Critique Phase IV [1975]

Avis critique rédigé par Christophe B. le mercredi 6 février 2008 à 11h33

Une belle fable métaphysique

Au cours de ses observations en Arizona, l'entomologiste Ernest D. Hubbs est intrigué par une variété inconnue de fourmis noires, qui élimine un à un ses prédateurs. Un phénomène contre-nature qu'il décide d'étudier avec la collaboration de son assistant, James Lesko, spécialiste du langage animal. Tous deux installent sur place un laboratoire ultramoderne et entament une série d'expériences, non sans avoir évacué la région. Mais un couple de vieillards, les Eldridge, refuse d'abandonner la ferme qu'il occupe avec sa petite fille, Kendra...


Le cinéma américain a longtemps aimé nous montrer, dans les années 50/60, des mutations animales qui poussaient de pauvres bestioles devenues soudainement géantes, à tout ravager sur leur passage, contraignant souvent l'armée à intervenir en guise d'insecticide. (Souvenez vous de l'excellent Tarantula ! de Jack Arnold, ou de Des monstres attaquent la ville...)
Les années 70, et ce film de Saül Bass en particulier, vont venir bouleverser la donne. Facile de tirer au char d'assaut sur une araignée de 5 mètres de haut, bête comme ses pattes. Mais lorsqu'il s'agit pour un petit groupe isolé, de faire face à l'attaque de milliers de fourmis minuscules à l'intelligence décuplée, c'est une toute autre affaire.
Car les fourmis de Phase IV voient leur intelligence étrangement modifiée, réorganisant leur schéma social de manière radicale, et leur permettant ainsi de lutter d'une manière fort efficace contre leurs prédateurs. Et l'humanité fait, bien évidemment, partie des ennemis à éradiquer. Dans les caboches chitineuses des fourmis, une nouvelle forme de pensée voit le jour. Désormais capable d'une forme de raisonnement complexe, nos amies trayeuses de pucerons se mettent à observer et à étudier les humains pour mieux se débarrasser de ces prédateurs gigantesques. Drôle de logique inversée, d'autant que les cobayes humains sont eux-mêmes d'éminents scientifiques en mission. Ainsi va pouvoir commencer l'affrontement entre l'homme et une espèce animal, le tout prenant la forme d'une fable écologique invitant à réfléchir sur les rapports arrogants que les humains, convaincus de leur "supériorité", entretiennent avec les autres espèces vivantes.
Mais elles viennent d'où ces fourmis savantes ? Qui leur a donner leurs nouvelles capacités intellectuelles ? Difficile de répondre à la question tant le scénario reste vague sur le sujet. Le film emprunte un chemin ou ésotérisme et science fiction font bon ménage.
Fourmis et humains, eux, ne font pas bon ménage du tout. C'est une véritable micro-guerre qui se déclanche entre le groupe de scientifiques et les fourmis noires. Les humains tentent d'éradiquer les bestioles à l'aide d'un insecticide d'un joli jaune très seyant au teint, les fourmis répliquent en créant une nouvelle race de couleur jaune résistant à l'agent chimique, et elles se fâchent !

Cette guerre ira t'elle jusqu'à la disparition totale d'un des deux groupes. Peut-être pas : La négociation, le dialogue est possible. Mieux encore, les deux races, les humains et les fourmis pourraient bien... fusionner... Une nouvelle phase, cette fameuse "Phase IV", représentant une nouvelle ère dans les relation entre l'homme et la nature va t'elle pouvoir se mettre en branle ?...
Bon évidemment, dit de cette manière, c'est un peu difficile à comprendre. Mais je ne vais pas non plus vous livrer sur un plateau toutes les clefs de ce film écologico-esotérique, d'autant que je doute de les avoir moi-même entièrement saisies.
D'une beauté plastique impressionnante, aux tonalités photographiques jouant autour des trois couleurs primaires, le film alterne les moments de forte tension et d'accalmie, mais reste éminemment graphique et contemplatif, on peut même dire (et c'est terrible) : lent. Images, dialogues et musique sont épurés à l'extrême. Le film pourra paraître bien long et jouer sur les nerfs d'un spectateur qui n'adhèrerait pas à la poésie scientifique des images (mais non ces deux termes ne sont pas antagonistes). Les phases d'ennui sont souvent celles mettant en scène les humains, mais dès que la caméra plonge dans les entrailles de la fourmilière, c'est une véritable jubilation, autant cinématographique que scientifique, qui voit débouler sur l'écran le monde fantastique des fourmis. Et je parle bien de véritables insectes, pas trace de la moindre créature animatronique dans ce film.
Les séquences mettant en scène les insectes sont dues à Ken Middleham, cinéaste animalier du National Geographic, spécialisé dans les prises de vues macroscopiques. Sa place est aussi importante que Saül Bass dans la réussite du film tant les insectes nous apparaissent comme de véritables personnages auprès desquelles on peut rapidement s'identifier (C'est également lui qui signe les images animalières du film Les insectes de feu, réalisé pratiquement au même moment que Phase IV et au scénario sensiblement identique).
Les scènes d'anthologie parsemant le métrage sont, elles aussi, à mettre à l'actif des insectes. Je citerais, entre autres, la scène qui montre l'armada de guerrières mourrant en se transmettant l'insecticide pour le porter jusqu'à la reine qui s'en servira pour mettre au monde une nouvelle race mutante, le combat entre des fourmis et une mante religieuse, ou encore un plan superbe et poétique d'une petite fourmi contemplant l'infini...

La conclusion de à propos du Film : Phase IV [1975]

Auteur Christophe B.
84

Loin des oeuvres souvent kitsch présentant des animaux mutants, Phase IV restera un film éminemment marquant pour qui saura accepter cette étrange fable de science-fiction entomologiste dont vous vous forgerez, seuls, la morale finale. Si je devais résumer tout cela, je dirais que Phase IV est le pendant terrestre de 2001, le film métaphysique de Kubrick, de la SF mystique...

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