette première partie de Twilight : Révélation est plus drôle (volontairement, cette fois), plus osé (avec une Bella en mode allumeuse, une scène de sexe endiablée et une séquence d’accouchement étonnement sordide), plus beau sur tous les points (dans la forme comme dans le fond), et il s’en dégage un charme étonnant, charme certes désuet mais entier. Une jolie surprise, dans les limites d'un Twilight...
On a aimé
- Le souffle romanesque du mélo lyrique à l'ancienne
- Le coté comédie romantique, l'humour, le second degré
- Le genre du film de vampires plus assumé (sang, sexe...)
- La beauté esthétique, la musique...
- Une Bella sexy !
On a moins bien aimé
- Quasiment pas d'action
- Peu d'effets spéciaux
- Personnages secondaires zappés
- Edward Cullen toujours à claquer
- C'est quand même bien con
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