Avis sur Christine [1984]
Avis critique rédigé par Christophe B. le mardi 22 février 2005 à 23h49
Même pas peur !
La conclusion de Christophe B. à propos du Film : Christine [1984]
Christine, intelligemment, met l'accent sur le transformation psychique d'un jeune homme de 17 ans. Arnie, un lycéen tête en l'air, maladroit et sans cesse importuné pas les voyous de son école, qui reste sur le cul devant une voiture : une Plymouth Fury de 1957, répondant au doux prénom de Christine. Malgré les conseils avisés de son ami Dennis, il achète la vieille guimbarde et commence à la retaper. Déjà en pleine crise d'identité, voulant s'affirmer et s'épanouir, Arnie se consacre exclusivement à sa nouvelle voiture et se détache peu à peu du reste du monde. A force de travail la Plymouth, rutile comme au premier jour et son jeune propriétaire en ressort, lui aussi, métamorphosé. Arnie devient sûr de lui (il sort désormais avec Leigh, la plus jolie fille de l'école), mais il devient également possessif, vindicatif et cynique. On sent que Christine exerce un pouvoir maléfique sur le jeune homme. Elle bouleverse le comportement de son propriétaire et sa personnalité se métamorphose. Pourtant, à ce moment, la voiture demeure inerte, mais le regard désormais diabolique de Arnie en dit long.
Le film est très juste quant au changement progressif de la personnalité du héros, ce qui retient sans cesse l'intérêt. Son histoire d'amour avec la voiture intègre même les composantes habituelles du sentiment amoureux : Arnie consacre tout son temps à la voiture, il n'est plus vraiment lui, il se sent fort et capable de surmonter toutes les difficultés. Christine devient la seule "personne" qui compte dans sa vie et aucun individu ne se mettra entre eux. La voiture est, elle aussi, douée de sentiments. Et "entité féminine" qu'elle est, elle devient jalouse et tentera de supprimer Leigh, ne supportant pas de la voir avec Arnie.
La voiture est au centre du film de Carpenter. Dans sa première moitié, alors qu'elle est inanimée, tout ce qui se passe lui est lié. Puis, lorsqu'elle se réveille et prend vie, elle tire la couverture à elle pour devenir la seule star à l'écran. Et elle est évidemment à l'origine de toutes les scènes impressionnantes, que ce soit lorsqu'elle "s'auto-régénère" après sa destruction ou quand, brûlant comme une torche, elle continue à pourchasser un voyou.
Le scénario du film fait partie de ceux, bien fichus, qui ne dépensent pas toutes leurs munitions au bout d'une heure pour finir par lasser. Ici, dans un premier temps, le cinéaste nous captive avec le glissement de personnalité de son héros ainsi qu'avec le "mystère Christine". Plus tard et seulement plus tard, nous vivons la fureur dévastatrice de la Plymouth Fury. On ne s'ennuie pas un seul instant durant le film, mais ses limites viennent, peut-être, de sa linéarité : Quoique intéressant de bout en bout, Christine connaît peu de temps forts. S'il y a continuellement une certaine tension, on n'est jamais effrayé pour autant. Carpenter ne nous pousse jamais dans nos derniers retranchements, comme il l'avait fait sur The Thing, et c'est dommage.
A l'origine Christine est donc un roman de Stephen King. Il n'est pas très conséquent, en comparaison de certaines de ses oeuvres, mais cela reste un livre assez original (et King remet tout de même un manuscrit de 760 pages au producteur). Le romancier est coutumier des histoires originales, où le quotidien se retrouve bouleversé par un élément fantastique. Tous ses livres sont basés sur ce principe, et si l'on y regarde de plus près, on constate que les scénarios de John Carpenter fonctionnent un peu sur ce même schéma. Cependant, Stephen King a l'habitude de prendre le temps de planter le décor, de préparer l'action, et Christine (le roman) ne déroge pas à la règle. On comprend donc le dilemme des scénaristes devant ses romans: comment aller à l'essentiel, sans perdre l'âme de l'histoire. Il a fallu ôter des éléments du livre qui prenaient une place trop importante. Ainsi, le caractère de Arnie Cunningham est tout juste effleuré, ses relations orageuses avec ses parents sont moins prononcées que dans le livre et le rôle de Roland Lebay (l'ancien propriétaire, décédé, de la voiture) est presque totalement éclipsé. John Carpenter regrette aujourd'hui le choix qui a été fait concernant l'éviction de Roland Lebay et il déclare : "Christine n'effraie pas et la raison en est simple. J'ai fait une erreur en virant le cadavre de Roland Lebay du siège arrière de Christine. Il est vrai qu'à l'époque j'étais fatigué du gore, des squelettes et tout ça. Du coup, j'ai tout misé sur la voiture". C'est vrai que dans le livre, l'emprise graduelle de Roland Lebay sur Arnie était décrite de telle façon qu'on en frémissait.
Les effets spéciaux de Christine sont, comme de coutume chez Carpenter, très réussis. Les quelques "réparations spontanées" de la voiture sont exemplaires de ce point de vue, et ceci contribue sans aucun doute au magnétisme que dégage cette voiture diabolique. Lorsque Christine revient de ses sorties punitives et meurtrières, et qu'elle se régénère devant nos yeux, il est difficile de rester indifférent. Le malaise naît aussi chez le spectateur et l'impression que la voiture est indestructible ne fait pas que nous traverser l'esprit, elle y est bien présente durant tout le film.
Encore une fois, c'est John Carpenter qui donne au film cette force, qui donne à cette voiture son aura. Sa façon d'orchestrer les scènes et d'ajuster les plans est superbe. Mais John Carpenter utilise un autre de ses talents à la perfection : la musique. A la différence des autres cinéastes, il signe lui-même la musique de tous ses films, ou presque. Ce qui lui permet de souligner à la perfection ce qui doit l'être, par des notes simples mais toujours efficaces. Car la musique de John Carpenter n'est pas très compliquée, mais elle est d'une telle précision qu'elle va droit au but. On est très loin des envolées lyriques d'un John Williams. La musique de Carpenter est lourde et pèse de tout son poids sur le film. Quand je dis lourde, entendez imposante. Et même lorsqu'on se retape la BO sur sa chaîne, sans le film, l'effet est pour ainsi dire le même. Beaucoup de réalisateurs devraient en prendre de la graine. Carpenter, c'est la grande classe.
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