Critique Le Dernier Atlas - Tome 1 [2019]
Avis critique rédigé par Bastien L. le lundi 25 mars 2024 à 09h00
Appelez-le Ismaël
Projet très ambitieux d'uchronie à la française, Le Dernier Atlas tient largement ses promesses grâce à de nombreuses qualités mais aussi une forme assez originale.
D'abord, ce Tome 1 est un objet qui détonne un peu quand on se figure la bande-dessinée franco-belge et ses formats assez minces en 23cm x 32cm avec une quarantaine voire une cinquantaine de pages. Pour Le Dernier Atlas, il s'agit d'un format certes plus tassé (21x27) mais surtout d'un pavé de 230 pages témoignant de l'ambition de son scénariste principal Fabien Vehlmann. Ce Français ayant une carrière de scénariste de bandes-dessinées de près de 20 ans est notamment connu pour sa série post-apo Seuls ou sa participation aux aventures de Spirou et Fantasio ainsi que de nombreux autres projets. Parmi ces derniers, Le Dernier Atlas a mis 12 ans avant de se concrétiser. Après un faux départ avec un dessinateur espagnol puis la volonté de le publier dans la revue Professeur Cyclope dont il fut l'un des fondateurs avant que cette dernière ne connaisse une durée trop éphémère (2013-2015). Néanmoins, cela eut un impact sur le chapitrage très marqué du récit (puisqu'il devait initialement paraître en feuilletons) et c'est avec d'autres créateurs de la revue que le projet se concrétisa enfin. En effet, si Vehlmann en est le créateur et le scénariste principal, il est néanmoins aidé par Gwen de Bonneval (Messire Guillaume...) tandis que les dessins sont confiés à Hervé Tanquerelle (Lucha Libre, Les Voleurs de Carthage...) qui n'étant pas des plus à l'aise avec la science-fiction a été aidé par Fred Blanchard (Tao Bang, Jour J...) notamment pour les designs. Le tout donne une œuvre s'inspirant autant de l'Histoire comme de la société française mais aussi de nombreuses œuvres incluant des robots géants. A savoir qu'il s'agit d'une trilogie démarrée en 2019 puis ayant connu un tome par an parus chez Dupuis.
Se déroulant apparemment de nos jours, l'intrigue met en scène le truand Ismaël Tayeb bras droit d'un bonnet de la pègre nantaise s'occupant principalement de rançonner des cafés à l'aide de bornes d'arcade trafiquées. Un soir, le grand chef de l'organisation s'invite dans un club branché où il risque d'être arrêté. Ismaël doit l'exfiltrer mais le blesse durant l’opération. Cela entraîne sa convocation à Oran (en Algérie) où se terre d'ordinaire le chef mafieux qui lui demande de faire ses preuve en trouvant un moyen de récupérer puis vendre du matériel radioactif à des bandes armées subsahariennes. Pour cela, Ismaël à un plan : voler le dernier Atlas à savoir un robot géant, dernière relique d'un projet français ambitieux où des robots géants ont servi à reconstruire le pays après la Seconde Guerre mondiale tout en modernisant le territoire algérien retardant son indépendance. Malheureusement, un accident entraîna leur abandon et un seul reste encore intact en Inde. Ismaël va devoir monter une équipe pour le voler. Mais en parallèle, il se passe dans le désert algérien d'étranges phénomènes comme des milliers d'oiseaux s'y laissant mourir, des mutations génétiques semblables sur des espèces pourtant différentes ou des tremblements de terre à répétition. Des phénomènes qui semblent aussi avoir impacté Ismaël mentalement et dont le destin pourrait s'avérer bien plus important que prévu.
Si Le Dernier Atlas est une lecture hautement recommandable, cela vient d'abord de son histoire réellement accrocheuse. Elle n'est malheureusement pas sans défaut à commencer par son début assez longuet comme déroutant enchaînant énormément les points de vue et les péripéties. Un léger trop plein qui reste jusqu'à la fin nous faisant penser que le récit aurait pu gagner en efficacité en faisant l'économie de quelques sous-intrigues. De même, on a vraiment du mal à appréhender le temps qui passe dans ce récit au long cours. On comprend que des mois se sont déroulés mais on a peine à le ressentir. Malgré tout, l'intrigue réussit au fur et à mesure à nous prendre et nous empêcher de lâcher ses 230 pages grâce à une excellente montée des tensions, des enjeux comme des mystères nous intrigant sans jamais nous frustrer. Le côté feuilleton se ressent et est agréable tant Fabien Vehlmann et Gwen de Bonneval jouent sur nos attentes car les côtés SF comme uchronique prennent leur temps à transparaître avec quelques indices par petites touches. Pour le reste, l'intrigue est bien ficelée avec ce qu'il faut d'action comme de personnages principaux ou secondaires attachants à commencer à Ismaël mais aussi la journaliste Françoise spécialiste des Atlas, le grand chef mafieux un rien barré ou encore d'autres qu'on vous laisse découvrir.
Ce qu'on apprécie le plus dans Le Dernier Atlas c'est l'univers qu'il dévoile au fur et à mesure mélangeant parfaitement science-fiction via une uchronie d'un côté comme une réflexion sur la société française et son Histoire d'un autre côté. Cette idée d'une France des 30 Glorieuses où De Gaulle revient au pouvoir dès 1950 en modernisant le pays tout en pacifiant le pays via des robots géants (avant que des événements entraînent la fin des robots comme l'indépendance de l'Algérie) permet de rendre la décolonisation inéluctable comme ses crimes ainsi que les relations forcément compliquées entre Français et Algériens. Le tout est raconté sans manichéisme ni angélisme permettant d'aborder des sujets sérieux tels que la dette colonial, le racisme, l'esclavagisme, l'écologie ou encore l'islamisme. Le tout s'imbriquant complètement dans une intrigue globale qui est loin d'avoir révélé toutes ses ambitions comme ses enjeux. On suit ainsi l'ensemble avec un grand plaisir dans les pas d'Ismaël, un anti-héros attachant malgré ses défauts. On s'émerveille néanmoins à ses côtés face à ces robots incroyables dont les inspirations sont le Géant de fer, Goldorak mais aussi Le Roi et l'Oiseau qu'un personnage visionne même à la TV. On a donc hâte de plonger encore plus dans de la science-fiction, ce que semble promettre le tome 2.
Pour ce qui est des dessins, Hervé Tanquerelle est fidèle à son talent bien aidé ici par Fred Blanchard qui semble s'être occupé du design des robots tout en ayant supervisé son travail. Dans une approche voulu plus réalise, Tanquerelle garde quand même sa capacités à donner des vrais gueules à ses personnages les rendant toujours aussi expressifs aidant bien un scénario où les dialogues sont souvent directs et assez courts. Ses planches dépassant rarement les 6 cases permettent de fluidifier une lecture ne rappelant jamais la longueur d'un tome de 230 pages. Sa maîtrise des expressions des visages comme des corps en mouvement permet de donner plus de puissances aux émotions que l'on ressent lors de la lecture comme de donner du panache aux quelques scènes d'actions assez brutes. Son travail sur les décors est intéressant dans le sens où ils sont assez réalistes comme tangibles permettant de rendre l'aspect science-fiction plus impactant quand apparaissent enfin les robots géants. Le dessinateur nous offre aussi quelques pleines-pages vraiment sublimes grâce à son style si typique donc original. Enfin le travail sur les couleurs de Laurence Croix permet encore une fois de rendre l'ensemble très agréable via des couleurs chaudes qui flattent la rétine. Mais on retient aussi de nombreuses scènes où une couleur dominante permet d'apporter une réelle atmosphère que cela soit un night-club criard ou un sordide assassinat parisien.
La conclusion de Bastien L. à propos de la Bande Dessinée : Le Dernier Atlas - Tome 1 [2019]
Grâce à son premier tome, Le Dernier Atlas nous offre un récit de science-fiction français qui fera date si les tomes suivants transforment l'essai. Malgré un début assez poussif, on est au final pris admirablement dans l'histoire qui gagne en intensité et nous captive par son univers incroyable comme ses thématiques matures bien traitées. Alors si en plus les dessins sont aussi originaux que réussis...
On a aimé
- Une histoire qui prend magnifiquement de l'épaisseur
- L'aspect urchonique / robots géants
- Les dessins aussi beaux que stylisés
On a moins bien aimé
- Met un peu de temps à démarrer
- Trop de sous-intrigues
- Forcément un peu frustrant à la fin...
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