Critique After.Life [2012]
Avis critique rédigé par Jonathan C. le dimanche 29 juillet 2012 à 21h18
Mort(e) à l'arrivée
Ô joie, un film des fonds de tiroirs estivaux des studios (comme, cette année, le My Soul To Take de Wes Craven, le Bitch Slap de Rick Jacobson ou le Effraction de Joel Schumacher), produit en 2009 et sorti chez nous en 2012 dans une seule salle à Paris (ce bon vieux Publicis). Quel est donc ce After.Life réalisé par un type sorti de nulle part au nom imprononçable (je copie-colle : Agnieszka Wojtowicz-Vosloo, et en fait il s'avère que c'est une femme) et avec un casting glamour et pourtant bankable composé de Liam Neeson, Christina Ricci et Justin Long ?
Il s'agit d'un thriller psychologico-horrifique au parfum de fantastique mortuaire, puisque Liam Neeson incarne un croque-mort des pompes funèbres fortement timbré et dont la principale activité consiste à kidnapper des victimes accidentées qu'il fait passer pour mortes (y compris au niveau de la loi) afin de pouvoir les embaumer, les chérir à sa façon puis les enterrer vivantes (mais droguées de façon à ce qu'elles aient l'air bel et bien mortes aux yeux de leurs proches). Le jour ou Christina Ricci subit un grave accident après une engueulade avec son boyfriend Justin Long, elle se réveille à la morgue, tandis que Liam Neeson alias le Dr. Eliot Deacon est en train de commencer à préparer son corps pour les funérailles. Mais est-elle réellement morte et dans ce cas elle serait dans un entre-deux mondes avec un Liam Neeson qui a le don de communiquer avec les morts, ou subit-elle tout simplement les frasques perverses d'un psychopathe rongé par la solitude parmi les vivants ?
Le pitch est absurde, mais pourquoi pas ? Le personnage de Liam Neeson est délicieusement retord, parvenant à convaincre sa victime de sa propre mort, après quelques réticences compréhensibles. Mais faut dire qu'elle est quand même bien naïve (pour ne pas dire conne), notre héroïne à laquelle Obi-Wan Kenobi explique que plus rien n'a de sens désormais puisqu'elle est morte et qu'elle n'a de toute façon jamais réellement vécu sa vie de merde (Liam est très réconfortant). Malin, Liam Neeson parvient aussi à faire croire à un pauvre gosse (Chandler Canterbury, talentueux jeune acteur vu dans L'Etrange histoire de Benjamin Button, Prédictions et Repo Men), témoin potentiellement gênant, qu'ils sont les seuls à pouvoir communiquer avec les morts. D'abord bien vu, avec ces victimes qui clament "Je ne suis pas mort !" dans une morgue comme des patients criant "Je ne suis pas fou !" dans un hôpital psychiatrique, le traitement psychologique devient rébarbatif et grossier, comme le rythme de ce thriller pépère évoquant les téléfilms fantastiques du M6 d'autrefois, avec une forme cependant bien plus clinquante.
C'est effectivement plutôt bien filmé, grâce au travail du chef opérateur Anastas N. Michos (qui fut caméraman pour Oliver Stone, Martin Scorsese, Ron Howard, Spike Lee, Robert Redford, Neil Jordan, Milos Forman, Stephen Frears et Clint Eastwood, puis chef opérateur de Man on the Moon, Mémoire effacée, Intraçable et bientôt Texas Chainsaw Massacre 3D). D'abord propres comme aseptisées, les teintes deviennent de plus en plus verdâtres selon l'état du personnage de Christina Ricci, et Anastas N. Michos alterne fréquemment entre des tons feutrées et une image plus glaciale (dans l'inquiétant funérarium). Reconnaissons à la réalisatrice-scénariste, dont c'est le premier long métrage après avoir fait plusieurs courts métrages (dont un primé à Sundance) et travaillé pour l'Opéra Garnier, un certain talent pour composer de belles images. Le coté clinique clean et morbide évoque le cinéma de genre scandinave et allemand (Anatomie, Confession d'un cannibale...), de même que l'ambiance anxiogène, qui serait plus efficace sans les trop nombreuses scènes en extérieur, qui viennent ramollir la tension (le film aurait gagné à être en total huis-clos). Mais même la bande-son de Paul Haslinger (un ancien membre de Tangerine Dream et aujourd'hui compositeur de films comme les Underworld, Hyper Tension, Paradise Lost, Motel, Shoot'em up, Prom Night - Le bal de l'horreur ou Course à la mort et Les Trois Mousquetaires de Paul Anderson) est assommante ; il en va de même pour la dramaturgie bâclée et les ficelles de cette histoire grotesque dont la conclusion est cependant d'une noirceur totale, malgré les maladresses du dénouement (merci les flashbacks qui prennent le spectateur pour un abruti).
Les seuls élans horrifiques, assez efficaces (brrr la vieille), ne seront en fait que des cauchemars subis par les personnages, ou des détails sordides sur l'embaumement d'un corps et sa préparation pour les funérailles (le film semble plutôt documenté sur ce point). A la fois kitsch et percutantes (disons qu'elles sortent le spectateur de sa torpeur), les scènes de cauchemar n'ont d'autre intérêt que de rajouter un peu de frayeur à un récit qui peine à instaurer une tension continue malgré quelques effets de montage tapageurs (normal, de la part du monteur de L'Armée des morts et des trois derniers Resident Evil). Le pantin bizarre représentant Christina Ricci est particulièrement inquiétant, dans un style à la Saw, et les effets spéciaux sont plutôt réussis malgré la modestie du budget (4 500 000 de dollars pourcette production indépendante). A vrai dire, le délire fétichiste est aussi glauque que réjouissant, et le mélange d'érotisme et de morbide fonctionne le temps de quelques plans rappelant (de loin) Dellamorte Dellamore. Dommage que la perversité reste trop timide pour créer un vrai malaise, car l'ensemble manque de désirs, de voyeurisme et de sous-entendus (il y avait pourtant de quoi faire avec la nudité d'une actrice fantasmatique comme Christina Ricci). David Cronenberg se serait bien amusé avec un tel sujet et aurait accordé plus d'importance au coté charnel et à l’ambiguïté sexuelle (tristement absente ici). Ce qui impressionne surtout, c'est le travail accompli au département maquillage, autant dans la vie que dans la mort.
After.Life devait à la base être interprété par Kate Bosworth (cf. ci-dessous l'affiche promotionnelle du projet) en héroïne victime et par Alfred Molina dans le rôle désormais tenu par Liam Neeson, mais leur désistement de dernière minute a finalement été bénéfique au film puisqu'ils sont remplacés par deux acteurs plus intéressants. Liam Neeson (qui sortait alors tout juste de Taken) cabotine mais apporte une certaine crédibilité et même une dignité à son personnage, parvenant même à créer le doute dans l'esprit du spectateur (Liam Neeson est le genre d'acteur qu'on croit toujours sur parole, quoiqu'il dise). En un sens, c'est un type de serial-killer inédit, son coté boogeyman apportant des airs de slasher (surtout quand la Ricci tente de s'échapper et qu'il la traque). De retour au cinéma horrifique après Jeepers Creepers et Jusqu'en enfer, Justin Long est cette fois mauvais comme tout, son personnage ayant peu d'intérêt (il représente juste l'espoir) et son couple avec Christina Ricci (avec laquelle il partageait le doublage du médiocre film d'animation Alpha et Omega) ne fait pas illusion une seule seconde. Si After.Life doit être vu, c'est surtout parce que Christina Ricci, dont l'aspect de plus en plus cadavérique rappelle la Mercredi de la Famille Addams ou même la Katrina de Sleepy Hollow (ses cheveux rouges ajoutent au coté fantasme), y finit complètement à poils (c'est autre chose que le bout de nichon aperçu dans Bel Ami), tripotée par un Liam Neeson imperturbable. On comprend aisément la raison pour laquelle la pudique Kate Bosworth a refusé de tenir le rôle principal de ce film (en revanche on comprend moins pourquoi Alfred Molina aurait refusé de palper une Kate Bosworth). D'abord combattive, s'armant du même couteau (accessoirement parlant) utilisé par Glenn Close dans Liaison Fatale, Christina Ricci s'éteint petit à petit à l'image de son personnage, résigné à la mort. Sa robe rouge vif fait aussi son petit effet, bonne idée visuelle et symbolique ; le rouge, aussi bien de la robe, des cheveux et du sang du personnage, représente ce qu'il reste de vivant et d'ardent chez elle, et c'est lorsqu'elle ne porte plus de rouge qu'elle se fait à l'idée de la mort).
l'affiche promotionnelle de After.Life à une époque ou Kate Bosworth devait tenir le rôle principal
Ce qui pouvait être une série B dérangeante est un film d'épouvante psychologique (voire existentialiste), pesant, invraisemblable et rarement captivant malgré les atouts de son sujet au potentiel excitant (une idée originale, un thème complexe...). Les pistes surnaturelles ne sont guère exploitées, servant principalement à semer le trouble dans l'interprétation du spectateur (ce qui fonctionne d'ailleurs plutôt bien, jusqu'à un certtain point). La réalisatrice ne sait pas sur quel pied danser et tape tout à la fois dans le (mélo)drame, le film d'horreur/épouvante, le thriller/slasher, le film de fantôme ou même le film érotique, mais sans une once d'humour car toute cette mascarade est prise très au sérieux. Il en ressort un film qu'on croirait justement déterré d'un cimetière de films oubliés, place à laquelle After.Life revient aussitôt après en être sorti. Seule la nudité cadavérique mais pourtant sexy de Christina Ricci (allez faire un tour dans la rubrique des photos du film) restera dans les mémoires perverses, ainsi que le choix certes facile mais plaisant de finir sur le beau Exit Music (For a Film) de Radiohead, qui recouvre le film d'une belle mélancolie post-mortem.
La conclusion de Jonathan C. à propos du Film : After.Life [2012]
Une mise en image appliquée, un parfum de mystère prégnant, un casting de qualité, un sens du détail macabre, des effets spéciaux et maquillages saisissants, un thème fort guidé par une idée symbolique (le funérarium comme lieu de transition entre la vie et la mort)...Et malgré ces qualités, After.Life parvient à ennuyer, la faute à un scénario invraisemblable à coté de la plaque (ça part dans tous les sens) et à un rythme aussi morose que rébarbatif dont le suspense anxiogène est brisé par les trop nombreuses et inutiles scènes en extérieur. Le doute quant à la condition du personnage de Christina Ricci maintient tout de même l'attention, jusqu'à un dénouement aussi maladroit que surprenant. Si cette sortie technique estivale ne sombrera pas totalement dans l'oubli pour les rares curieux qui l'auront vu, c'est uniquement parce qu'on y voit une Christina Ricci complètement nue pendant une bonne partie du film, nudité cadavérique fascinante et troublante sur cette actrice toujours aussi hypnotique et hélas un peu oubliée par Hollywood depuis les bides de Cursed, Les Soldats du désert et Speed Racer.
On a aimé
- Christina Ricci toute nue !
- Une image soignée
- Un gros travail sur les maquillages/SFX
- Du Radiohead au générique de fin
- La force de persuasion de Liam Neeson
On a moins bien aimé
- Un bon potentiel gâché
- Un rythme mou
- Un traitement psychologique grotesque
- Justin Long et son personnage : nuls
- Trop d'allers-retours intérieur/extérieur
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