Critique Possédée [2012]
Avis critique rédigé par Richard B. le vendredi 21 décembre 2012 à 19h46
L'Exorciste juif vs le Dybbuk
Après avoir acquis une relique dans un vide grenier, un père de famille va devoir sauver sa plus jeune fille de l'emprise d'un "dybbuk", sorte d'esprit démoniaque issue de la mythologie hébraïque qui hante le corps d'un individu auquel il reste attaché.
Après un distrayant The Substitute (film dans la veine de The faculty, entremêlé d'un certain esprit Amblin) et un assez remarquable Deliver Us from Evil (vu au festival fantastique de Bruxelles, mais encore inédit chez nous), Ole Bornedal quitte une fois de plus son Danemark natal pour faire un "comeback" à Hollywood, 15 ans après avoir réalisé son propre remake du veilleur de nuit (Nightwatch). Si les réalisateurs extradés, même talentueux, font rarement des merveilles aux pays de l'Oncle Sam, voir Sam Raimi associé à cette production de "Possédé" - ajouté au potentiel du réalisateur – contribuait quelque peu à rassurer. C’était oublier que Raimi producteur était très loin d'afficher les mêmes titres de noblesse qu'il a su récolter tout au long de sa carrière de réalisateur et que, hormis 30 jours de nuit, le reste demeurait qualitativement discutable. Au final, Possédée aurait presque sa place dans le haut du panier. Reste à déterminer la hauteur de celui-ci.
Le film d'Ole Bornedal commence plutôt bien. Certes, on n'échappe pas à la mise en bouche "coup de poing" qui est désormais coutume de voir dans ce type de productions qui a pour but d'introduire le potentiel danger. Cet aspect mis à part, le réalisateur danois prend bien soin de créer un lien entre les protagonistes et le public et d'orchestrer avec habileté une montée en tension. Il faut dire que la boite contenant l'esprit maléfique est en elle-même assez mystérieuse et le réalisateur joue suffisamment bien avec le danger que celle-ci peut représenter. Cette première partie, aidée dès le départ par des acteurs au jeux solides, nous amène à croire que le film pourrait surprendre, ce qu'il fera d'ailleurs lorsque le père de famille (interprété par Jeffrey Dean Morgan) aura la très bonne idée de tenter de se débarrasser de la fameuse boite en la jetant dans une poubelle extérieur. À cet instant, on croit être - pour une fois - devant des personnages ayant un comportement à minima lucide et faisant preuve d'intelligence. D'ailleurs, avec le recul, on se dit que ce "Dibbuk" prisonnier de sa boîte, pouvant à minima agir, et ayant le désir de sortir, aurait, comme enjeux, largement suffit pour construire un bon film d'épouvante…. plutôt que de prendre la direction d'un sempiternel Exorciste du pauvre.
En effet, dès qu’est abandonnée l'idée de cet écrin, pour découvrir que ce "Dibbuk" n'est nul autre qu'un démon voulant s'emparer du corps d'une gamine, le spectateur est contraint d’assister à tous les poncifs ultras balisés du genre, excepté qu'ici le prêtre catholique sera remplacé par un juif. Lorsque ce "Dibbuk" suborne l'enfant de l'extérieur, l'histoire nous fait évoluer dans un registre peu convenu, mais dès lors que l'idée de vraie possession se présente, l'identité propre du film est perdue et, à ce stade, il ne nous reste plus qu'à savoir si on va continuer avec des personnages solides, capable de nous désarçonner de temps à autre. Hélas, mille fois hélas, d'un coup, comme par magie, tout le monde devient, à différents degrés, idiot. Nous avons bien ce père qui, afin de sauver sa charmante fille, voyage dans divers endroits pour découvrir les origines de cet achat empoisonné pendant, qu'en parallèle, tout le monde, sans le moindre bénéfice du doute, l'imagine déjà en père violent... sans s’interroger sur le fait que, depuis un bon moment, la jeune « victime » se ballade avec une grosse bague glissée sur le doigt d’une main bleuâtre. Et, personne n’essaiera de lui enlever, même si cet aspect est régulièrement souligné par la réalisation pour indiquer l'état d'avancé de la possession.
Au-delà de cette erreur de bon sens - que l’on trouve aussi parfois dans les films que nous aimons défendre - plein d'autres petits détails viennent à énerver. À commencer par la musique. Une BO d’Anton Sanko, très présente, qui n'aide vraiment pas le spectateur à rentrer dans l'ambiance, en particulier à cause d'une mélodie faisant régulièrement écho aux Dents de la Mer du grand John Williams, sans en saisir toutes les subtilités et sa gestion d'intégration à l'image. Puis si Jeffrey Dean Morgan (le comédien de Watchmen) arrive à nous convaincre et que nous aimons le choix de Kyra Sedgwick (Phénomène) comme mère de famille (pour une fois on est dans le crédible du statut de parenté), il y a de quoi être bien plus perplexe avec l'artiste de reggae Matisyahu qui campe ici un rabbin - sorte d'équivalent au personnage du père Damian Karras de L'Exorciste. La prestation de Matisyahu est d'une médiocrité quasi inqualifiable, mais peut certainement être qualifiée d'incroyable réussite si l'acteur désirait faire passer la dernière partie du film d'Ole Bornedal pour une suite à "Y a-t-il un exorciste pour sauver le monde ?". Certes on pourrait voir le film au second degré et se prendre une bonne tranche de rigolade (ce qui de toute manière fini par se produire), mais ayant encore en mémoire l'excellente direction d'acteurs autour de "Deliver Us from Evil" on a du mal à comprendre ce choix. À moins que le réalisateur, voyant son projet lui échapper, ait décidé de conclure son film dans la parodie avec un personnage complètement surréaliste, en tout cas définitivement pas dans le ton.
Mais, dans le fond, Possédée est loin d'être la pire production de la société Ghost House Pictures. Rise, Boogeyman ou autres Messengers sont bien pires. Car, malgré tout, le premier tiers du métrage se pose comme une assez bonne mise en bouche, et la mise en image, la photographie, le rythme et quelques idées (les papillons noirs envahissant la salle de bain) ressortent assez pour qu'on suive l'aventure sans trop de déplaisir. Après, cela justifie-t-il une sortie en salle alors que les autres films du réalisateur, bien plus réussis, n'y ont pas eu droit (voire restent encore inédits) ? À dire vrai, on ne laisse pas vraiment le choix aux spectateurs, et il est bien dommage qu'une grosse partie du public découvrira ici ce cinéaste, et gardera en mémoire ce produit, alors que Bornedal mérite peut-être bien plus que cela.
La conclusion de Richard B. à propos du Film : Possédée [2012]
Possédée est le produit type de ce que fait généralement la société Ghost House Pictures (exception faite du très bon 30 jours de nuits). Un film ultra formaté, en grosse partie prévisible, parfois involontairement drôle. Pour autant ce "Possédée" du réalisateur Ole Bornedal se laisse voir sans trop de déplaisir, en premier lieu grâce à une première partie réussie, puis grâce à un rythme assez efficace qui fait que l'ennui ne pointe jamais son nez. Pour autant le spectateur aura-t-il envie de se replonger dans une suite (les scénaristes ont prévu cette option dans le cas d'un éventuel succès) ? Cela est loin d'être sûr, comme il me parait certain que ce film aurait eu plus sa place dans les rayons du DTV.
On a aimé
- Une première partie réussie.
- Un rythme assez efficace.
On a moins bien aimé
- Film ultra formaté.
- Une séance d'exorcisme ridicule.
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