Critique Les Dents de la Mer [1975]

Avis critique rédigé par Richard B. le lundi 6 août 2007 à 23h47

Un film à décoller la mâchoire !

Parfois il suffit de peu pour faire un film mythique qui traverse le temps aussi bien que s’il avait trouvé la coupe du Graal. À partir d’un scénario semblant des plus simples, un réalisateur allait devenir un des géants d’Hollywood et signer un des plus grands films de suspense.
Lors d’une nuit d’été, de jeunes gens se saoulent sagement devant un feu de bois. L’un des jeunes mâles décide d’aller faire la petite baignade de minuit avec l’une des demoiselles. Alors que le bougre n’arrive même plus à baisser son froc pour se baigner, la jeune femme, quant à elle, est déjà en train de faire des brasses. C’est à ce moment que cette dernière se fait happer par le fond, puis tiré dans tous les sens jusqu’à disparaître. Le lendemain il ne subsiste que quelques restes qui ont dérivé sur la plage… Ce n’était que le début des malheurs qui allaient frapper la station balnéaire d’Amity.
À l’époque des dents de la mer, Spielberg était considéré par Hollywood comme un des jeunes réalisateurs à l’avenir potentiel, mais devant faire ses preuves. Il faut voir que ce dernier n’avait signé au cinéma que Sugarland Express, Duel n’étant à la base qu’un téléfilm (mais au combien réussi). Spielberg, plus tard, avouera que lui-même, inconscient de la difficulté, avait accepté le projet, car il y voyait une sorte de suite à Duel : « Je suis jeune et stupide, et je me dis que Duel et Jaws traitent tous les deux de créatures monstrueuses qui s’attaquent aux hommes ».
Les dents de la Mer avait tout du projet "casse gueule". En 1975, il est impossible de faire un requin en image de synthèse, de plus tourner un film en pleine mer revient souvent à plonger dans un chaos total et ce n’est pas Kevin Reynolds qui contredira cela. Mais quand Spielberg accepta d’adapter la nouvelle de Peter Benchley, il ignorait encore tout de cela, et c’est peut-être son inconscience et sa jeunesse qui lui permit de réussir.
Bruce (le nom du requin mécanique) ne fonctionnait que très rarement correctement. Ce qui obligea le jeune réalisateur et son équipe à contourner le problème et minimiser les apparitions du requin. Du coup, la plupart des attaques regorgent d’inventivités. La caméra passe de la vue subjective à la vue témoin et tout cela sous les partitions envoûtantes et terrifiantes de John Williams.
Plusieurs scènes mériteraient d’être étudiées au plan prêt. L’une d’elle se situe juste avant l’attaque du jeune garçon nommé Alex Kintner. Dans cette scène nous voyons Martin Brody (joué par l’impeccable Roy scheider) surveiller la plage avec minutie. Entre chaque séquence, des passants passent devant la caméra et font la transition entre Brody qui surveille et le sujet qu’il observe.




Dans un autre registre, il y a une séquence plus posée sur le bateau de Quint, ou ce dernier relate son aventure lorsqu’il était sur l’Indianapolis. Une scène qui tente à prouver que même si le film semble être qu’une simple histoire de monstre, celui-ci n’en est pas moins écrit avec finesse. Cette séquence, écrite par Howard Sackler, John Milius et Robert Shaw captive, elle reste dans les mémoires rien que par son texte et le ton de l’interprétation. Ici la qualité de la mise en scène et de savoir se poser et nous permettre d’écouter cette aventure comme si le spectateur était le quatrième matelot du navire.
«… Le premier est arrivé au bout d’une demi-heure. Un requin-tigre de quatre mètres. Vous savez comment on sait ça quand on est dans l’eau ? La distance entre la nageoire dorsale et la queue... On l’ignorait ! Notre mission était si secrète, qu’aucun signal de détresse n’avait été envoyé. On n’a été portés disparus qu’au bout d’une semaine… À l’aube, des requins sont arrivés, on s’est mis en petit groupe, un peu comme les bataillons qu’on voit sur les calendriers, pour la bataille de Waterloo. Dès qu’un requin s’approchait d’un homme, il se mettait à faire des remous et à hurler. Parfois, le requin repartait, mais pas toujours. Parfois, il vous regarde bien droit, droit dans les yeux. Vous savez, le requin, il a… des yeux sans vie. Des yeux noirs de poupée. Quand il fonce sur vous, on a l’impression qu’il est sans vie, jusqu'à ce qu’il morde. Les petits yeux noirs roulent et deviennent blancs, et là…on entend d’horribles cris aigus. L’océan devient tout rouge. Et malgré les cris et les remous, ils déboulent tous. Ils vous déchiquettent… »

Il est amusant de voir que dans son début de carrière, Steven Spielberg n’hésitait pas à se faire plaisir en faisant preuve d’un certain sadisme. Pour preuve, dans ce film un jeune garçon se fait dévorer dans une marre de sang et même un chien passe à la trappe. En date du cinéma de l’an 2000, nous ne sommes pas prêts de voir ce genre de scène dans une grosse production. Pourtant, son cinéma est déjà bel et bien là. On retrouve un soin particulier apporté à la notion de famille et les tripailles ont toujours existé chez le réalisateur, il suffit pour ça de voir l’introduction du soldat Ryan. Mais les dents de la mer, dans une certaine mesure demeure son film le plus sadique. Pour exemple un avocat se fera dévorer dans Jurassic Park de la même manière que Quint, excepté que dans les dents de la mer cela se fait avec une tonne de sang, alors que dans Jurassic, nous sommes dans le "soft".

La conclusion de à propos du Film : Les Dents de la Mer [1975]

Auteur Richard B.
98

Les dents de la mer est une véritable œuvre cinématographique, un bijou de suspense et surtout un film souvent copié et jamais égalé. Une distribution d’acteurs phénoménale, une musique qui sifflotera longtemps dans la tête et une mise en image à faire décoller la mâchoire. En un mot : chef-d'œuvre !

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