Critique Stake Land [2011]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le vendredi 5 août 2011 à 17h47
Des canines sur la route
Frappée par un virus extrêmement contagieux, une grande partie de la population humaine s’est progressivement transformée en hordes de vampires. Les survivants, fuyant les grandes villes infestées, se sont regroupées en petites communautés autonomes, sortes de villages fortifiés; les bastions. Se déplacer en dehors de ces refuges présente désormais une grande part de risques. En effet, en plus des vampires, les voyageurs doivent redouter les gangs de pillards mais surtout les adeptes fanatiques d’une secte apocalyptique; le Culte du Christ. C’est dans ce monde agonisant, au détour d’un chemin du sud des Etats-Unis, que le jeune Martin va rencontrer Mister, un chasseur de vampires. Ensemble, ils décident d’essayer de rejoindre un légendaire havre de paix baptisé New Eden; le Canada...
L’on n’avait plus entendu parler de Jim Mickle depuis 2006 et un certain Mulberry Street. A l’époque, public et critique avaient été surpris par l’originalité du sujet (une invasion de rats dans des quartiers populaires suivie par la mutation de ses habitants) et par son choix de traitement, qui privilégiait les rapports humains en place en lieu d’une action débridée. Le film péchait cependant par une réalisation parfois peu pertinente, avec notamment des séquences mouvementées quasiment illisibles et des images d’une laideur absolue. Ici, avec ce road movie post-apocalyptique, Jim Mickle renouvelle la démarche intimiste en s’attachant à bien définir et développer les liens tissés entre les différents personnages...Tout en faisant nettement mieux lorsqu’il s’agit de faire monter la tension.
Mister, le taciturne exécuteur au passé mystérieux, Martin, le jeune orphelin, Sister, la religieuse violée et Belle, seule rayon de soleil de ce monde crépusculaire : un quatuor (puis un quintette, avec l’arrivée de l'ex-marine) qui finit par être très émouvant et attachant tant la caméra de Jim Mickle se penche à les rendre humains et perfectibles. Si tous, en traversant une grande partie de ce pays dévasté, n’aspirent qu’à atteindre New Eden, ils ne forment pas, du point de vue psychologique, une seule et grossière entité. Chaque personnage suit inconsciemment son propre chemin spirituel et émotionnel, ce qui, par une multiplication des enjeux, donne une belle richesse au récit (de part la nature de cet univers SF, on pense souvent, en observant cette sorte de famille recomposée, au ka-tet de La Tour Sombre). Au final, même s’il exploite des éléments narratifs peu novateurs, Stake Land, pour peu que l’on gratte un peu son papier peint horrifique, se révèle nettement plus subtil que l’on pourrait le croire et dépasse le niveau de simple western horrifique du style Vampires (qui est un excellent film, ceci dit).
Par contre, l’univers de Stake Land se veut palpable. En effet, même si, par son ambiance crépusculaire et son approche contemplationniste, , le métrage peut, par moment, évoquer La route, il ne va pas aussi loin que l’œuvre de Cormac McCarthy dans l’imagerie apocalyptique (et, bien entendu, dans la reflexion). Les Etats-Unis sont certes ravagés, mais l’air n’est pas pollué, le climat est, sinon clément, du moins supportable, on y trouve encore de la nourriture, de l’eau et les bastions sont nombreux. Le danger vient essentiellement des humains. Bon nombre des survivants, délivrés de tout carcan social, ont cédé à leurs bas instincts, ou, pire encore, à la folie destructrice. Evidemment, le réalisateur en profite pour jouer des métaphores. Ainsi, en nous montrant ces masses de fanatiques suivre les préceptes barbares de prédicateurs nihilistes, Jim Mickle se montre assez critique envers certains courants fondamentalistes et racistes (le clin d’œil au KKK est évident) de son pays. Cependant, à coté de ça, en bon américain, il nous offre, sur fond de musique country, une solution qui a tout du rêve républicain, avec ces structures autarciques qui rappellent les villes de colons durant la conquête de l’ouest, et où sont entretenues les valeurs passéistes de la société américaine.
Les vampires, eux, n’ont plus rien d’humains. Symbole de cette sauvagerie qui sommeille (plus ou moins profondément) en chacun de nous, ces créatures sont des bêtes sauvages, assoiffées de sang. Elles ne présentent rien de noble: Feulant et crachant, les vampires se déplacent en meute et leur comportement évoque, de par leurs techniques de harcèlement et de submersion de leurs proies, plus celui des hyènes que des fauves. Lors de leurs apparitions, histoire d’appuyer leur bestialité, le cinéaste n’hésite pas à rompre brutalement le tempo par l’introduction d’effets gore saisissants (avec de bons maquillages). Par contre, Jim Mickle, cultivant à l’occasion un certain esprit pulp, joue aussi la carte classique. En effet, pour détruire ces monstres, rien de mieux qu’un bon pieu dans le cœur (les balles ne font que les ralentir), sauf les plus vieux vampires qui présentent un cuir trop épais et qui doivent être frappés dans la nuque. Enfin, comme le veut l’ancienne tradition, il craignent la lumière du soleil. Quand a l’aspect métaphysique du mythe vampirique, il est légèrement présent dans le film, quand l’un des leaders du Culte du Christ se voit offert par Dieu une mutation partielle, le transformant en un être exceptionnel.
Pour ce qui est de réalisation, Jim Mickle a oublié l’horripilante shaky cam usée dans Mulberry Street, ainsi que ses horribles filtres chromatiques. Ici, il a opté pour des méthodes plus traditionnelles et nous offre au final un spectacle de bonne facture, joliment cadré et photographié (il pousse le 4K de la Red-One dans ses derniers retranchements), et doté d’un montage efficace. A cela il est bon d’ajouter la présence d’une bande originale de qualité. Dans Stake Land, l’on se rend compte que si Jim Mickle est très à l’aise pour filmer des scènes intimistes et mélancoliques, il se montre également doué dans la réalisation des passages horrifiques et dans les séquences d’action, comme lorsque les adeptes du Culte du Christ «bombardent» des vampires dans un bastion où se sont réfugiés les héros. De plus, malgré de multiples changements de rythme, à aucun moment le film n’accuse «un coup de mou», ce qui démontre une bonne maitrise du flux narratif.
Néanmoins, Stake Land est loin d’être un film parfait. En dehors du fait que nombre de spectateurs pourront trouver le spectacle « mou du genou », force est d’avouer que l’omniprésence d’une voix off finit par sévèrement agacer (n’est pas Terrence Malick qui veut) et que le niveau d’interprétation varie en fonction des interprètes. Ainsi, s’il n’y a pas grand-chose à reprocher à Nick Damici, qui incarne sans faute (mais sans génie) le stéréotype du vieux cowboy solitaire (style grincheux au grand cœur à la John Wayne), à Connor Paolo, dans son rôle de jeune apprenti-tueur de vampire, ni à Kelly McGillis, méconnaissable en nonne, ce n’est pas le cas de tous. On peut en effet trouver un peu trop moyennes les performances de Danielle Harris, un brin timorée, et de Michael Cerveris qui, avec son jeu caricatural, a tendance à nous rappeler le Bruce Payne des mauvais jours. Enfin, pour en terminer avec les reproches, il est bon de signaler la présence de quelques incohérences très embarrassantes, notamment dans le comportement des personnages (comme lorsque Mister et Martin abandonnent Belle, enceinte jusqu'aux dents, près d’un feu de camp pour partir chasser le vampire, évidemment, quand ils reviennent…).
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : Stake Land [2011]
Pour son traitement original, assez loin des clichés, Stake Land est un film intéressant. C’est vrai, Jim Mickle exploite des éléments narratifs très classiques, digresse parfois un peu, oublie de gommer quelques incohérences, mais il parvient tout de même (en exploitant quelques bonnes idées) à nous offrir un modeste mais attachant road movie crépusculaire se situant entre La route et le western post-apo. On appréciera tout particulièrement l’humble approche d’un réalisateur qui privilégie les rapports humains et qui a tenté de donner une vision « réaliste » de ce nouveau monde.
On a aimé
- Un traitement loin des clichés
- Une atmosphère crépusculaire réussie
- Des personnages attachants
- Une réalisation appliquée
On a moins bien aimé
- Peu d’éléments novateurs
- Quelques incohérences
- Une interprétation inégale
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