Critique Paranormal Activity 3 [2011]

Avis critique rédigé par Jonathan C. le mardi 18 octobre 2011 à 02h48

Paranormal Active-eighties

Paranormal affiche

La tendance est aux préquelles (même The Thing y est passé), qui permettent d’exploiter toujours et encore un filon rentable mais aussi d’explorer un peu plus les fondements d'une mythologie. Paranormal Activity 3 propose donc de revenir aux origines du phénomène entrevu en 2007 puis en 2010. Après une introduction qui nous emmène dans ces deux dernières périodes (l’occasion de recroiser la fidèle Katie Featherston dans le rôle de Katie, héroïne du premier Paranormal Activity, et Sprague Grayden dans le rôle de sa sœur Kristi, héroïne du second), le récit effectue, grâce à de vieilles VHS retrouvées dans un carton moisi ramené par Kate, un bond dans le passé, plus précisément en 1988 (c’est décidément à la mode de revenir dans les eighties), là aurait commencé cette malédiction familiale. Kate et Kristi sont alors des fillettes. Comme toujours : une petite famille, une grande maison, des phénomènes étranges et des caméras, et voilà la recette des Paranormal Activity. Dans celui-là, les phénomènes se manifestent lorsque la plus petite des deux filles, Kristi, se met à parler à un ami imaginaire nommé Toby. Et bien qu’il préfère rester planqué, on déduit bien rapidement que Toby a l’air beaucoup moins sympa qu’un Harvey.

Voici donc la deuxième suite du film qui, en 2009, a relancé un genre inauguré en 1999 par l’indétrônable Le Projet Blair Witch (bien qu’il y ait eu quelques précurseurs auparavant, par exemple Cannibal Holocaust et certains faux-documentaires) puis tombé bien vite en désuétude jusqu'à Paranormal Activity, qui était sorti après une vague de films « faux documentaires » issus de la génération YouTube et dont l’adage était de « tout filmer coute que coute » : Cloverfield, [REC.] (puis sa suite et son remake américain), Diary of the Dead, Redacted ou Live!. Dans cette nouvelle percée du « cinéma-vérité », Paranormal Activity était moins pertinent (il n’y avait aucune réflexion socio-politique sur les images et les médias comme dans les précédents films) mais plutôt efficace, se posant simplement, à l’image de son contemporain [REC.] 2, comme un divertissement pop-corn sans grandes prétentions, de la pure série B futée exploitant des codes très classiques dans une forme inhabituelle. Après le succès phénoménal de ce Paranormal Activity (qui, comme Le Projet Blair Witch, s’est imposé comme l’un des films les plus rentables de l’Histoire du Cinéma), de nombreux « film found-footage » (à savoir des faux films d’archives) en tous genres suivirent, de Grave Encounters à The Tunnel en passant par Phénomènes Paranormaux, Le Dernier exorcisme, Troll Hunter, The Poughkeepsie Tapes, Atrocious, Desaparecidos ou encore tout récemment Apollo 18 ou Devil Inside. Ces coquins de chez The Asylum ont même sorti une contrefaçon de Paranormal Activity, à savoir le bien-nommé Paranormal Entity, et les japonais, eux, ont sorti leur Paranormal Activity : Tokyo Night (alors que le Paranormal Activity d'Oren Peli s'inspirait déjà partiellement des films de fantômes japonais). Marqueté comme ses prédécesseurs à coups de buzz sur le net et bénéficiant cette fois d’une vaste campagne promotionnelle qui se garde cependant bien de révéler quoique ce soit de l’intrigue (très peu d’informations et d’images ont filtré), Paranormal Activity 3 vient remettre un peu les pendules à l’heure, rappelant aux petits malins qui s’y cassent les dents qu’il faut maitriser un minimum la science de la peur pour en sortir un vrai bon film found-footage d’épouvante, genre faussement facile mais réellement casse-gueule (d’où le peu de réussites dans un genre spécialisé dans les arnaques). Car, OUI, j’aime les Paranormal Activity (ça c'est du coming-out !), et je vais expliquer pourquoi avant de me faire lapider sur la place du village.

Ce n'est pas évident au premier abord à cause du faux amateurisme, mais il y a un réel travail de mise en scène dans les Paranormal Activity qui, malgré leur sophistication conceptuelle dans l’aire du temps, renouent avec des artifices rudimentaires, des trucs d’artisan, prouvant ainsi que les vieilles recettes peuvent encore faire mouche (à condition d’être dans de bonnes conditions de visionnage) et que les Paranormal Activity ne sont rien d’autres que de purs films de maison hantée et de possession. Des bruits de pas, des craquements de plancher, des chuchotements, une porte qui grince ou qui claque, des choses qui s'enclenchent ou se déplacent toutes seules, une ombre, un drap qui bouge, un souffle...Tous ces motifs vieillots du genre retrouvent ici leur efficacité d’autrefois, comme c’est aussi le cas la même année que Paranormal Activity 3 avec le bien plus effrayant Insidious (justement des mêmes producteurs que Paranormal Activity). Mieux : Paranormal Activity 3 « ose » faire peur avec un fantôme couvert d’un drap blanc ou avec un vulgaire masque en latex (cf. la scène du placard, sursaut assuré), et ça marche ! L’économie de moyens et d’effets est salvatrice. Les réalisateurs des Paranormal Activity redonnent une dimension angoissante au hors-champs (je citerai bien Jacques Tourneur, mais ça serait certes un brin déplacé) et interpellent sans cesse le regard du spectateur. Que va-t-on apercevoir au détour d’un plan, ou dans le coin d’une pièce ? Est-ce que quelque chose va bouger, est-ce qu’un objet a été déplacé ? Va-t-on apercevoir une silhouette au fond, ou un visage au premier plan ? Qu’y a-t-il derrière cette porte (on pense même aux vieux Resident Evil) ? Bref : que va-t-il se passer dans les secondes qui viennent ? Et nous voilà à scruter l’écran pour y chercher la petite bête, à fouiller dans le décor aux quatre coins du cadre, à se demander ce qui va surgir et de quel coté, tout en sachant qu’on sursautera quoiqu’il arrive (il faut avouer aussi que les rebondissements sont largement soulignés par le mixage sonore, auquel il est difficile de ne pas réagir). Décidément ludiques, les Paranormal Activity 2 réveillent le sens de l’observation par leur souci du détail et interrogent constamment le regard du spectateur, et ce grâce à la seule mise en scène, comme dans tout bon film d’épouvante (priorité à l'image). Toute la mécanique de ces films repose sur des choix primitifs de mise en scène, de lumière et de montage (il faut couper à un moment très précis, ça se joue à la seconde près) ; dans Paranormal Activity 3, les angles de prise de vue choisis sont particulièrement malins, puisqu’ils permettent de jouer sur la perspective de la pièce (cf. la chambre des parents avec le placard-miroir) ou la profondeur de champs (cf. la chambre des fillettes). Pourtant d’une simplicité enfantine, le pano de la caméra dans la cuisine/salon est d’une efficacité imparable (il couvre plusieurs champs), captant des séquences entière de terreur (le drap blanc avec la baby-sitter, le chaos de la cuisine comme dans Paranormal Activity 2…). Le climax de Paranormal Activity 3 se joue en un plan-séquence (qui contient évidemment des coupes invisibles dans le noir) et réserve un vrai moment de frousse (brrrr la femme en haut de l’escalier ou la silhouette derrière la fenêtre…). Pour tout ça, pour la pertinence et la précision des choix narratifs et formels, il y a un peu de cinéma dans les Paranormal Activity, contrairement à ce qu’affirment les nombreux détracteurs du genre.

Paranormal Act 3

Par ailleurs, le jeu de répétition (les nuits défilent à l'écran comme les secondes) installe un quotidien de plus en plus angoissant, celui de l'épouvante ; on ressent bien ici ce que c'est que de vivre dans la peur, sans forcément subir la même peur que les personnages. La tension va tranquillement en crescendo, les Paranormal Activity exploitant cette idée de l’esprit qui se nourrit de la peur des résidents (plus ils ont peur, plus il se manifeste). Le schéma est le même pour les trois films (mais le tout premier avait l'avantage de l'effet de surprise et de la nouveauté), et Paranormal Activity 3 fonctionne exactement sur la même recette, tant dans le fond que dans la forme (les plans fixes puis la caméra portée), et même dans le son (on retrouve les fameux grondements sourds à l'approche d'un danger). Evidemment, en tant que suite, il se passe plus de choses ici (là ou il y avait beaucoup de remplissage dans le premier film, qui durait pourtant aussi 1h20), le budget est plus conséquent (après les 15000 dollars du premier film, Paranormal Activity 3 stagne à 3 millions de dollars, comme le second opus), le générique de fin est 5 fois plus long que celui du premier film, il y a plus d’effets spéciaux (certes toujours « numériquement invisibles » mais saisissants), les manifestations spirituelles et visions horrifiques sont plus violentes et plus concrètes (surtout dans le final), et le récit va encore plus loin dans les croyances païennes. Mais contrairement à ce que laissait craindre une bande-annonce aussi grandguignolesque que mensongère (c’est littéralement une fausse bande-annonce !), Paranormal Activity 3 ne fait pas dans l’excès, si ce n’est peut-être sur la fin, et reste ancré dans une certaine réalité afin de faciliter l’identification et l’immersion, bien aidés également par des acteurs naturels et crédibles (les deux fillettes sont aussi adorables qu'inquiétantes).

1988, retour à l’époque des VHS, des magnétoscopes, des tables de montage analogiques, des caméras vidéos encombrantes. La reconstitution, minimaliste (pas de clichés outranciers sur les looks) mais juste, passe par une discussion sur le titre Retour vers le futur ou par un poster de The Bad News Bears avec Walter Matthau (une comédie sortie en 1976 mais qui a cartonné sur le marché vidéo dans les années 80). Même le logo de la Paramount pendant le générique de fin est celui des années 80. Les eighties de Paranormal Activity 3 reviennent à une époque ou invoquer la Bloody Mary était tendance (c'est d'ailleurs repris dans Candyman en 1992), d’où une séquence de Bloody Mary particulièrement stressante (et qui n’a rien à voir avec celle entrevue dans la bande-annonce). Par ailleurs, comme le montre l’amusante séquence du couple qui commence à faire l’amour devant la caméra, l’intrusion dans les foyers des caméras vidéos fait naitre des désirs de voyeurisme et de perversité (chacun pouvait faire son film porno), mais aussi des envies de sensations fortes et de peur (d’où la scène du Bloody Mary). Mais ce n’est pas qu’un décorum : le contexte des eighties impose des contraintes purement techniques ; les caméras (vidéos) sont moins nombreuses (on en compte quatre) car plus couteuses et moins accessibles, ce ne sont d’ailleurs pas des caméras de surveillance. Sans la facilité du numérique, c’est le système D qui prime ici ; faut voir comment le personnage bricole une caméra panoramique avec un ventilateur et s’impose en cinéaste amateur en choisissant stratégiquement et minutieusement ses angles de prise de vue puis en « dérushant » tous les matins. On est loin des innombrables caméras de surveillance du deuxième Paranormal Activity 2. Bien entendu, la caméra portée n’est cette fois plus vraiment justifiée ; si le personnage filme d’abord pour enquêter et pour capturer des preuves sur le moment, son obstination à toujours filmer, même dans les situations les plus nerveuses et terrifiantes, devient invraisemblable (combien de fois un mec « normal » aurait lâché la caméra ?), d'autant plus que les caméras vidéos de l'époque étaient plus encombrantes que les mini-DV actuelles. Mais honnêtement, on ne se pose même plus la question (pourquoi le personnage se filmerait en train de visionner ses vidéos : ça n'a aucun sens), et le procédé s’efface derrière la tension.

Ce que raconte un Paranormal Activity n’est, sur le papier, guère emballant. Il n’y a aucune originalité dans le fond ; tout est dans la forme. Les Paranormal Activity revisitent des genres éculés de l’épouvante, avec tout le folklore qui va avec : le film de maison hantée (mais ici, les fantômes/démons surgissent également de jour, ce qui change un peu dans la tradition du genre), le film de possession et même cette fois le « film d’ami imaginaire » (oui oui, on peut en faire un genre à part entière, qu’il s’agisse de lapins géants ou de fantômes). Si l’intrigue de Paranormal Activity 3 réserve quelques sordides surprises sur la fin, on peut regretter qu’il sombre dans un poncif très tendance : la secte (cf.[REC.], Le Dernier exorcisme, Kill List ou, dans un registre plus classique, Wake Wood). Mais le final reste suffisamment vague pour ne pas tirer de conclusions grotesques, et le spectateur se sera bien fait avoir par une bande-annonce presque entièrement constituée de plans (y compris à effets spéciaux) qui ne sont pas dans le film. C'est paradoxalement en revenant dans le passé que Paranormal Activity 3 perfectionne le concept de la saga (ça compense le manque de surprises), s'imposant comme le plus riche et "virtuose" de la trilogie et achevant ainsi avec brio une oeuvre bancale mais pas inintéressante.

Paranormal affiche US

La conclusion de à propos du Film : Paranormal Activity 3 [2011]

Auteur Jonathan C.
65

Paranormal Activity 3 exploite exactement la même recette que les deux premiers opus, mais il le fait avec le même savoir-faire roublard et précis qui témoigne d’une solide maitrise de la peur, une science purement mécanique qui se repose ici entièrement sur des choix esthétiques, sur des petits trucs et astuces typiquement artisanaux, prouvant ainsi que les vieux tours de passe-passe peuvent encore fonctionner. Ca reste un pur film de maison hantée et de possession, genres revisités (et renouvelés) avec efficacité par le found-footage (qui aura également fait dans la science-fiction ou dans le film de serial-killer). Il faut cependant espérer que ça s’arrête là et que Paranormal Activity ne devienne pas une interminable franchise à la Saw ou Destination Finale. Paranormal Activity 3 est une bonne conclusion à la trilogie (en attendant celle, déçevante, des plus efficaces [REC.]), et il n’y a franchement plus grand-chose à tirer de ce concept et de cette histoire.

On a aimé

  • Une recette toujours efficace.
    Entièrement axé sur la mise en scène.
    La prise en compte technologique des eighties.
    Le plan-séquence final.

On a moins bien aimé

  • Toujours la même chose.
    L’invraisemblance du procédé.
    Un scénario très limité.

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