Un conte noir et subversif pour un automne frissonnant
Je ne suis pas ma mère. Je ne suis pas sa créature. Je ne lui appartiens pas.

Cordelia a 14 ans, elle est timide et n'est plus scolarisée. Solitaire, elle a du mal à s'affirmer et ne s'épanouit qu'à travers quelques balades à cheval. Elle vit dans une maison simple sans aucune porte car sa mère Évangéline contrôle absolument tout y compris parfois son corps grâce à un sort d'obéissance qui coince Cordelia au plus profond de son esprit.

Un jour, sa mère décide qu'elle doit déménager de toute urgence. Elle a trouvé une cible, le Squire qu'elle compte bien épouser. Évidemment ce n'est que pour assurer un avenir viable à sa fille affirme-t-elle, mais le fait que Cordelia doit bien se comporter et absolument plaire à ce Chatelain pour que le plan réussisse. C'est ainsi que les deux jeunes femmes débarquent chez le Squire prétextant un trajet difficile et la perte de leurs affaires pour se faire héberger chez le noble. Naïf et prêt à tomber amoureux, ce dernier a croisé Évangéline et semble ravi d'héberger les jeunes femmes. Mais dès le départ Évangéline ment sur l'âge de Cordelia qu'elle vieillit dans l'espoir de la caser le plus vite possible. La jeune fille découvre une maison où elle a le droit de fermer la porte de sa chambre et surtout la sœur du Squire, une dame célibataire qui la prend sous son aile et comprend très vite le jeu de sa mère. Mais comment empêcher le plan d'Evangeline d'aboutir alors que Cordelia ne peut parler de sa magie car personne ne la croirait. 

 

Dans son univers, les sorciers ne sont que des charlatans qui font quelques tours comme changer la couleur des cheveux ou modifier un cheval pour qu'il ait l'air fringant. Personne n'imaginerait une femme capable de prendre le contrôle du corps des autres. Pourtant si Évangéline réussit, Cordelia à la sensation qu'elle ne se débarrassera jamais de sa mère...

 

Ce conte se dévore grâce à un style et un rythme parfaitement maîtrisé. On est proche du fantastique du XIXe siècle avec une écriture extrêmement moderne. Comme dans son premier roman, l'autrice fait preuve d'humour mais également de grande finesse en abordant des thèmes extrêmement dur comme ici le cas d'une mère abusive. On a peur pour Cordelia et en même temps on se régale des manigances de sa mère. L'ensemble des personnages est très bien écrit et forme une galerie autour de la jeune fille et de la sorcière qui représente des attitudes différentes face à la domination. Comparée à Stephen King, T. Kingfisher est désormais habituée aux prix littéraires avec déjà un Hugo, un Locus et un Nebula dans son escarcelle.