Entretien avec... Ian McDonald
A l'occasion de la sortie de son roman le Fleuve des Dieux

Ian McDonald est un auteur qui a été souvent traduit ces dernières années. C'est avec un plaisir non contenu qu'on découvre chaque année une de ses oeuvres. Le Fleuve des dieux (éd. Denoël coll. Lunes d'encre) est peut-être son roman le plus ambitieux, un roman social comparable au célèbre Tous à Zanzibar de John Brunner, considéré comme culte. Il nous a accordé une interview, et l'on a découvert à quel point il était aussi passionnant à lire que ses romans.

Bonjour Ian McDonald.
Auteur de 15 romans, 4 recueils de nouvelles et autant de nouvelles (si mon compte est bon), vous êtes de plus en plus apprécié en France, alors que 3 de vos livres (
Roi du matin, reine du jour (1), Brasyl (2) et le Fleuve des dieux (3).) ont été publiés durant ces deux dernières années. C'est donc avec un grand plaisir de vous lire en français parce que ça fait presque 15 ans d'attente depuis Desolation road (4), Etat de rêve (5) et Necroville (6).
Dans votre actualité,
The Dervish House, votre dernier roman, vient juste de paraître en juillet dernier. Une histoire qui a lieu dans un Istanbul futur et sur peuplé qui appartient à l'Europe et où le gaz est source de pouvoir. Pouvez-vous dire un mot de l'histoire aux lecteurs français ?

I. MD.: Cela a lieu dans un futur proche, en 2027, durant les 5 jours d'une vague de chaleur étouffante. La fenêtre de temps délibérément étroite - cinq jours, six personnages qui vivent ou travaillent dans une vieille maison de Mevlevi qui a été convertie en appartements. Il y a une start-up spécialisée en nanotechnologie, un gars qui se fait prendre dans une affaire de terrorisme et qui voit des djiins, une fraude de société de style Enron liée au gaz illégal iranien, une chasse à une soi-disant légende, un artefact peut-être pas ancien - un homme mielifié (un corps humain momifié dans le miel). Plus des histoires secrètes d'Istanbul, le nom caché de Dieu et le robot (un jouet) le plus cool qu'un gamin de neuf ans a jamais eu. Je ne vais pas dire comment les histoires vont converger, mais elle le font... Et il y a un match de foot (J'aime mettre du sport dans mes livres, parce que la SF et la fantasy éprouvent généralement de la phobie à cet égard) - Galatasaray contre Arsenal. Dans un de mes voyages de recherche, nous étions tombés en panne à Selcuk et nous étions allés dans un bar du coin pour voir un match Turquie-Grèce. C'était du foot sérieux - spécialement quand la Turquie a été battue. Dans Dervish House j'essaie de mettre en relief ce que la SF peut être - et même si il y a une nanotechnologie émergente dans le livre (J'ai fait l'expérience mentale où j'y donnais le même genre de développement exponentiel que prendrait le téléphone mobile en 17 ans) la science réelle est l'économie. De même, il y a un thriller historique, du mysticisme islamique - et la ville est aussi bien un personnage que les humains qui y sont rassemblés.

Comment êtes devenu écrivain? Quelles sont vos influences?

I. MD.: Il n'y a qu'une personne qui m'a fait devenir écrivain plus que nulle autre. Merci, Margaret Thatcher. Si vous n'aviez pas complètement déréglé le marché du travail au début des années 80, il est possible que j'aurais passé des années, piégé dans un travail, cherchant l'occasion de mettre les doigts au clavier. Maintenant, bien sûr, parce que je suis plus vieux et que j'ai l'esprit de contradiction, je crois vraiment que les auteurs ont un autre métier - le travail pénible du stylo est toujours un travail pénible. Etre coincé dans une pièce blanche à martyriser les touches d'un clavier, pondre livre après livre après livre - ce n'est pas ce qui m'a fait venir dans le milieu au début. Un autre travail vous sort de la pièce blanche, parmi les gens, où l'on peut entendre des voix et voir des visages et apprendre des choses. Le process actuel pour devenir écrivain est vague et barbant - des pastiches de Star Trek quand on était gosse, chercher une excuse pour modifier un devoir d'école en pièce de science fiction - jusqu'à vendre ma première nouvelle (J'ai acheté une guitare avec l'argent, le seul vague objet rock-and-roll que j'ai jamais eu). Puis l'entrée sur le marché américain, puis capter l'attention d'un éditeur à Bantam Books, puis le premier roman - c'est un plan de carrière essayé et testé.
Influences? Le dernier livre que j'ai acheté. Les gros titres d'aujourd'hui. Tout ce que j'ai jamais vu, tout ce que j'ai jamais lu (Je ne voudrais pas acheter le livre si je ne pensais pas en retirer quelque chose), tout ce que j'ai jamais fait.

Desolation road a été nominé pour le Arthur C. Clarke, et l'année précédente, unfinished portrait of the king of pain by van Gogh a éte nominé pour le prix Nebula. Pensez vous qu'à ce moment vous aviez des facilités pour l'écriture en science fiction?

I. MD. : Je ne l'ai jamais pensé. Et même maintenant ce n'est pas facile. J'aurais des doutes si ça l'était.

Vous êtes né en Angleterre, né d'un père écossais et d'une mère irlandaise, et vous avez déménagé à Belfast pendant la période trouble de l'Irlande du Nord.
Peut-on dire que vous trouvez votre inspiration dans votre jeunesse et votre vie actuelle à Belfast pour un grand nombre de vos romans, même s'ils ont lieu en Inde, sur Mars, au Brésil ou à Istanbul?

I. MD. : Je m'intéresse aux marges des choses - pays, genres, cultures et groupe s de gens. Pour moi, une des choses les plus importantes à propos de l'identité culturelle est la permission de conserver cette culture. Les marges, les endroits où une chose qui se transforme en une autre et où s'opère une hybridation, sont là où doit être l'action. Le coeur est morne. Le Fleuve des Dieux a lieu en Inde - un endroit qui était (quand j'ai imaginé le livre à l'époque en 1999) en marge de ce que pensaient les gens à propos du futur. L'Asie du futur était le Japon - tout ce cybercool post-Gibson. L'Inde n'était pas du tout de la science fiction. Mais elle me semblait bien plus intéressante à cause de ça. La Turquie m'a attirée parce qu'elle est aux frontières de tout - de l'Europe, de l'Asie. Et ces frontières se font face à travers le Bosphore - et ne se rejoignent presque pas. C'est pour cela que je n'ai aucun intérêt à écrire un livre qui aurait lieu en Chine, parce l'histoire a déjà été faite. C'est le centre, c'est le courant principal maintenant. Grandir dans l'Irlande du Nord - même en tant que bourgeois et dans un lieu protégé comme Bangor, une ville au bord de la mer à environ vingt kilomètres de Belfast - développe en vous un sens des divisions en société. Vous voyez comment les conflits commencent et continuent - et comment ils changent en 30 ans. C'est un bon entraînement pour le XXIe siècle. L'Irlande du Nord est, bien sûr, la première et dernière colonie de la Grande Bretagne et cela affecte aussi la façon de voir le monde. La science fiction ne réalise que maintenant que c'est une fiction mondiale et que les pays autres que les Etats-Unis et l'Europe ont aussi des futurs - et qu'ils façonnent ces futurs d'une manière particulière. Je suis en train de lire une théorie post coloniale et ce qui me frappe c'est qu'elle a déjà dix ans de retard - le monde réel a évolué au delà de la théorie - c'est un monde bien plus multi polaire. Les forces de colonisation qui ont acheté en masse votre pays agricole et qui est parcouru par leurs patrouilles de mercenaires, sont chinoises, pas américaines. La flotte qui a tellement dépeuplé les mers de tous vos poissons que vous devez dépendre de la viande bas de gamme d'Australie est japonaise. Cette toute nouvelle mosquée et cette école coréenne ont été construites avec l'argent du pétrole saoudien. Votre équipe de football appartient maintenant à un oligarche russe qui a fait fortune en rachetant de vieilles industries d'état en faillite. C'est intéressant, c'est le vrai monde qui se définit lui-même, en créant de nouvelles réalités, jour après jour. Mets-toi à jour, théorie!

Donc il n'y a aucune chance pour que vous écriviez un livre qui a lieu à Paris, Londres ou Berlin dans un futur proche parce que l'Europe de l'Ouest n'est pas (ou ne représente pas) le futur. Mais est-ce que la Crise n'a pas révélé que des problèmes d'identité grandissaient en UE (Belgique, France, Europe centrale), comme cela a commencé dans votre Inde de 2047?

I. MD.: Toutes les chances. Je travaille sur une idée en ce moment. L'endroit qui m'intéresse est l'Islande - même si cela n'aura pas lieu uniquement là-bas. Voilà un pays avec une population plus petite que celle de Belfast, qui réussit à diriger un orchestre symphonique complet et une ligne aérienne. Et joue un terrible tour de prestidigitation financière qui finalement - inévitablement - qui part hors de contrôle et les gens refusent de supporter la lourde taxe après la nationalisation. Et ils passent à une économie zéro carbone - si tout le coin n'est pas ravagé par l'extraction de l'aluminium. C'est ça qui m'intéresse. On verra. C'est juste une idée pour le moment.
Tous les dix ans je jette un coup d'oeil à ce que j'écris et je change de direction. Je ne veux pas être catalogué à faire le même genre de livre, dans le même style. Il est temps de changer de ce que j'appelle les livres du « nouvel ordre du monde » et me bouger un peu. J'ai envie de voir ce que je peux faire, et quel genre. Pourtant, mes sensibilités restent les mêmes ; il y a d'autres moyens de les exprimer.
J'écris une série pour les jeunes lecteurs (destinée aux garçons) parce que j'ai eu une idée, une situation et un ensemble de personnages que j'aime, et les premiers livres seront remis en décembre. C'est sympa à écrire, mais je veux arriver au stade où je travaille (plus lentement) sur un livre pour les plus vieux en même temps.

Le Fleuve des dieux, comme Desolation road il y a 16 ans, nous permet de suivre plusieurs personnages (neuf dans le fleuve des dieux). Ce process utilisé avec talent par John Brunner (Tous à Zanzibar, le troupeau aveugle...) et par les auteurs de space opera nous donne beaucoup de points de vue et place le lecteur au-dessus de la mêlée. Mais c'est parfois déroutant et difficile à suivre. N'était-ce pas risqué ? Pourquoi avoir choisi ces personnages en particulier?

I. MD.: Me lire, c'est comme flirter avec moi. Vous devez passer du temps avec moi, m'acheter quelques verres coûteux, me couvrir d'attention, m'offrir un bon dîner.  Vous ne couchez pas au premier rendez-vous. Peut-être pas au deuxième non plus. Je suis pour les relations longues, chérie. Je tombe sur des gens qui feuillettent et qui lisent à toute vitesse : pourquoi lisent-ils ? Pour avoir fini un livre et pour l'avoir étiqueté dans leur liste « à lire » ? Si je lis un livre, c'est parce que je veux le lire, pas l'avoir lu. Pour le finir ?  Vous ne menez pas votre vie comme ça - glisser à travers le plus doucement possible pour aller jusqu'à la fin. Ne lisez pas un livre comme ça. C'est un voyage, pas une destination.
Pour certains lecteurs, les personnages à multiples points de vue peuvent être comme des ralentisseurs -  qui freinent leur rythme de croisière. Qui les obligent à se réajuster. J'ai toujours aimé les points de vue multiples. Tous à Zanzibar a été une grande inspiration quand je l'ai lu il y a des années - je ne l'ai pas relu depuis, peut-être que je ne relirai pas. Je me demande si ça vaut toujours le coup ? J'ai trouvé que c'était un moyen utile pour explorer un monde énorme. Personne n'obtient le monde tout d'un coup. Personne ne sait tout. Les différents regards voient les choses différemment. Il y a beaucoup d'interprétations et d'impressions sur ce qui se passe,  et chaque personnage aura mis une pièce différente du grand puzzle. Le lecteur sera en possession de l'information que d'autres personnages n'auront pas - mais sans avoir à balancer un gros paquet d'infos. En fait, ce n'est pas différent des téléfilms dramatiques des US, qui peuvent avoir beaucoup d'intrigues et de points de vue. C'est plus facile à la télévision parce qu'on peut voir les personnages et à cause de la façon dont sont structurées nos perceptions,  c'est un dispositif de mémorisation bien plus efficace que celui de lire un nom. Mais la raison première pour laquelle est utilisée cette technique dans le fleuve des dieux, c'est à cause du vieux mythe indien/arabe des aveugles et de l'éléphant - chacun, n'ayant jamais connu d'éléphant avant, le touche en différents endroits et pense que ce qu'il en retire est différent des autres. L'Inde est trop grande et complexe et diverse pour un seul personnage. J'ai pensé nécessaire de mettre des personnages à l'ouest pour poser les questions et donner le point de vue de l'étranger - je ne suis pas sûr que je le ferais aujourd'hui.

Cyberabad days (7), parce que c'est un recueil de nouvelles, se concentre sur un seul personnage dans chaque nouvelle. Aviez-vous l'intention de revisiter l'Inde de 2047 d'une façon différente par rapport au Fleuve des dieux?

I. MD.: Il y a tellement tellement plus dans le monde et tellement d'autres histoires à raconter. Il y a des fragments de mes voyages de recherche qui étaient fantastiques mais qui ne collaient pas au schéma de l'histoire - the little godess en était une - mais était si fantastique et poignante et portait un tel regard sur mon monde fictif que je devais les utiliser. Que se passe-t-il après que vous arrêtez d'être une divinité ? Un critique dont je respecte les opinions a commenté,  « il n'y a rien qui puisse empêcher (c'est-à-dire, les évènements qui se déroulent à la fin du livre)  que cela se produise de nouveau. » Cela m'a donné l'idée d'une novella en conclusion - écrite spécialement pour le recueil, Vishnu at the cat circus. L'approche se fait de plusieurs points de vue mais séparée en différentes histoires individuelles. Elles sont racontées dans un ordre plus ou moins chronologique, mais elles dépassent (bien sûr, les personnages ne se connaissent pas) et viennent en parallèle des évènements du Fleuve des dieux.

Pour les lecteurs français qui n'ont pas lu Cyberabad days, the litle goddess raconte l'histoire d'une jeune fille qui tombe de sa position de déesse traditionnelle, choisie et vénérée à cause de sa perfection selon de nombreux signes, et réussit à redevenir une déesse d'une manière plus moderne parce qu'elle possède la connaissance de cinq aeias évoluées.
Vishnu at the cat circus est une novella incroyable: elle met en lumière les évènements du Fleuve des dieux grâce au narrateur et d'un autre point de vue. C'est un Brahmin et on peut suivre sa vie avant, pendant et après la crise de Kunda Khadar qui se déroule dans le FdD. Un Brahmin est une personne qui a une vie deux fois plus longue qu'une personne normale et qui devient deux fois plus intelligente dans le même temps. Lire cette novella m'a montré combien plus riche et plus complexe était le monde du FdD, que ce soit sur le plan social, de la bio ingénierie, de la technologie des IA, des médias et de l'économie. Cela explique aussi et détaille sa Singularité technologique finale. Le FdD apparaît du coup comme l'un des romans majeurs de ces dernières années: Rainbows'end, Temps et Accelerando en un seul livre.

Avez-vous écrit cette novella pour compléter le Fleuve des dieux ou pour expliquer quels en était les vrais enjeux ?

I. MD.: Je voulais avoir une novella originale dans le recueil pour que les lecteurs aient quelque chose qu'ils ne pouvaient pas obtenir ailleurs.   Cela semble être un standard dans les recueils en ce moment - une petite douceur. Le seul groupe du Fleuve des dieux que je n'avais pas exploré était celui des Brahmins : les enfants génétiquement modifiés des puissantes classes moyennes indiennes. J'étais intéressé par l'idée que la biotechnologie pouvait directement convertir le succès génétique en réussite économique - et ce succès se transmettrait de génération en génération. Ce qui était évident était donc de faire de Vish le personnage principal, tous les avantages - y compris une vie plus longue, bien qu'il vieillisse deux fois moins vite que l'humanité standard - et puis les reprendre, alors qu'une nouvelle forme de technologie change l'humanité et devienne obsolète. C'est un bon point d'observation des changements majeurs de la société - Vishnu l'est.
Ce qui me permet de tourner autour de votre argument sur le monde du FdD. En un sens ce n'est pas un futur « science-fictionnel ». Ce n'est pas un monde où les seuls changements sociaux sont ceux qui nécessairement supportaient l'idée de la SF - le « novum » - qui alimente l'histoire. C'est un futur où tout est différent, où il se passe des douzaines de choses. J'ai toujours pensé que le FdD était un roman social - se déroulant dans une société future (en partie en raison de la large gamme de personnages qui s'étend du conseiller politique jusqu'au criminel de bas-fonds, en passant par le flic de classe moyenne. Le Fleuve des dieux ne peut détailler tous les aspects de cette société de manière égale, mais ils sont là, et dans le recueil de nouvelles j'avais la place pour les explorer.

Comme dans Brasyl, mais pas seulement, le Fleuve des dieux parle de nanotechnologies. Ils pourraient apparaître, dans notre futur, plus tôt que nous le pensons. Alors ça y est ? Les nanotechnolgies sont sur le point d'envahir nos vies et de changer nos politiques, économies, religions et vies sociales ?

I. MD.: C'est en effet une technologie sur laquelle je n'arrête pas de revenir. Peut-être parce que cela a lieu maintenant, mais pas dans le sens où la science fiction pensait qu'elle viendrait - ce n'est pas une chose dans le sens où la technologie du téléphone portable (y compris les ordinateurs portables) est une chose. C'est en partie les produits pharmaceutiques, en partie la science des matériaux, en partie la biologie synthétique, en partie la chimie. Et cela n'a pas une utilisation ou une application, cela a beaucoup beaucoup d'utilisations, toutes pas immédiatement apparentes. Pourtant nous vivons avec les bénéfices de la nanotechnologie tous les jours, dans toutes ces livraisons de drogues à l'intérieur des fullerènes pour l'utilisation de nanoparticules d'argent pour mettre votre sportswear à l'abri des bactéries et des nanotubes de carbone dans la construction des vélos de course. Il y a beaucoup d'utilisations différentes. La SciFi (plutôt que SF) ne nous a conditionnés à considérer la nanotechnologie que d'une seule façon - les minuscules robots replicants, une pâte grise visqueuse, les « nanites » de Star Trek.  C'est amusant mais ce n'est pas la nanotechnologie que nous obtenons. C'est comme la différence qu'il y a entre le  Géant! Ordinateur! Cerveauuu! familier de la scifi des années 60 et 70 et ce que nous avions à ce moment - petites calculatrices de poche, dont certaines sont programmables.  Le marché est un grand dompteur de technologies. Dans the Dervish house, la nanotechnolgie est discrète et omniprésente et les gens l'utilisent tout le temps, tous les jours. Elle a infiltré leurs vies à un tel point qu'il n'y pas plus allusion que nous et la technologie informatique qui nous entourre. Dans Vishnu at the cat circus,  je lâche dans le monde de Vishnu des ordinateurs nanotech. Un nuage informatique omniprésent. L'effet que cela aurait sur la société humaine - ou tout ce que nous savons de nous-même, est incalculable. En même temps, dans the Dervish house, le transcripteur Ceylan-Beranasi est une tête GMR pour l'ADN - en fait transformant l'ADN non codé en mémoire informatique. J'aime la technologie qui vient à l'intérieur de vous - qui vous change - et le monde - de l'envers.

Comme dans Sanjeev and Robotwallah et the little goddess, le Fleuve des dieux traite des relations entre le genre humain, les nanomachines et les IA. C'est un sujet post-cyberpunk. Les relations entre êtres humains et Ia vont devenir compliquées dans tous les cas. Etes-vous intéressé par la question et vouliez-vous la mettre en lumière dans votre roman ?

I. MD.: Je suis  intéressé par le fait d'être intelligent d'une autre manière. Penser que notre intelligence est la seule possible est d'un chauvinisme purement humain - étant donnée la manière peu rigoureuse dans laquelle elle évolue - et étant donné que nous ne savons toujours pas ce qu'elle est. Celle évoluée en réponse à un cadre spécifique de contraintes environnementales et sociales, et ce qui me frappe c'est que toute intelligence artificielle ne peut que se développer en réponse à son propre environnement. Le grand trope de l'ASF du « cerveau dans la boîte » doit avoir quelque monde dans lequel il se trouve lui-même et contre lequel il peut se distinguer - pour pouvoir dire « c'est moi et ce n'est pas moi ». Sinon, de quoi va-t-il parler ? Une IA pourrait certainement feindre d'être humain, sans être une intelligence humaine. C'est pour moi un point à propos du test de Turing pour les intelligences artificielles - cela devrait convaincre un testeur qui ne voit pas la source des réponses à ses questions que ce n'est pas humain. Mettez un enfant de cinq ans dans cette pièce, est-ce que la personne à l'autre bout pensera que c'est un humain ou un ordinateur ? Que penser d'une personne atteinte d'autisme sévère ? Pourtant, nous reconnaissons que ces gens sont intelligents et conscients. Dans le Fleuve des dieux, le soap opera totalement conçu par ordinateur est un monde suffisamment complexe et riche pour être développé par une intelligence - mais, parce que je voulais utiliser le panthéon hindou comme modèle, il s'élève dans une vague hiérarchisée - des millions de sous entités construisant des entités plus élevées qui créent un niveau au-dessus du niveau des IA de génération 3. (Houp, aurais-je dû dire "spoiler" ?)  Elles sont intelligentes, mais pas comme nous le sommes. Leurs sens, perceptions et  environnements sont assez différents des nôtres. Je m'intéresse aussi aux IA intelligentes juste comme elles ont besoin de l'être, donc vous pouvez avoir l'intelligence d'un chien, d'un chat ou d'une mouche - ce qui est à peu près l'intelligence de nos drones de combat en ce moment. Les robots de combat de Sanjeev and Robotwallah - j'étais intéressé à prendre un autre cliché de SF - le truc des robots de combat japonais  (la culture populaire japonaise ne m'intéresse plus) - et l'indianiser. C'est cela qui me semblait amusant.

Le Fleuve des dieux parle de combats: social, sexuel, économique et technologique. Il y a des conflits entre les IA évoluées et les êtres humains, entre les sexués et les nutes, entre les pauvres et les riches (comme dans Sacrifice of fools traitait du conflit culturel et technologique entre les Shi'an et les habitants de Belfast), entre la modernité et la tradition. Cela se termine-t-il toujours en conflit ?

I. MD.: Oui. Pour moi, c'est le cas. Première règle de l'écriture. Pas de conflit, pas de drame.  Si vous voulez que je m'étende sur le sujet, où vous avez un accès inégal de ressources et des jeunes mâles vous aurez un conflit et une violence fréquente. Où vous avez différents groupes sociaux - ou divisés par classe, ethnicité ou religion, vous avez une différence et c'est pas une chose avec laquelle nous avons du mal à vivre - au niveau du groupe. Donc je n'écris pas d'utopies - elles m'ennuient. Elles sont trop propres. J'ai des doutes sur les utopies - j'ai toujours suspecté qu'il y avait des corps dans les fondations. Je n'écris pas non plus de dystopies (pour reprendre un terme déjà trop utilisé) - je les trouve généralement monotones et simplistes. Je pense que j'écris sur le monde tel qu'il est, quelque part entre le ciel et l'enfer.

Et par exemple (ce qui est le propos principal dans Sacrifice of fools), le conflit entre nutes (Je me souviens que Greg Egan avait brièvement utilisé l'idée dans l'énigme de l'univers) et sexué est inévitable?

I. MD.: Sacrifice of fools est la troisième partie d'une trilogie non officielle et non connectée à propos de l'Irlande qui a commencé avec Roi du matin, reine du jour, puis exploré un peu plus dans Hearts, Hands and Voices / the Broken land (selon la version UK ou US) et fini avec SoF.  L'idée est venue en regardant ce vieux film Alien Nation, qui a une grande idée - des extra-terrestres - beaucoup d'extra-terrestres - viennent et s'installent parmi nous comme immigrants - en quelque sorte similaire à District 9, et comme District 9, gravement perdu dans la deuxième moitié, où Alien Nation tournait au film de dealers de drogue. Alors j'ai pris l'idée et l'ai changée où ce genre de changement social avait de gros effets - l'Irlande du Nord. Donc vous avez les Protestants, les Catholiques et un quart de millions d'extra-terrestres - les Shi'an. Maintenant, c'est un formidable outil pour explorer le sectarisme nord irlandais.  Je crois qu'un des spin-off a été publié en français Frooks, je pense. La différence de sexe dans SoF était que les Shi'an n'avaient des relations sexuelles que deux fois par an - pendant deux saisons quand ils étaient effectivement en chaleur - mais quand ils en ont, ils en ont vraiment. Et bien sûr, la première chose que les humains font quand il y a du changement, technologique, social, économique, est d'essayer d'en profiter. Donc il y a les humains dans le livre qui sexuellement attirés par les Shi'an - les frooks -   ( et bien sûr les Shi'an qui l'exploitent) et étant en Irlande du Nord, avec nos répressions et culpabilités Catholiques et Protestants, cela va créer une sous-couche sexuelle. Ce conflit n'était pas central dans le livre, mais c'était caractéristique de la vie en Irlande du Nord, où l'homosexualité n'a été rendue légale qu'en 1982. Je vous donnerai un moment pour vous y plonger. J'ai bien peur que le monde en général ne soit en train de virer à droite, à l'intolérance aussi bien religieuse que politique. Les minorités sexuelles semblent être la dernière cible sécurisée pour la bigoterie. Homophobe est une accusation plus facile à balayer que raciste. En Inde, les hijras - les eunuques qui vivent comme des femmes - ont un rôle très spécial mais en même temps très restrictif dans la société. C'est une culture qui a des difficultés à venir en termes de types de sexualité au-delà de l'hétérosexualité, et qui demande un statut égal dans une société qui trouve toujours le confort et l'ordre dans les classes, castes et sous cultures religieuses, reconnues, sociales et sexuelles. C'était quelque chose que je voulais explorer avec les nutes - ce qui arrive quand un nouveau sexe - un troisième sexe - apparaît et demande sa propre voix et place. Est-ce qu'une société plus large essaiera de pousser les nutes dans le même rôle traditionnellement occupé par les hijras, de nouvelles niches apparaîtront, deviendront-ils complètement intégrés à la société ?

Le Fleuve des dieux soulève tellement d'autres questions mais nous devons malheureusement conclure. Après the Dervish house, travaillez vous sur d'autres projets ?

I. MD.: Toujours occupé. Je suis dans la première partie d'un contrat pour Pyr d'une série pour la jeunesse: la série Everness (et cela pourrait aller jusqu'à 10 volets). C'est amusant. Je n'en dis pas trop parce que je suis superstitieux et souvent trop modeste. Je suis aussi en train de mettre en forme des notes pour un nouveau roman pour adulte - ce qui sera pour moi quelque chose comme un nouveau départ. Comme je l'ai dit, la séquence new order world est finie (du moins, je devrais reprendre la fin de la saga Chaga un jour) et il est temps d'essayer quelque chose de différent, voir ce que la science fiction peut faire. Au delà de ces quelques livres j'ai l'intention d atteindre ce que mon éditeur Simon Spanton de Gollancz  appelle le public « Catholique non pratiquant » - des gens qui ont lu de la SF dans leur adolescence et pendant la vingtaine mais qui ont abandonné parce que les goûts changent, ou qu'ils s'en sont éloignés en grandissant, ou qu'ils se sont encroûtés. Le genre de personnes qui lisent un livre de science fiction par an - me lisent. C'est ma stratégie d'écriture du moment. Donc j'ai les bases de Hopeland, qui est une saga familiale alternative qui démarre vingt minutes après que vous ayez lu cela et finit au milieu des années 2020. C'est une saga familiale  - mais contrairement à la plupart des sagas familiales, qui a lieu dans le temps, génération après génération, celle-ci se déroule dans l'espace. C'est un gros pari. C'est stupidement ambitieux. On verra. J'aime les défis.

Merci beaucoup, Ian McDonald, nous attendons avec impatience de lire the Dervish House. On envie ceux qui vous rencontreront aux Utopiales de Nantes.

(1) : Roi du matin, reine du jour (Denoël, Lunes d'encre)
(2) : Brasyl (Bragelonne)
(3) : Le Fleuve des dieux (Denoël, Lunes d'encre)
(4) : Desolation road (Robert Laffont, Ailleurs et demain)
(5) : Etat de rêve (Robert Laffont, Ailleurs et demain)
(6) : Necroville (J'ai lu)
(7) : Cyberabad days (non traduit)
(8) : Sacrifice of fools (non traduit)

Hello Ian McDonald.
Author of 15 novels, 4 collections and as many stories (if my count is correct), you are more and more known and appreciated in France, as 3 of your books (
King of morning, queen of day (1), Brasyl (2) and River of Gods (3).) were published these last 2 years here. It is then a great pleasure because we had to wait for nearly 15 years after Desolation road (4), Empire dreams (5) and Necroville (6) before reading you again in French.
In your recent news,
the Dervish House, your last novel, has just been released this last July. A story that takes place in a future and crowded Istanbul that belongs to the EU and where gas is power. Could you say a word for French readers about the story?

I. MD. : It's set in the near future, in 2027, and takes place over five days during a killer heatwave.  The focus is deliberately tight -five days, six characters who either live or work in an old Mevlevi dervish house that's been converted into apartments. There's a nanotechnology start-up, a guy who gets caught up in a tram-bombing and start to see djinn, an Enron-style corporate fraud involving illegal Iranian gas,  a hunt for maybe-legendary, maybe not ancient artifact -a Mellified Man (a human corpse mummified in honey). Plus secret histories of Istanbul, the hidden name of God and the coolest toy robot a nine-year-old kid ever got. I'm not going to tell you how the stories all come together, but they do... And there's a football match ( I like putting sport in my books, because SF and Fantasy are notoriously sport-phobic genres) -Galatasaray versus Arsenal. On one of my research trips, we were down in Selcuk and we went to a local bar to see a Turkey-Greece game. That was serious football -especially when Turkey was beaten. In Dervish House I'm trying to push at what SF can be about -so even though there is emergent nanotechnology in the book (I did a thought experiment where I gave it the same kind of exponential development that mobile phone technology had in 17 years) the real science is economics. Likewise, there's a historical thriller, Islamic mysticism -and the city is as much a character as the humans whose lives get caught up together.

How did you become a writer? What are your influences?

I. MD. : There's one person who made me become a writer more than anyone else.  Thank you, Margaret Thatcher. If you hadn't so completely fucked up the employment markets in the early 1980s, I might spent years trapped in a job, looking for opportunities to put fingers to keyboard. .   Now, of course, because I'm older and much more contrary, I'm a great believer that writers have dayjobs -the drudgery of the pen is still drudgery. Being stuck in a white room rattling keys on the keyboard, churning out book after book after book -that's not what drew me to the business in the first place.  A day-job gets you out of the white room, among people, hearing voices and seeing faces and learning things. The actual process of becoming a writer is vague and dull -Star Trek pastiches as a kid, looking for any excuse to turn a school writing assignment into a piece of science fiction-to selling my first story (I bought a guitar with the money, the only vaguely rock-and-roll thing I've ever done). Then breaking the US market, then catching the eye of an editor at Bantam Books, then the first novel--- it's a tried and tested career path.
Influences?  The last book I bought. Today's headlines.  Everything I've ever seen, everything I've ever read ( I wouldn't have bought the book if I didn't think I could get something out of it), everything I've ever done.

Desolation road was nominated for Arthur C. Clarke, and the year before, Unfinished Portrait of the King of Pain by Van Gogh was nominated for Nebula Award. Did you think at that time that you were easy to writing science-fiction?

I. MD. : Never did. And it still isn't easy. I'd be suspicious if it was.

You were born in England by a Scottish father and an Irish mother, then moved to Belfast during the troubled times of Northern Ireland.
Could we say that you find your inspiration in your childhood and your current life in Belfast for many of your novels, even though they take place in India, on Mars, Brazil or Istanbul?

I. MD. :  I'm interested in edges of things -countries, genres, cultures and groups of people. To me, one of the most important things about identity culture is permission to leave that culture. The margins, the places where one thing bleeds into another and hybridisation takes place, are where the action is. The core is dull. 'River of Gods' is set in India -a place that was (when I first conceived the book back in 1999) was on the edge of people's thinking about the future. Future Asia was Japan -all that post-Gibson cybercool. India wasn't science fiction at all. But it seemed much more interesting to me because of that. Turkey attracted me because it is the edge of things -edge of Europe, edge of Asia. And the edges face each other across the Bosphorus -and don't quite meet.   That's why I've no interest in setting a book in China, because that story is done. It's the core, the mainstream now.  Growing up in Northern Ireland  --even in as bourgeois and protected a place as Bangor, a seaside town about twenty kilometers outside Belfast-- you still develop a sense for divisions in society. You see how conflicts start and continue -and how they change over thirty years.  It's a good training for the 21st century. Northern Ireland is, of course, Britain's first and last colony and that also affects the way you look at the world. Science Fiction is only now realising that it's a global fiction and that countries other than the US and the EU have futures too -and shape those futures in their own particular ways.  I've been reading post-colonial theory and what strikes me is that it seems about ten years out of date -the real world has moved beyond theory -it's a much more multi-polar world. The colonizing force buying up your farmland and patrolling it with mercenaries is Chinese, not US. The fleet sucking all your fish out of the sea so you have to depend on imported junk meat from Australia is Japanese. That shiny new mosque and Koran school was built with Saudi oil money. Your football team is now owned by a Russian oligarch who made a fortune buying up old bankrupt state industries. This is interesting, this is the real world defining itself, creating new realities, day by day.  Catch up, theory!

So there is no chance you write a book that takes place in the near future in London, Paris or Berlin because Western Europe is not (or represent) the future. But has the crisis not revealed that identity matters are growing in EU (Belgium, France, central Europe), as it started in your 2047 India?

I. MD.: Every chance. I'm working on an idea at the moment. One place I'm interested in is Iceland -though it won't be set exclusively there.  Here's a country with population smaller than Belfast, that manages to run a full-scale symphony orchestra, and an airline.  And performed a thrilling piece of financial conjuring that eventually -inevitably-crashed out of control -and then the people refused to shoulder the tax burden after nationalisation. And they're moving to a zero carbon economy -if the whole place isn't wrecked by aluminium smelting. This interests me.  We'll see.  It's just an outline at the moment.
Every ten years I take a look at what I'm writing and change direction.  I don't want to get pigeon-holed into doing the same sort of book, in the same sort of style. It's time to move on from what I call the 'New World Order' books and push myself a little.  I'm keen to see what I can do, and what the genre can do.  Yet my sensibilities remain the same; there are other ways of expressing them.
I'm writing a series for younger readers (aimed at boys) because I had an idea, a situation and a set of characters I loved, and the first books is delivering in December. It's fun to write, but I want to get to the stage where I'm working (more slowly) on a book from older people at the same time.

River of gods, like desolation road 16 years before, lead us to follow several characters (nine in RoG). This process used with talent by John Brunner (Stand on Zanzibar, the sheep look up...) and by space op' writers gives many viewpoints and put the reader high above the fray. But it is sometimes puzzling or hard to follow. Was that not a hazard? Why did you choose these characters especially?

I. MD.:  Hazard, schmazard. Reading me is like going on a demanding date. You have to spend time with me, buy me a couple of expensive drinks, shower me with attention, good dinner.  You don't get a fuck on the first date.  Maybe not the second either. I'm after a relationship, honey. I find people who skim and speed-read baffling: what are they reading for?  To have completed a book and ticked it off their 'to be read' list?  If I read a book it's because I want to read it, not to have read it.  To get to the end? You don't lead your life like that -sliding through it as smoothly as possible to get to the end. Don't read a book like that. It's a journey, not a destination.
To some readers, multiple viewpoint characters can be like speed bumps -slowing down their slick progress.   Making them have to readjust. I've always liked multiple viewpoints.  Stand on Zanzibar was a huge inspiration when I read it years ago -I haven't re-read it since, I may not. I wonder if it still stands up?  I find it a useful way to explore a big world. No one gets the world all at once.  No one knows everything.   Different eyes see things differently.  There are many interpretations and impressions of what's going on, and each character will have hold of a different piece of the big puzzle.  The reader will be in possession of information that other characters will not be -but without having to throw a big fat info dump.  To be honest, it's no different from much TV drama from the US, which can have many storylines and viewpoint characters. It's easier on television because we can see the characters and because of the way our perceptions are structured, it's a much more effective trigger of memory than reading a name.  But the chief reason for using the technique in RoG was because the old Indian/Arabian myth of the blind men and the elephant -each of them, never having experienced an elephant before, touches and different part and thinks what he has hold of is different from everyone else.  India's too big and complex and diverse for one simple, straight-ahead character to get all of. I did feel it necessary to put in some Western POV characters to ask questions and take the outsider's viewpoint -I'm not so sure I would do that now.

Cyberabad days (7), because it's a collection, focus on one character in each short story. Did you intend to revisit 2047 India in this different way compared with River of gods? 

I. MD.: There was much much more in the world and many more stories to be told. There were fragments from my research trips that were fantastic but didn't fit the scheme of the story -'The Little Goddess' was one- but was just so fantastic and poignant and cast such an eye on my fictional world that I had to use them. What happens to you after you stop being a divinity?  Also, a reviewer whose opinions I respect commented, 'there's nothing to stop this (ie: the events at the end of the book) happening again'.  That gave me the idea for the concluding novella -written specially for the collection, 'Vishnu at the Cat Circus'.  The approach is still from many points of view, they're just separated out into individual stories. They're told in more or less chronological order, but they overlap (of course, the characters never know each other) and sometimes parallel the events of RoG.

For the French readers who have not read Cyberabad days, The little goddess tells the story of a little girl who falls from a position a traditional goddess, chosen and worshiped for she is perfect by many signs, and manages to become again a goddess again in a modern way because she owns the knowledge of five evolved aeias.
Vishnu at the cat circus is an amazing novella: it enlightens the events of RoG by the different point of view of the narrator. He is a Brahmin and we can follow his life before, during and after the Kunda Khadar crisis that takes place in River of Gods. A Brahmin is a person whose life last twice as much as a normal one and who becomes twice as intelligent in the same time. Reading this novella showed me how richer and more complex was the world of RoG, in social, bio-engineering, AI-engineering, media and economics fields. It also explains and details its Technological Singularity at the end. River of Gods may then be one of the major novels of these last years: Rainbows' end, the manifold trilogy #1 and Accelerando all in one.

Did you write this novella to complete
River of gods or to explain what the real stakes were?

I. MD.: I wanted to have an original novella in the collection so readers would be getting something they couldn't get anywhere else.  It seems to be standard in collections these days -a little sweetener. The one group from RoG I hadn't explored were the 'Brahmin's: the genetically engineered children of the powerful and sharp-elbowed Indian middle class. I was interested in the idea that biotechnology could directly translate economic success into genetic success -and that success would pass on down through the generations. The obvious thing then was to give Vish, the title character, all the advantages -including a longer life, though he ages half as fast as baseline humanity does-and then take them away, as a different kind of technology changes humanity and he becomes obsolete. It's a good viewpoint from which to observe the massive changes to society - Vishnu does.
This brings me round to your point about the world of RoG. In a way it isn't a 'science-fictional' future.  It's not a world where the only social changes are those necessary to support the SF idea -the 'novum'-that powers the story. This is a future where everything is different, where there are dozens of new things happening.  I always thought of RoG as a social novel -set in a future society (part of the reason for the wide ranging cast of characters, who run from a political advisor through a middle class cop to a criminal from the slums). RoG may not focus on all of the aspects of that society in equal detail, but they are there, and in the story collection I had room to explore them.

As it was in Brasyl, but not only, River of Gods deals with nanotechnologies. They may appear, in our future, sooner than we think. So this is it? Nanotechnologies are about to spread in our lives and change our political, economical, religious and social way of life?

I. MD.: It does seem to be a technology I keep coming back to. Perhaps because it is happening right now, but not in the way science fiction thought it would -it's not one thing in the way that mobile phone technology (and I include mobile computing) is one thing.  It's part pharmaceuticals, it's part materials science, its part synthetic biology, part chemistry. And it doesn't have one use or application; it has many many uses, not all of them immediately apparent.  Yet we live with the benefits of nanotechnology every day, in everything from delivering drugs inside fullerene molecules to the use of silver nanoparticles to keep your sportswear bacteria-free and carbon nanotubes in racing bike construction.  There are many different uses.  SciFi (rather than SF) has conditioned us to think of nanotechnology only in one way -tiny replicating robots, grey goo, Star Trek 'nanites'. That's fun, but it's not the nanotech we're getting it. It's like the difference in between the Giant! Computer!  Braaaaiin! familiar from 1960s and 70s scifi, and what we were really getting at the time -little handheld calculators, some of which were programmable. The market is a great tamer of technologies.   In Dervish House, the nanotech is low-key and ubiquitous and people use it all the time, every day. It infiltrates their lives to such an extent that they don't to refer to it any more than we do the computing technology with which we surround ourselves.  In Vishnu at the Cat Circus, I release nanotech computers loose into Vishnu's world. Omnipresent cloud computing. The effect that would have on human society -or everything we know about ourselves, is incalculable. Likewise, in Dervish, the Ceylan-Besarani transcriber is a read-write head for DNA -basically turning junk DNA into computer memory. I like tech that gets inside you -that changes you -and the world-from the inside out.

As in Sanjeev and Robotwallah and the little goddess, River of Gods questions the relationship between human kind, nanomachines and AI. This is a post-cyberpunk topic. The relationship between human beings and AI are about to be complicated anyway. Are you interested in this matter and did you want to highlight it in your novel?

I. MD.: I'm interested in other ways of being intelligent. It's pure human chauvinism to think that our intelligence is the only possible one -given the haphazard way in which it evolved -and given that we still don't understand what it is. Our evolved in response to a specific set of environmental and social constraints, and it strikes me that any artificial intelligence can only develop in response to its own environment. The great ASF trope of the 'brain in the box' has to have some world in which it finds itself and against which it can distinguish itself  --to be able to say 'this is me and this is not-me'.  Otherwise, what is it going to talk about?  An AI could certainly simulate being human, without being a human intelligence.  This for me is a point about the Turing test for artificial intelligence -that it should convince a tester who can't see the source of its replies to questions that it's human. Put a five year-old in that room and would the person at the other end of the line think it was human, or a computer? What about someone who is severely autistic? Yet, we recognise these people and intelligent and self-aware.  In RoG, the totally computer-generated soap-opera  is a sufficiently complex and rich world for an intelligence to develop -but, because I wanted to use the Hindu pantheon as a model, it arises in a hierarchical fashion -millions of sub-entities building into higher-level entities building up level upon level t the Generation Three AI.  (oops, should I have said 'spoiler alert?')  They're intelligent, but not as we are. Their sense, perceptions and environments are quite different from ours. I'm also interested in AIs being just as intelligent as they need to be, so you can have AIs that have the intelligence of a dog, or a cat, or a fly -which is about the intelligence of our combat drones at the moment.   Combat robots brings up Sanjeev and Robotwallah --I was interested in taking another SF cliché -the Japanese fighting robot thing (Japanese popular culture doesn't interest me anymore) -and Indianising it.  That seemed a lot of fun.

River of Gods deals with struggles: social, sexual, economical and technological. There are conflicts between evolved AI and human beings, between sexed people and nutes, between the Poor and the Rich (as Sacrifice of fools (8) dealt with the cultural and technological conflict between the Shi'an and Belfast Inhabitants),  between modernity and tradition. Does it always end up in a conflict?

I. MD.: Yes. For me it does. First rule of writing. No conflict no drama.  If you want me to expand on it, where you have unequal access to resources and young males you will have conflict and frequently violence. Where you have different social groups -whether divided by class, ethnicity or religions, you have difference and that is not something we are very good at living with -not on the group level.  So, I don't write utopias -they bore me. They're too clean. I'm suspicious of Utopias -I always suspect bodies in the foundations.  Nor do I write 'dystopias' (to use another over-used term) -I find them generally dull and simplistic. I think I write about the world as it is, somewhere between heaven and hell.

And for example (which is the main plot in Sacrifice of fools), the conflict between nutes (I remember Greg Egan briefly developed the idea in Distress) and sexed people is inevitable?

I. MD.:Sacrifice of Fools was the third part of an unofficial and unconnected trilogy about Ireland that started with  Roi du matin, reine du jour, then was explored further in Hearts, Hands and Voices / the Broken Lan (depending whether its the UK or US edition) and finished with Sacrifice.  The idea came from watching that old movie Alien Nation, which had a great idea -aliens -lots of aliens-come and settle among us as immigrants -in some ways similar to District 9, and like District 9, lost in badly in the second half, where Alien Nation just turned into another dumb drugs dealer movie.  So I took the idea and moved it to somewhere where that kind of social change might have big effects -Northern Ireland. So you have Protestants, Catholics, and a quarter of a million aliens -the Shi'an. Now, that's a great tool for exploring Northern Ireland sectarianism.   I think one of the spin-off stories was published in French Frooks I think.  The sex difference in Sacrifice was that the Shi'an only have sex twice a year -during seasons when they effectively come on heat-but when they have it, they haveit. And of course, the first thing humans do with any change, technological, social, economic, is try to get a fuck out of it. So there are humans in the book who are sexually attracted to the Shi'an -the frooks-- (and of course Shi'an who may exploit it) and being Northern Ireland, with our repressions and guilts both Catholic and Protestant, that's going to create a sexual underclass.  That conflict wasn't central to the book, but it was characteristic of living in Northern Ireland, where homosexuality was only made legal in 1982. I'll give you a moment for that to sink in.  I fear the world in general is moving to the right, to intolerance both religious and political.  Sexual minorities seem the last safe target for bigotry. 'Homophobic' is a much easier accusation to brush off than 'racist'.  In India, the hijras -the eunuchs who live as women-have a very special but at the same time, very restricted role in society.  It's a culture that has difficulty coming to terms with types of sexuality beyond heterosexuality , and which demand equal status in a society that still finds comfort and order in class, caste and recognised religious, social and sexual sub-cultures. This was something I wanted to explore with the nutes -what happens when a new sex -a third sex -appears and demands its own voice and place. Will larger society try and push the nutes into the same roles traditionally occupied by hijras, will new niches appear, will they become fully-integrated into society?

River of Gods brings out so many other questions but we unfortunately have to conclude. After The Dervish House, are you working on other projects?

I. MD.: Always busy. I'm well into the first part of a 3-book contract with Pyr for a YA series:  the Everness series (and it could run for a lot longer than 10 parts). It's fun. I'm not saying too much about it because I'm superstitious, and often too modest. I'm also putting together an outline for a new adult novel -which will be something a departure for me.  As I said, the new World Order sequence is over (well, I should get around the finishing the Chaga Saga sometime) and it's time to try something different, to push at what science fiction can do.  Over the past few books I've been aiming at what my editor at Gollancz Simon Spanton calls the 'lapsed Catholics' -people who read SF in their teens and twenties but drifted away because tastes changed, or they grew away from it, or it seemed stuck in a rut. The kind of people who read one science fiction book per year -read me. That's my writing strategy at the moment. So I've an outline for Hopeland, which is an alternative family saga that starts twenty minutes after you read this and ends in the mid 2020s. It's a family saga -but unlike most family sagas, which take place in time, generation after generation, this takes place spatially.  It's a big gamble. It's stupidly ambitious. We'll see. I like a challenge.

Thank you very much, Ian McDonald, we are looking forward to reading the Dervish House.

Entretien réalisé par email du 05 octobre au 18 octobre 2010.

Auteur : Manu B.
Publié le lundi 1 novembre 2010 à 18h00

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