Epique et prophétique
Le nouveau roman de Romain Lucazeau

Romain Lucazeau s’est fait connaître avec un colossal premier roman Latium en 2016 qui a reçu le prix Futuriales et le Grand Prix de l’imaginaire. Rien que ça ! Latium est un space opéra qui prolonge l’empire romain jusqu’à la conquête spatiale. Le roman écrit sous forme de dyptique est dense et exigeant, une œuvre de science-fiction française exceptionnelle. Mais l’auteur passionné d’histoire et agrégé de philosophie se tourne vers d’autres centres de réflexions et participe aux prospectives de la Red Team, cette fameuse équipe d’auteurs qui a réfléchi à des futurs possibles pour l’armée, pendant quatre ans.

Il revient aujourd’hui avec deux œuvres dans la collection Verso chez les éditions du Seuil : un ovni poétique nommé Langage Machine, des textes à la musicalité étrange, un recueil étonnant qui ravira les amateurs de poésie et de science-fiction.

Mais surtout, le pavé Vallée du Carnage que j’ai dévoré en quelques soirées. Annoncés pour le 27 septembre, soit dans tout juste un mois, ces deux ouvrages vont marquer la rentrée littéraire de l’imaginaire. Je précise que je découvre ces ouvrages en version non corrigée. Vallée du Carnage fait la part belle aux civilisations antiques tout comme Latium mais l’ambiance est radicalement différente car ici pas d’empire romain dominant mais un bassin méditerranéen partagé entre l’influence de Carthage et celle des Perses. Ici encore l’Antiquité ne s’est jamais achevée. Orode, le Roi des Rois, souverain de la Perse, décide d’envahir la cité libre d'Ecbatane et menace l’Occident avec son arsenal nucléaire. Face à ce tyran, Carthage, première puissance économique et militaire mondiale, se mobilise et regroupe ses alliés pour faire plier le Perse avec son arsenal à la technologie très avancée. La guerre est inévitable mais quel espoir reste-il si le conflit ne connait aucune limite ? Ce n’est plus une guerre classique mais une technoguerre, celle d’un futur pas si lointain pourtant placée dans une uchronie très finement composée. Le machiavélisme des décideurs est terrifiant.

Pas de morale ici, oubliez le droit international pour une violence tribale et des combats d’une horreur sans nom. Digne d’une tragédie grecque, le roman est terriblement d’actualité, une anticipation macabre et crédible, une réflexion sur la géopolitique actuelle de notre monde. La lecture ne vous épargnera aucune souffrance humaine et c’est tant mieux : la science-fiction est un genre qui favorise la prospective et le recul sur notre société, un moyen de faire prendre conscience des possibles les plus tragiques pour notre civilisation.

Le roman est dur, sombre et malgré un univers uchronique terriblement prophétique. A lire le coeur bien accroché et en ayant foi en l'humanité !