Critique Le Loup-Garou [1945]
Avis critique rédigé par Bastien L. le mardi 2 janvier 2024 à 09h00
Le Loup-Garou de l'ombre
Avec tout le respect que l'on doit aux grands classiques du cinéma d'horreur, il faut néanmoins parfois être lucides et voir qu'ils peuvent avoir pris un sacré coup de vieux comme Le Loup-Garou version 1941.
Ce long-métrage américain est évidemment à remettre dans le contexte de l'âge d'or des productions horrifiques et fantastiques des studios Universal débuté au début des années 1930 via des classiques tels que Frankenstein, Dracula ou La Fiancée de Frankenstein... Le mythe du Loup-Garou avait par ailleurs déjà connu une adaptation dès 1935 avec Le Monstre de Londres ayant connu un succès relatif entraînant ainsi une nouvelle version complètement déconnectée en 1941. Le projet est confié à George Waggner qui va produire et réaliser cette nouvelle version après avoir fait quelques westerns et autres polars depuis la fin des années 1930. Il sera épaulé par le romancier et scénariste germano-américain Curt Siodmak ayant écrit les scénarios de F.P.1 ou Le Singe tueur avant de travailler sur Le Loup-Garou. Un apport qu'il est important de noter car c'est réellement ce film qui va populariser la figure du Loup-Garou au cinéma tout en proposant toute une mythologie largement reprise par la suite (contamination par morsure, transformation physique impressionnante et importance de l'argent pour l'éliminer...). Il faut aussi noter la présence dans l'équipe technique du génie des effets maquillage Jack Pierce qui avait sublimé des films tels que Frankenstein, La Momie et Le Monstre de Londres déjà... C'est par ailleurs l'acteur américain Lon Chaney Jr. qui va se prêter à l'exercice du maquillage pour donner vie au lycanthrope. Pour l'anecdote, il s'agit du fils de Lon Chaney, autre grande figure du cinéma d'épouvante notamment dans la version de 1925 du Fantôme de l'Opéra. Le Loup-Garou est ainsi sorti aux Etats-Unis fin 1941 devenant un succès très important quand bien même il sortit le lendemain de l'attaque sure Pearl Harbor. Un contexte de Seconde Guerre mondiale expliquant que le film soit sorti en France seulement durant l'été 1945.
Se déroulant au Pays-de-Galles, Le Loup-Garou voit l'héritier aristocrate Larry Talbot (Lon Chaney Jr.) revenir chez lui auprès de son père Sir John Talbot (Claude Rains) après la mort de son frère aîné. Il va devoir assumer son rôle d'héritier et se rapprocher de son père qu'il avait quitté en mauvais termes. Voulant redécouvrir les lieux où il a grandit, Larry fait la connaissance de la fille de l'antiquaire Gwen Conlife (Evelyn Ankers) dont il tombe amoureux. Cette rencontre coïncide avec l'arrivée en ville de caravanes de gitans dont le diseur de bonne aventure Bela (Bela Lugosi) que souhaite rencontrer Jenny (Fay Helm) accompagnée de Gwen et Larry. Malheureusement, la rencontre se passe mal quand Jenny semble poursuivie par un loup que Larry est obligé d'éliminer avec sa canne en argent non sans avoir été mordu par la bête féroce. Le lendemain, le corps sans vie de Jenny est retrouvé, sa jugulaire arrachée tandis que non loin le cadavre de Bela est aussi découvert le crâne fracassé. Larry ne comprend pas vraiment ce qu'il s'est passé d'autant plus que sa morsure a disparu... Alors que toute la ville semble connaître les vieilles légendes concernant des loups-garous, Larry apprend de la gitane Maleva (Maria Ouspenskaya) qu'il en est un...
Comme les autres grands classiques de l'horreur Universal des années 30-40, Le Loup-Garou est un film assez court puisque ne dépassant pas les 70 minutes. Ce qui est de mon point de vue le principal défaut de ces classiques que cela soit Dracula, Le Chat noir ou La Fiancée de Frankenstein car on a une lente (et souvent très efficace) installation de l'intrigue suivie d'une fin vraiment trop précipitée. C'est encore le cas ici avec un scénario qui prend le temps de présenter ses personnages comme de nous plonger dans une ambiance étrange où la suspicion et la panique montent lentement jusqu'à un déroulement éminemment tragique mais encore une fois précipité. Le Loup-Garou n’apparaît que dans trois séquences malheureusement. Le rythme est aussi assez lent pour nos habitudes actuelles avec beaucoup de palabres faisant parfois un peu répétition. Bref, on a du mal à vraiment se passionner pour l'intrigue étant parfois trop facile dans ses enchaînements. Sans mentionner le fait que Lon Chaney Jr. est censé jouer le fils de Claude Rains alors que le premier a seulement 7 ans de moins que le second...
Outre sa structure très classique, l'histoire déçoit aussi par son manque de profondeur, de symbolisme propre à un large pan du cinéma horrifique. Il y a bien ici l'idée de l'affrontement entre l'esprit cartésien des hommes importants de l'époque (dont le père Talbot) face à l'élément fantastique de la lycanthropie. On peut aussi noter que Curt Siodmak , juif ayant fuit l'Allemagne nazie, voulait parler de la précarité de la vie où tout peut basculer du jour au lendemain sans oublier le symbole funeste de l'étoile marquant les futurs victimes des loups-garous comme un écho à celles que les juifs européens durent porter. Enfin, si l'on souhaite surinterpréter, on peut aussi y voir une critique de l'aristocratie qui se sert du peuple comme un prédateur que cela soit une femme promise à un autre ou l'exploitation des classes populaires à travers les attaques du Loup-Garou.
Pour ce qui est dans son ambiance, le film nous plonge clairement dans l'étrange. Il est difficile de vraiment le dater comme de le situer car il mélange automobiles très modernes, lords anglais, gitans étrangers, village classique, bois sombres et brume omniprésente. Une ambiance pseudo-européenne et fantastique faisant la marque des films d'horreur Uniervsal de la grande époque. Une ambiance étrange prolongée par un flore apparemment local où tout le monde semble connaître les légendes entourant les loups-garous mais où personne ne semble donner crédit à cette thèse quand les preuves ne font que s'accumuler. Cela permet évidemment d'aborder de manière classique le fantastique avec l'apparition d'un monstre dans une univers connaissant une banale réalité avant de plonger dans l'horreur. Et pour parachever la volonté de tisser une ambiance étrange, il y a la présence des gitans qui semblent détenir quelques pouvoirs magiques affichant leurs différences tout en étant plutôt bien intégrés à la communauté locale. Pour ce qui est de ses décors, le film bénéficie des studios Universal notamment son « village européen » pouvant être remodelé selon les productions. S'ils s'avèrent efficaces, les décors manquent quand même beaucoup de profondeur peinant notamment à donner l'illusion d'une vaste forêt. Mais cela serait chipoter devant l'évidente qualité d'une production notamment en ce qui concerne ses maquillages. Le travail de Jack Pierce est une nouvelle fois très impressionnant même si, naturellement, le métrage accuse ses plus de 80 ans. Lon Chaney Jr. a du apparemment passer près de 6 heures pour un résultat assez bluffant où l'homme et la bête se mélangent radicalement offrant au cinéma son premier grand loup-garou.
Ce que tout le monde semble adorer dans les films de loups-garous, se sont évidemment les transformations étant ici les passages où la mise en scène se fait la plus ambitieuse. Les fondus enchaînes devaient être très impressionnants pour l'époque mais encore une fois, beaucoup d'eau à couler sous les ponts depuis. De même que le film ne fera pas vraiment peur à grand monde actuellement. D'un point de vue personnel, j'ai plus apprécié le métrage comme un jalon historique et essentiel du cinéma fantastique mais sans plus. Le reste de la mise en scène de George Waggner est par ailleurs assez classique pour ne pas dire plutôt sobre (peu de mouvements de caméras) jouant beaucoup sur le hors-champ tout en mettant beaucoup en lumière ses comédiens. On peut néanmoins être plus émerveillé par le magnifique noir et blanc du film qui offre de beaux jeux de lumière. C'est d'autant plus appréciable tant les versions Blu-Ray du film sont de magnifiques copies. Pour ce qui est des acteurs, Lon Chaney Jr. (Des souris et des hommes, L'Échappé de la chaise électrique....) est assez charismatique arrivant bien à retranscrire la perte de repères progressive de son personnage. Son interprétation bestiale du Loup-Garou est aussi convaincante. A ses côtés, Claude Rains (L'Homme invisible, Les Aventures de Robin des Bois....) démontre une nouvelle fois le grand comédien qu'il était. Le reste du casting est au diapason en faisant correctement le job que cela soit l'immense Bela Lugosi dans un petit rôle ou la charmante Evelyn Ankers en partenaire puis victime traquée.
La conclusion de Bastien L. à propos du Film : Le Loup-Garou [1945]
Le Loup-Garou est un classique de l'horreur/épouvante qui a malheureusement subi les affres du temps. Aujourd'hui on peut y voir un film trop bavard, trop sobre, trop classique comme trop précipité. Une œuvre pourtant iconique du cinéma fantastique popularisant comme aucune autre le mythe du Loup-Garou jusqu'à aujourd'hui. On peut néanmoins saluer la qualité des effets spéciaux, la beauté du noir et blanc et le talent de ses comédiens.
On a aimé
- Un classique de l'horreur Universal
- Un magnique noir et blanc
- La naissance du mythe Lon Chaney Jr.
On a moins bien aimé
- Cela a pris son coup de vieux
- Une fin trop pécipitée
- Un poil bavard
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