Science fiction et publicité > La publicité dans les films de Science Fiction

La publicité fait son cinéma

Le cinéma et la publicité cohabitent depuis longtemps ensemble. C'est en 1924 à Bruay sur Escault (Nord) qu'est apparue la première publicité au cinéma. C'est Jean Mineur qui l'introduisit sous forme d'affiches cousues au rideau de cinéma. Plus tard, les publicités seront de vrais spots et c'est en 1949 qu'apparait le mythique numéro de téléphone Balzac 00 01 accompagné du petit mineur (appelé Galibot) de la société Médiavision.

Dans certains films un peu longs, un entracte était proposé au spectateur ; l’ancêtre de nos « chères » coupures de publicité qui interviennent en plein milieu des films des chaînes de télévision privées. De nos jours, l’entracte a été supprimé mais la préséance est plus longue et exclusivement réservée à la publicité et aux bandes annonces, que l’on peut assimiler à de la publicité. Il ne restait donc plus qu’un pas à franchir pour réintégrer la publicité dans les films Certains réalisateurs comme Alex Proyas (I, Robot) ont passés le cap et la publicité fait maintenant parti de certains films. Les avis sont partagés quand à ce retour de la publicité dans un domaine qu’on croyait protégé.

Logo publiciaire Médiavision

Que la publicité soit avec toi

Qu’on soit pour ou contre, la publicité dans les films est un fait qu’on ne peut plus nier. Il y a quelques années encore, ce phénomène était très rare et en tout cas réfuté et relégué au rang d’un manque de vigilance de la part du réalisateur qui ne pensait pas à mal. Ainsi, vous verrez peu de films d’avant 1990 où il vous sera facile de reconnaître la marque d’un objet quotidien et où les personnages citeront délibérément cette marque. Maintenant, il n’est plus rare de voir et d’entendre des marques, certains films récents comme I, Robot leur octroyant même de longs gros plans.

> La page de la voiture sur Audi.fr > Minisite du concept car RSQ d'Audi, visible dans le film I, Robot
Est-ce un changement de mentalité des réalisateurs, une pratique imposée par les marques amenant une partie du budget, ou simplement une réceptivité accrue des spectateurs plus habitués à reconnaître des marques ? Il semblerait que ce soit un peu des trois à la fois.

Pub avec ou sans sel ?

Quand on parle de publicité intégrée aux films, on peut différencier deux types de publicité. La publicité qu’on appellera active. C’est l’intégration d’un plan, d’une scène ou d’une action mettant en scène clairement le produit, de manière plus ou moins voulue. Contrairement à la publicité passive, celle-ci est une demande du sponsor qui lui permet d’associer son produit au film, à un personnage ou à une situation, alors que la publicité dite passive est un choix visuel et culturel du réalisateur. La publicité passive est en général beaucoup plus acceptée par le public car elle est le fruit d’une intégration douce à la situation, alors que la publicité active est plus brutale, forcée, voire inutile. Et quand on connaît le prix d’une seconde de pellicule cinéma et la difficulté qu’ont les réalisateurs à choisir les scènes à couper au montage pour créer un film de durée standard, il y a de quoi s’offusquer de cette pratique. Voici quelques exemples de publicité active et passive et pourquoi le ressenti envers ces deux formes de publicité n’est pas le même. Essayez de deviner si la publicité est plutôt active ou passive ?

TERMINATOR 3 Victoria's Secret

AVANT - APRES : Est-il encore besoin de vous expliquer le message ? [Active]

Mercedes

Ici le message est distillé subtilement. La Terminatrix "aime" cette voiture (le dernier modèle Mercedes bien sûr) et double tous les autres véhicules sans problèmes en slalommant sans danger apparant. Symbole de vitesse et de sécurité. De plus, la voir nue avancer vers la voiture devrait plaire aux hommes. [Active]

Nokia

Aucun message, on voit juste le dernier Nokia. [Passive]

LE 5EME ELEMENT Mc Donald

Ici le message est clair. On nous montre le Golden Menu (qui existe) et de jolies filles. De plus, le policier nous dit qu'il a faim, mais surtout bien soif (et au passage, vive le gobelet Coca-Cola) [Active]

Mc Donald

Aucun message ici, c'est juste une énorme banderolle McDo et une voiture de police poursuivant Corben qui heurte un camion de livraison McDonald. [Passive]

MATRIX Nokia

Aucun message particulier, on voit juste le dernier Nokia. Néo est quand même surpris de la façon de l'ouvrir. [Passive]

MINORITY REPORT GAP

Apparemment, John Anderton est déjà passé chez Gap... et a apprécié. [Active]

Lexus

La voiture avec laquelle John Anderton s'échappe est une Lexus. On le voit tout d'abord traverser son usine de production, puis s'enfuir avec (symbole de liberté). On la voit tout au long du film de tous les angles possibles. [Active]

Revo

Pas de slogan visible, mais le panneau publicitaire fait quand même partie des indices clés de l'énigme du film. [Passive]

Pepsi

Juste de la publicité dans un centre commercial. [Passive]

Bulgari

Pas de message particulier, on voit juste cette belle montre Bulgari à chaque fois qu'il a besoin de consulter sa fonction chronomètre, jusqu'au zéro final. [Passive]

Le réalisateur piégé ?

Avec la demande croissante de budget nécessaire à la réalisation des films de science-fiction, le réalisateur doit intégrer au mieux le nouvel actionnaire de son film : le sponsor. Acteur parfois essentiel pour récupérer un supplément de fonds, le sponsor peut parfois imposer ses exigences proportionnellement à son investissement. Le réalisateur doit donc céder sur certains points pour pouvoir faire ce qui lui tient à cœur et qui lui sera accessible grâce à cette nouvelle rentrée d’argent. C’est donc un mal pour un bien et une lutte de pouvoir entre deux visions ; la vision artistique et le retour sur investissement. Le réalisateur n’est pas encore piégé par la publicité mais un peu orienté sur des points précis. Et la question ne se pose pas pour les plus petits projets.

Rang Titre Recette mondiale
1. Titanic (1997) $1,835,300,000
2. Le Seigneur des Anneaux : Le Retour du Roi (2003) $1,129,219,252
3. Harry Potter à l'école des sorciers (2001) $968,600,000
4. Star Wars: Episode I - La Menace Fantôme (1999) $922,379,000
5. Le Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours (2002) $921,600,000
6. Jurassic Park (1993) $919,700,000
7. Harry Potter et la Chambre des Secrets (2002) $866,300,000
8. Le Monde de Nemo (2003) $865,000,000
9. Le Seigneur des Anneaux : La Communauté de l'Anneau (2001) $860,700,000
10. Shrek 2 (2004) $818,671,036
11. Independence Day (1996) $811,200,000
12. Spider-Man (2002) $806,700,000
13. Star Wars (1977) $797,900,000
14. Le Roi Lion (1994) $783,400,000
15. Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban (2004) $760,900,818
16. E.T. l'Extra-Terrestre (1982) $756,700,000
17. The Matrix Reloaded (2003) $735,600,000
18. Spider-Man 2 (2004) $726,873,462
19. Forrest Gump (1994) $679,400,000
20. Le Sixième Sens (1999) $661,500,000

Parmi les 20 films ayant rapportés le plus d’argent en salles, seuls deux films ne sont pas assimilables à de la SF : Titanic (1er) et Forrest Gump (19e). Les franchises et suites permettent d’atteindre des sommes astronomiques. Le seigneur des anneaux (3 films) totalise une recette de 2 911 519 252 $ Les 5 Star Wars (6e à venir) : 3 474 979 000 $ Les 3 Harry Potter (4e à venir) : 2 586 544 214 $
L'évolution des budgets pour les films SF montre que les films récents sont bien mieux financés qu'avant. Le top 100 des budgets cinématographiques référencé sur notre site démontre qu'aucun film d'avant 1990 n'apparait avant la 73e place, Superman (1979), viennent ensuite de gros succès comme Retour vers le Futur 2, Indiana Jones 3 et le Retour du Jedi, 3 suites de films d'un succès assuré. Alors que Superman atteignait les 55 millions de dollars de budget, le récent Spider-Man 2, aussi tiré d'un comics, a reçu un budget de 200 millions de dollars, soit quatre fois plus. Une constatation que relève aussi la CNC. Le taux d’investissement dans les films a plus que doublé en 10 ans (source CNC) alors que les coûts de production sont restés globalement stables.

Perception des spectateurs

De même manière que les budgets publicitaires évoluent, la publicité prend de plus en plus de place dans notre société. Elle est tellement ancrée dans notre quotidien qu’une émission hebdomadaire, Culture Pub, s’en est emparée et analyse les tendances, les meilleurs coups… Le (télé-)spectateur est donc de plus en plus habitué à voir de la publicité au point de ne presque plus y faire attention. Sur une heure de programme, le spectateur moyen ingurgite de 5 à 15 minutes de publicité, soit près d’un quart du temps passé. C’est énorme, mais encore loin des spectateurs américains qui regardent 25mn de publicité par heure de programme. On assiste non pas à quelques efforts de promotion mais carrément à un lavage de cerveau en règle qui atteint tout le monde et surtout les plus jeunes, plus réceptifs. Ainsi des études ont montrés que l’influence de la publicité sur les moins de 15 ans était évidente. Il est ensuite plus facile de faire passer de nouveaux messages à ces personnes réceptives. Etant habituées à la publicité, elles n’y font plus attention, la pub fait partie de leur paysage et elles ne la remettent plus en question. Leur perception est altérée grâce à une éducation réalisée dès leur plus jeune âge. C’est comme cela que la publicité a pu intégrer les films sans trop soulever de polémique.

> Le générique de Culture Pub. Notez comme le logo de l'émission reprend l'habillage des marques les plus connues qui, même si elles défilent rapidement et ne sont pas explicitement titrées, sont reconnaissables sans réelle difficulté. Preuve s'il en est que notre esprit est habitué à voir et reconnaitre ces marques.
> Taux de mémorisation de la publicité suivant le média utilisé

A inclus B inclus C

Le cinéma est indirectement lié à la publicité par le biais de la télévision. En effet, la publicité finance la télévision qui finance le cinéma. Ainsi les écrans publicitaires qui précèdent, coupent ou suivent les films dégagent des recettes importantes dont une partie pourra être réinvestie dans la production cinématographique.
La publicité peut également financer directement le cinéma en s'en servant comme support. On parle alors de product placement (placement de produit). Le product placement consiste à placer un produit (matériel ou immatériel) de façon anodine dans un film pour en faire sa promotion. La difficulté de cette pratique réside dans la nécessité d'intégrer naturellement le produit dont on fait la réclame dans le scénario du film et de le mettre en valeur sans pour autant qu'il occupe l'espace du film. Si la mise en oeuvre de cette pratique publicitaire peut s'avérer délicate, elle est, c'est indéniable, on ne peut plus efficace. Elle permet de mettre en évidence un produit dans un contexte traditionnel ou au contraire exceptionnel selon son positionnement marketing. Le produit peut même être l'élément central d'un film comme par exemple la bouteille de Coca-Cola dans "Les Dieux sont tombés sur la tête" (Jamie Uys, 1981). Une forme plus complexe de product placement, le tie-in, est une action de promotion croisée entre une marque et un film, notamment lors de son lancement. C'est par exemple le cas le fabriquant suisse de montres Omega et le dernier film de James Bond "The world is not enough" (Mickael Apted, 1999).

> La campagne Samsung pour Matrix
L'annonceur peut participer de différentes façons au financement d'un film.
  • Soit par un don. C'est par exemple le cas de la RATP qui autorise sous certaines conditions de tourner dans le métro parisien (à la station "Porte des Lilas" le plus souvent).
  • Soit par un prêt. C'est par exemple le cas pour des décors, des voitures ou encore des robes de Haute Couture. Le costume de Leeloo dans Le 5e élément est inspiré de Lacroix (rayures de marins et habits métalliques), Will Smith roule en Audi dans I, Robot, tandis que John Anderton conduit une Lexus dans Minority Report. Les décors peuvent aussi servir de faire valoir, qui ne connait pas le Nakatomi Plazza, lieu de l'action de piège de cristal ?
  • Soit par un apport en argent. Ainsi, pour que James Bond conduise une BMW dans "Tomorrow never dies" (R. Spottiswoode, 1997), la firme allemande a du verser 40 millions de dollars (240 millions de francs) à la production. Rappelons que ce film a presque été entièrement financé grâce au product placement.

Qu’apporte la publicité à nos films de SF ?

  • Du réalisme ? La publicité fait partie intégrante de notre société. Une société sans publicité est utopique. Montrer une société, même futuriste, avec de la publicité ajoute au réalisme de celle-ci, mais perd aussi de son coté créatif et imaginatif. La publicité reste un point de repère dans une société inconnue ou peut être vue comme un clin d’oeil.
  • Du budget ? Certes du budget, mais aussi une perte d’identité, la publicité se réappropriant l’œuvre ou le personnage visé. On a plus tendance à voir « Will smith roulant en Audi » plutôt que l’action. Par contre, le budget permet de faire de nouvelles choses, d’avoir de meilleurs effets spéciaux ou des acteurs plus connus et mieux payés.
  • Une réflexion sur l’avenir ? Malgré tout ce qui pourrait arriver à notre monde entre aujourd’hui et demain, certaines multinationales semblent pouvoir résister là où les autres ne sont plus. Est-ce une constatation du réalisateur sur l’avenir radieux de ces holdings ou simplement un message destiné à leurs concurrents : pas la peine de lutter, nous serons encore là dans 300 ans ? Un peu des deux, mais c’est surtout la manière de présenter cette publicité qui fera pencher la balance dans un sens ou dans l’autre.

> Article sur la publicité dans le cinéma
Pendant que la publicité s’attardait à s’infiltrer dans les films de SF, elle s’est aussi servie des codes de la SF pour améliorer et diversifier ses messages.