A la rencontre de l'Arbre Vengeur, un éditeur bordelais
De l'imaginaire et de l'ArchéoSF !

Niché au creux de la Garonne, l'Arbre Vengeur est un éditeur bordelais qui publie toutes sortes de littératures, y compris de l'imaginaire. Nous sommes allés à la rencontre de David Vincent, un des créateurs de cette maison. 


 

David, peux-tu présenter en quelques mots ton parcours et comment tu es devenu éditeur ?

 

L’Arbre vengeur est un feuillu à deux branches, association d’un libraire (que je ne suis plus) et d’un graphiste (qui ne l’est plus seulement), Nicolas, qui ont eu envie de mettre en commun leurs envies, pour créer un jardin dans lequel ils seraient les seuls jardiniers sans avoir de compte à rendre à quiconque, sinon au soleil. Un quart de siècle en librairie permet de voir passer beaucoup de livres, d’auteurs, d’en voir apparaître et malheureusement disparaître, d’en défendre avec ardeur, et de ne jamais s’en lasser. Nicolas a de son côté une pratique du graphisme à la fois instinctive et réfléchie, soucieux d’une ligne qui ne nierait pas l’originalité. Nous avons donc associé un névrosé de la lecture et un obsessionnel de la forme, histoire de constituer un duo harmonieux...

 


Comment est née la maison d’édition l’Arbre Vengeur et pourquoi ce nom ?


A force de parler entre nous de textes qu’on ne trouvait plus a germé l’idée de nous y mettre à notre tour. C’était il y a près de vingt ans et commençaient à se développer des catalogues mariant la réédition et la nouveauté, soucieux d’une image et d’une indépendance au conformisme, ennemi qui guette ce monde de l’édition. Comme nous refusions absolument l’esprit de sérieux, nous avons trouvé un nom à la référence pas évidente mais qui disait notre souci des racines et laissait entendre la nature de nos caractères, pour le moins pas commodes. Et puis cette image qu’un bon livre est comme la vengeance d’un arbre mort nous amusait. Alors nous avons commencé en réalisant nos bouquins à la main, sérigraphie et massicot dans la nuit, car nous faisions cela en dehors de nos boulots respectifs (l’édition ne nourrit pas ses gens), sorte de loisir envahissant (surtout avec des cartons partout).

 


Quelle est la spécificité de cette maison ?


S’il y en a une, c’est ce souci constant de concevoir des livres qui se distinguent par leur ton, souvent décalé et insolent, sans jamais nous prendre au sérieux, ce qui n’interdit pas de le faire sérieusement. On entend trop de donneurs de leçons, de magnifiques hypocrites vendeurs de potages sans goût. Et puis aussi cette envie d’abattre les cloisons entre les genres, spécialité hexagonale, pour éditer des livres qui peuvent s’adresser à des publics différents qui ont tendance à s’ignorer. Nous ne croyons pas effective cette théorie des mauvais genres, un peu confuse, qui cantonnent certains textes dans des angles, les éloignant d’un public qui ne demandent qu’à les aimer. Un bon livre transcende l’étiquette qu’on lui colle.

Dans ton catalogue, quels sont les trois ouvrages qu’il faut avoir lus ?


Puisque j’ai affaire à des amateurs de SF, je serais tenté de citer L’homme que les arbres aimaient d’Algernon Blackwood, recueil qui permet de découvrir la palette de talents de celui que Lovecraft évoquait comme l’un de ses maîtres, un génie du fantastique qui se concentre sur l’inquiétude que la nature peut engendrer chez l’homme. Parler aussi de l’un des livres culte de notre catalogue La montagne morte de la vie signé Michel Bernanos, roman sans équivalent dans notre pays, imaginé au début des années 60 par un écrivain qui se suicida avant la parution de son chef d’œuvre absolu, histoire hallucinée de deux marins échoués sur une île plus que mystérieuse. Enfin nous nous lançons dans la réédition des grands romans de l’un des auteurs majeurs de la SF française des 60’s qui rivalisa avec les grands noms américains de l’époque, Francis Carsac, dont nous avons ressorti Ce monde est nôtre et Pour patrie l’espace, ce dernier préfacé par Laurent Genefort.

 


Comment l’Arbre Vengeur a-t-il vécu ces années Covid ?


Avec un masque mais en mettant les gaz ! Quelques uns de nos livres se sont fracassés sur les vitres des librairies fermées mais nous avons décidé d’aller de l’avant en ne repoussant aucun projet, même les plus ambitieux. La période nous met à l’épreuve mais autant prendre cela comme un pari et une manière de nous conforter dans notre volonté de ne pas mégoter sur la qualité.

Quels sont les projets pour la deuxième moitié de 2021 et 2022 ?


Tout d’abord une anthologie de référence signée du grand Serge LehmanMaîtres du vertige, qui propose pour accompagner la réédition de six textes une présentation qui devrait faire date dans l’histoire de l’analyse de la SF française, un essai de référence pour marquer notre attachement à l’Âge d’or de ce genre qui doit beaucoup à l’hexagone sans qu’on le sache trop.

Pour le deuxième semestre, nous allons aussi proposer des livres qui ont pour beaucoup un rapport avec le monde du rêve, territoire fabuleux de l’imaginaire trop peu exploité à notre goût (sinon par quelques charlatans…) : Un soir, un train de Johan Daisne, auteur flamand au fantastique allusif (avec une préface d’un autre Belge, Jean-Philippe Toussaint) ; L’ex-magicien de la taverne du Minho de Murilo Rubīao, un Brésilien encore inconnu en France qui possédait l’art de faire basculer le quotidien dans l’absurde le plus complet ; Direction étoile, un roman vintage français d’un auteur chéri, dandy et styliste, Francis de Miomandre, qui nous plonge sous les rues de Paris, le temps d’un trajet en métro, entre rêve et fantasme amoureux, un perle préfacée par Bernard Quiriny, bel auteur fantastique s’il en est. Et puis quelques autres trésors que nous peaufinons.

 


Que peut-on souhaiter à l’Arbre Vengeur ? 


De pousser droit et haut en prodiguant une douce ombre à ses lecteurs, de venger les bons auteurs oubliés en leur retrouvant un public et si possible renouvelé, de continuer à y croire comme au premier jour, il y a bientôt vingt ans, parce que l’imaginaire, il n’y a pas à dire, ça conserve !

 

On partage entièrement cet avis. Le monde a encore plus besoin d'imaginaire ! Merci David et longue vie à l'Arbre Vengeur !

Auteur : Nathalie Z.
Publié le mercredi 7 juillet 2021 à 08h00

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