Critique Raya et le dernier dragon [2021]

Critique de la version française

Avec la sortie de Disney+, il a fallu que la firme aux grandes oreilles nourrisse la bête de contenus notamment avec ce qui a initialement fait sa gloire : les films d'animation. Les circonstances ont fait de Raya et le dernier dragon une exclusivité importante de la plate-forme.

En effet, ce long-métrage n'était pas initialement prévu pour sortir directement sur Disney+ mais arriver dans les salles au début de 2020 soit en pleine pandémie de COVID-19 qui changea donc les plans. A la base, il y a une idée venant du duo Bradley Raymond et Helen Kalafatic (la série de films La Fée Clochette...) autour des cultures d'Asie du Sud-Est reprise par les scénaristes Adele Lim (Crazy Rich Asians...) et Qui Nguyen puis  confiée aux réalisateurs Paul Briggs & Dean Wellins finalement remplacés par Don Hall & Carlos López Estrada  (même si Briggs reste crédité en tant que co-réalisateur aux côtés de John Ripa). Don Hall est depuis une quinzaine d'années un réalisateur sûr des studios d'animation Disney après Winnie l'Ourson (2011) ou Les Nouveaux Héros (2014) tout en ayant dépanné sur Vaiana (2016). Tandis que Carlos López Estrada vient du monde des clips en ayant aussi réalisé le drame plébiscité Blindspotting en 2018. Les deux hommes sont aussi scénaristes d'une production dotée d'un solide budget de 100 millions de dollars dont la fabrication fut grandement impactée par l'épidémie du Covid. Le film sortit en salles aux Etats-Unis en 2021 mais aussi sur Disney+ en même temps. Tandis que certains pays, comme la France, ne purent le voir au cinéma. Malgré ces problèmes le film connu un succès critique comme public limité mais réel.

Le film se déroule dans la contrée imaginaire de Kumandra où vivaient en harmonie humains et dragons avant que des esprits viennent semer la mort et la division. Ces Druun se nourrissent de l'essence vitale des êtres vivants les transformant en statues. Ils ont été vaincus par Sisu, le dernier dragon qui a ensuite disparu laissant derrière elle une pierre de dragon au pouvoir immense. 500 ans après, les humains sont divisés en plusieurs pays convoitant la pierre gardée par le pays du chef Benja, père de la princesse Raya. Il décide de convoquer les leaders de tous les autres pays pour retisser la paix et donc reformer Kumandra. Mais la jeune Raya accorda sa confiance à la princesse Namaari entraînant la division en plusieurs morceaux de la pierre et le retour des Druun. Chaque leader prend un morceau de la pierre dont Raya qui se voit confier le sien par son père s'étant sacrifié pour la sauver. 6 ans plus tard, Raya est bien décidée à sauver son père et le monde en parvenant à réveiller Sisu. Sa quête finale peut enfin commencer même si de nombreux dangers l'attendent tandis que Sisu s'avère une alliée surprenante et que sa confiance érodée envers l'humanité pourrait être un frein.

Si le film est globalement une réussite, son scénario est en revanche en demi-teinte. Pour un divertissement familial, le film tient la route avec une histoire bien rythmée qui réussit très bien à nous plonger dans un monde qui nous est inconnu tout en faisant bien vivre ses différents personnages principaux comme secondaires ainsi que les différents pays visités avec leurs particularités. Les péripéties s'enchaînent bien comme une incitation au voyage bien rythmée. Le film propose aussi des thématiques bien menées notamment basée sur la nature humaine où la haine et le ressentiment s'opposent au pardon et surtout à la confiance qui est mise en avant. Une confiance aveugle qui peut autant avoir ses avantages que ses aspects négatifs, une confiance qui peut mettre du temps à se confier ou l'absence de confiance comme un obstacle à la paix... Si parfois cette thématique frôle la naïveté, elle offre quand même quelques moments touchants dont la fin. Le film se veut aussi féministe dans le sens où il met surtout en avant des femmes guerrières (Raya et Namaari) complètement indépendantes et motrices du récit. Malheureusement, le scénario pêche par moments en étant trop classique ou avec des dialogues trop souvent plats que cela soit les interactions entre les personnages ou l'héroïne qui se parle à elle-même avec beaucoup de sarcasmes. L'impression d'avoir entendu ces dialogues 1000 fois... Enfin, l'humour s'avère aussi décevant car trop téléphoné ou ayant du mal à s'assumer. Un humour inefficace autant auprès des jeunes spectateurs que des plus vieux. Le film est bien meilleur quand il se prend au sérieux.

Heureusement que l'univers du film réussit lui à nous enchanter du début à la fin. Les différentes contrées présentées nous plongent dans les cultures de l'Asie du Sud-Est (des pays tels que le Laos, le Vietnam, la Thaïlande, l'Indonésie ou la Malaisie...) et offrent un réel dépaysement. On a le droit à une sorte de fantasy médiévale asiatique avec des lieux différents tels que des déserts, des monts enneigées, une grande ville marchande, de belles cités ou encore une nature luxuriante. Le tout habité par des créatures imaginaires assez impactantes comme Tuk Tuk accompagnant Raya et croisement entre un hérisson et un tatoo. Évidemment l'attraction principale reste Sisu, le dragon du titre qui est inspiré des Naga à l'apparence longiline rappelant le serpent et surtout liés à l'eau. Sisu s'avère aussi majestueuse que drôle offrant de belles surprises car elle acquiert différents pouvoirs en cours de route. Elle est souvent au cœur des plus belles séquences du film qui en proposent toujours de manière judicieuse mettant en lumière sa grande qualité artistique. Mais le film fonctionne aussi car il nous dépeint un monde froid à la limite du post-apocalypse avec des êtres humains ne devant leur survie qu'à la présence de l'eau repoussant les Drunn qui sèment la mort partout où ils passent impactant les personnages du film à commencer par Raya. Cela offre au film un surplus de mélancolie qui lui donne plus d'ampleur. Enfin le métrage mise aussi beaucoup sur l'action proche des films d'arts martiaux asiatiques. On a ainsi le droit à de nombreux affrontements au corps à corps à base d'armes blanches qui fonctionnent bien via de belles chorégraphies et une bonne lisibilité même si ces scènes manquent un peu de conséquences.

Le film est techniquement très abouti soutenant ainsi ses ambitions artistiques. Certes le début du métrage semble un cran en dessous avec un aspect plus froid que le reste. Mais sinon on est enchanté par la qualité de l'eau et autres effets, de la nature, des personnages (à la direction artistique faisant très Disney/Pixar) ou encore de la nourriture... Cela s'accompagne d'une très grande qualité d’animation propre au savoir-faire des studios Disney qui démontrent leur talent dans les animations faciales, les différentes créatures (dont la fluidité remarquable de Sisu) mais aussi les différentes scènes de combat qui en mettent plein la vue. Le tout est bien mis en avant par la mise en scène soignée de Don Hall et Carlos López Estrada qui savent autant réussir les passages rythmée qu'offrir une belle intensité dramatique à leur long-métrage. Le travail sur les lumières est aussi très soigné permettant de faire cohabiter sans problème une large palette de couleurs tout en offrant des ambiances bien différentes. Les réalisateurs jouent aussi beaucoup sur l'alternance des gros plans et des plans larges pour signifier les liens entre les personnages notamment liés à la confiance. Pour ce qui est du casting vocal français, il est de qualité grâce à des comédiens spécialisés dans le doublage dont Emilie Rault (parfaite en Raya) comme d'acteurs tels que Géraldine Nakache très convaincante en Sisu.

On vous le conseille si vous aimez Mulan, Abominable, Les Nouveaux Héros...