Critique Deep Water [2013]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le vendredi 27 avril 2012 à 15h57
Quand le roi Scorpion sent la marée
Si vous êtes, comme moi, un fan du cinéma de Brian Yuzna, vous vous rappelez surement que le dernier film réalisé en Europe par l’ancien co-fondateur de la défunte Fantastic Factory est La malédiction des profondeurs, qui narrait l’histoire d’une cité hantée engloutie sous les eaux d’un barrage. C’était il y a aujourd’hui sept ans, avant que Brian Yuzna n’entre dans une longue période de galère qui le mena de l’Espagne aux Etats-Unis (très brièvement) avant de s’achever en Indonésie, lieu où ce réalisateur producteur d’origine philippine décide enfin de fixer sa nouvelle maison de production : Komodo Films.
En 2008, Brian Yuzna met sur le marché la première production de Komodo Films. Takut : Faces of Fear, une anthologie composée de six sketches horrifiques, écrits et réalisés par des cinéastes locaux. Assez proche, par l’esprit, des anthologies thaï, le film se révèle un produit largement consommable et se vend d’ailleurs assez bien. Mais il faudra attendre encore deux ans pour que Brian Yuzna se décide vraiment à remettre le pied à l’étrier et trouve le financement nécessaire à la réalisation d’un long métrage digne de sa réputation. En 2010, il trouve un soutien par le biais de Fu Works, une compagnie de production néerlandaise qui parle en ce moment d’elle pour sa participation au film évènement Iron Sky. La mise en chantier d’Amphibious 3D pouvait enfin débuter.
Le scénario d’Amphibious 3D est le fruit du travail commun de Brian Yuzna et de John Penney, son ami de longue date et scénariste de qualité (il est l’auteur du script génial du Retour des morts-vivants 3). Sept ans après sa dernière œuvre espagnole, Brian Yuzna continue d’y exploiter le milieu aquatique puisque l’intrigue se déroule principalement sur une plateforme de pèche, dont le personnel se retrouve aux prises avec un monstre surgit des profondeurs. Mmouais, un pitch qui, avouons-le, apparait comme peu original tant il évoque tous ces monster movies se déroulant sur des plateformes pétrolières et autres stations de recherches océaniques. D’ailleurs, il est évident que le cinéaste était bien conscient du fait et qu’en connaissance de cause, il a tout misé sur les aspects exotiques de l’environnement dans lequel se déroule l’histoire.
Accompagnant la biologiste marine Skylar Shane (la comédienne néérlandaise Janna Fassaert), le spectateur découvre donc en même temps qu’elle le difficile milieu des plateformes de pèche indonésiennes, sur lesquelles travaillent dans une semi-servilité de jeunes employés, sous l’autorité de patrons aussi cruels que cupides. Sur l’une de ces îles artificielles, la jeune femme va faire la connaissance du fragile Tamal, qui la supplie de l’amener avec elle. Mais quand la discussion entre Jack Bowman, son skipper, et le boss de la plateforme tourne au vinaigre, elle n’a pas d’autre choix que de partir précipitamment et d’abandonner l’enfant sur sa prison flottante. Recommencent alors pour Tamal des journées de sévices et de privations. Mais ce que ne savent pas que le tyrannique Big Rudi et son acolyte américain Jimmy Kudrow, c’est que Tamal s’est vu, par ses ancêtres, léguer un terrible don : celui d’invoquer une monstrueuse créature abyssale…
Disons-le tout de go. Malgré tout le respect que j’éprouve envers Brian Yuzna, le scénario d’Amphibious 3D ne vaut pas tripette. Le récit, qui n’exploite absolument pas ses quelques éléments folkloriques – continent de Mu, malédiction ancestrale d’inspiration lovecraftienne - met trois plombes à démarrer (après un pré-générique style « footage » bourré de clichés mais cependant assez marrant) et comme les personnages ne présentent guère d’intérêt (les dialogues, de plus, sont vraiment mauvais), on s’ennuie sévère durant toute la mise en place de l’intrigue. C'est-à-dire durant une bonne demi-heure. Ensuite, quand le monstre, que l’on découvre progressivement, commence à éliminer un par un les occupants de la plateforme, cela devient plus intéressant, mais force est d’admettre que les attaques manquent sérieusement d’originalité et de puissance. Dans le registre du gore et du craspec, l’on a connu Brian Yuzna nettement plus culotté. Par contre, une chose qui n’a pas changé, c’est son incompétence en matière de direction d’acteurs. Il le prouve encore une fois en laissant les comédiens exprimer leur médiocrité, dans le sur-jeu ou l’atonie. Dans Amphibious 3D, seuls les comédiens les plus expérimentés, comme Michael Paré, parviennent à donner un semblant de réalisme à leurs personnages. D’ailleurs, puisqu’on en vient à parler de Michael Paré, on se demande encore quelle est la véritable utilité de son personnage, qui passe la plus grande partie du métrage à subir le déroulement des évènements sans y influer d’aucune manière.
Le bilan peut paraitre très sombre. Mais, rassurez-vous, tout n’est pas mauvais dans Amphibious 3D. A commencer par la réalisation. En choisissant un style narratif et une photographie un peu vintage, Brian Yuzna a fait assurément le bon choix. En plus d’évoluer en terrain familier, ce qui lui permet de limiter les risques d’erreur, le cinéaste a réussi, par ce choix, à imprégner son film d’une très agréable atmosphère eighties. Ainsi, les nostalgiques des grandes heures d’Empire Pictures vont retrouver avec plaisir les ambiances glauques de Réanimator, Aux portes de l'au-delà et autres Creepozoids (Au poste de producteur, Yuzna avait opéré, avec une certaine réussite, la même démarche avec Dagon, réalisé en 2001 par Stuart Gordon). A cela, on peut ajouter les bénéfices d’une mise en scène appliquée (exploitant assez bien ces décors atypiques) et d’une photographie de qualité qui appuie la rudesse des lieux. On peut juste donc regretter que le cinéaste n’ai pas poussé la démarche jusqu’à ses aspects graphiques, qui restent assez sages. Le vrai Yuzna, on le découvre finalement que dans les derniers plans du film, avec une séquence d’accouchement bien dégueulasse, aux fragrances lovecraftiennes, avec la présence d’un second degré qui ajoute à l’efficacité du spectacle.
Enfin, à l’heure où Syfy, CinéTel ou The Asylum nous submergent de pitoyables monstres réalisés en images numériques (jouant ainsi la facilité avec la carte du nanar volontaire), on est heureux de constater que Brian Yuzna n’a pas suivi cette mouvance de médiocrité – voire de nullité. La créature d’Amphibious 3D (avec une 3D qui, soit dit en passant, est ici un gadget inutile, donc indispensable, qui évoque les séries B des années 50) s’affiche comme un gigantesque scorpion amphibien qui ne manque pas de gueule (de dard et de pinces !). Certes, on est loin de la qualité des blockbusters hollywoodiens mais on peut louer les efforts de la production d’avoir fait son maximum, avec un budget limité, pour offrir aux spectateurs le meilleur spectacle possible. On appréciera également les quelques éléments cheap de la créature, comme ces yeux luminescents qui évoquent les vieilles créations du regretté Paul Blaisdell, qui ont marqué les années qui comptent parmi les meilleures dans l'histoire du cinéma de science-fiction.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : Deep Water [2013]
Si cela fait vraiment plaisir de retrouver Brian Yuzna derrière une caméra après une absence de sept années, il y a également lieu d’être un peu déçu par Amphibious 3D. Premier long métrage produit par Komodo Films, le film pèche par un scénario peu original, bourré de clichés et une intrigue qui met une plombe à décoller. Heureusement, Brian Yuzna a réussi à compenser ces faiblesses par une réalisation pertinente, qui entretient une belle ambiance eighties et met en scène un monstre assez sympathique.
On a aimé
- Une réalisation appliquée
- Une ambiance eighties sympathique
- Une créature assez convaincante
On a moins bien aimé
- Un scénario sans originalité
- Une direction d’acteur approximative
- Un Yuzna un peu trop sage
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