Critique La Fiancée de Frankenstein #2 [1935]
Avis critique rédigé par Bastien L. le dimanche 19 mars 2023 à 09h00
Les noces funèbres
Souvent considérée comme une des meilleures suites jamais faîtes, La Fiancée de Frankenstein est avant-tout une œuvre fascinante dont on recommande toujours la vision près de 90 ans après sa sortie.
Sorti en 1931, le classique Frankenstein fut une réussite totale pour les studios Universel donnant le coup d’envoi pour son âge d'or du film de monstres comme d'épouvante. Une ribambelle d’œuvres cultes suivirent telles que Dracula, La Momie ou encore L'Homme invisible réalisé par James Whale déjà responsable de Frankenstein et qui rechignait pourtant à mettre en scène sa suite. Il fallu au producteur Carl Laemmle Jr. une grande force de persuasion ainsi que la promesse d'une totale liberté pour convaincre l'Anglais de donner vie à cette fiancée. Le réalisateur pu ainsi dicter ses choix en ce qui concerne le scénario (de nombreux projets avortés et l'utilisation de deux scénaristes au final) comme la direction artistique ou encore les personnes qui l'entourent. James Whale fit par ailleurs confiance à la même équipe technique à commencer par le maquilleur Jack Pierce comme aux mêmes acteurs avec les retours devant l'écran de Boris Karloff en monstre et de Colin Clive en baron Frankenstein. Ils furent accompagnés par les nouveaux venus Valerie Hobson (en remplacement de Mae Clarke pour incarner la femme de Frankenstein), Ernest Thesiger (un proche de Whale) et surtout de Elsa Lanchester dans un double-rôle iconique. Après un tournage début 1935, le film sortit sur les écrans du monde entier (non pas sans subir quelques censures) la même année pour devenir un indépassable classique du cinéma d'épouvante voire du cinéma tout court.
Le film commence directement après la fin de Frankenstein alors que les habitants d'un village de Bavière viennent de mettre le feu à un moulin où s'était réfugié le monstre (Boris Karloff) créé par le baron Henry Frankenstein (Colin Clive) qui est lui sauvé. Pensant leur victoire acquise, les habitants s'éloignent mais le monstre traumatisé a survécu et va engendrer une série de cadavres derrière lui surtout quand les villageois recommencent à le poursuivre. En parallèle, Frankenstein retrouve sa jeune épouse Elizabeth (Valerie Hobson) encore sous le choc de sa rencontre avec le monstre. Le couple reçoit la visite d'un ancien professeur de Frankenstein, le docteur Pretorius (Ernest Thesiger) qui souhaite que son élève poursuivre ses travaux sur la création de la vie à partir de cadavres. Le docteur est une sorte d'alchimiste qui a réussi quelques exploits sans pour autant atteindre le niveau de son élève dont il sollicite l'aide. Frankenstein est ainsi tiraillé entre son envie de paix et ses démons de scientifique avide de créations. Pendant que le monstre tente de survivre dans les bois, Pretorius souhaite plus que tout lui créer un pendant féminin (Elsa Lanchester).
Comme les grands classiques Universal de l'époque, La Fiancée de Frankenstein est une œuvre assez courte (75 minutes) dont le côté épouvante n'est plus vraiment efficace de nos jours. A moins d'être très jeune ou très impressionnable, le film ne vous fera pas frissonner ce qui n'empêche en aucun cas de l'apprécier. Le film propose avant-tout la trajectoire opposée entre Frankenstein et sa créature tous deux en quêtes d'humanité. Le premier va s'apparenter à un drogué de la science ayant tellement peur de replonger tiraillé entre sa bonne conscience sous les traits de sa femme et ses démons personnifiés par le tentateur Pretorius. De son côté, la créature va devoir s'accepter en tant que telle tout en découvrant les bienfaits de l'amitié auprès d'un vieil ermite (O.P. Heggie) s'humanisant peu à peu. Ainsi le film permet d'aborder les thèmes des affres de la solitude comme de la bioéthique avec les deux scientifiques se prennant pour des divinités à vouloir créer la vie par eux-même. James Whale y va aussi de sa critique des effets de foules aux conséquences irréfléchies et meurtrières à travers les villageois ou encore sur la violence du rejet des différences. Le tout est évidemment empaqueté dans un récit très divertissant multipliant les péripéties et autres scènes chocs tant la créature laisse un paquet de cadavres sur son chemin. On pourra juste trouver le final assez frustrant tant il apparaît expédié au moment où cela devenait le plus intéressant... Enfin, il est assez intéressant de noter que cette suite use de ce qu'on appelle aujourd'hui le fan service mettant notamment en scène l'auteure originale de Frankenstein, Mary Shelley (Elsa Lanchester) nous racontant brièvement les événements du premier opus. Ou encore le baron Frankenstein n'hésitant pas à hurler sa célèbre réplique « It's Alive ! » devant un public de l'époque qu'on imagine conquis.
Une des principales différences avec le premier film est à trouver dans le ton abordé. La suite propose bien plus d'humour à travers notamment le rôle de la gouvernante (Una O'Connor) ainsi que l'humanisation du monstre qui nous arrache aussi quelques sourires. Le film frôle même parfois le loufoque avec les créations de Pretorius. La Fiancée de Frankenstein est aussi un film sublime en tous points. Un chef-d’œuvre gothique dont le noir et blanc est magnifié du début à la fin. Les décors sont magnifiques par leur côté inquiétant et macabres en étant toujours bien mis en valeur. On pense évidemment au laboratoire de Frankenstein et son incroyable machinerie ou encore le cratère du moulin au début du film. Sans oublier les cimetières et autres cryptes où rôdent Pretorius et ses sbires... Et comme pour le premier film, Jack Pierce s'est surpassé en ce qui concerne les maquillages avec un monstre encore plus travaillé et surtout affichant les stigmates de l'épisode du moulin. Et que dire de l'iconique maquillage de la fiancée du monstre ? Cette macabre Néfertiti (influence assumée de son apparence) à la chevelure pourtant improbable s'imprime littéralement dans notre mémoire de cinéphile par son étrange beauté glacée. Il faut aussi saluer les incroyables effets spéciaux qui tiennent encore largement la route aujourd'hui entre la mise en scène des créations miniatures de Pretorius, l'incroyable séquence de création de la fiancée ou encore l'explosion finale... Bref, une production de qualité à tous les étages.
Ce qu'il y a d'appréciable à notre époque, c'est de pouvoir disposer d'un confort de visionnage à la maison permettant d'apprécier le film dans toute sa splendeur. L'excellente version blu-ray sur une TV HD permet de rendre justice à l'incroyable mise en scène de James Whale. Bien aidé par son directeur de la photographie John J. Mescall, le réalisateur anglais offre un travail sur le noir et blanc absolument génial. Les jeux de lumières permettent souvent de révéler l'âme de ses personnages comme l'ombre de flammes se superposant à la silhouette de Pretorius lors de sa première apparition appuyant son côté diabolique. On peut aussi citer les cadrages serrés du monstre et de l'ermite pour souligner la chaleur de leur amitié naissante ou encore sa mise en scène se faisant plus déstructurée (montage plus rapide, angles de plus ou plus abscons) durant la séquence de la naissance de la fiancée. On assiste donc avec grand plaisir au travail d'un génie qui a su mêler avec noblesse un spectacle populaire et une grande sensibilité artistique. Pour ce qui est des comédiens, il faut évidemment citer Boris Karloff (Frankenstein, Le Chat noir...) qui réussit parfaitement à rendre son monstre aussi attachant que menaçant s'avérant aussi touchant dans sa découverte de sa propre humanité. A ses côtés, Colin Clive (Frankenstein, One More River...) rend parfaitement compte des tourments intérieurs de Henri Frankenstein dans un de ses derniers rôles avant sa mort prématurée. Quant à Ernest Thesiger (Le Fantôme vivant, Une soirée étrange...) il incarne parfaitement son rôle de gentleman salaud proposant ainsi un méchant réellement délectable. Certains seconds rôles ressortent comme l'excellent Dwight Frye en acolyte immoral tandis que Valerie Hobson (The Mystery of Edwin Drood, Le Monstre de Londres...) s'avère convaincante en Elizabeth malgré un rôle peu consistant. Enfin, la sublime Elsa Lanchester (Les Vies privées d'Henri VIII, Fantôme a vendre...) laisse d'abord parler son charme insolent en Mary Shelley avant d'incarner une fiancée splendide et apeurée toute en animalité rendant son rôle encore plus iconique.
La conclusion de Bastien L. à propos du Film : La Fiancée de Frankenstein #2 [1935]
Véritable classique du cinéma de genre, La Fiancée de Frankenstein est avant-tout une œuvre sublime réalisée d'une main de maître par James Whale ayant réussit à y insuffler des thèmes puissants comme à créer des images inoubliables. Malgré un côté un peu frustrant, le métrage nous fait aimer les monstres comme jamais en les dépeignant comme toujours plus humains que les savants fous qui les créent ou le peuple qui les pourchasse. Un film ayant gravé dans le cœur des cinéphile les noms de Boris Karloff et de Elsa Lanchester témoins d'une direction artistique incroyable.
On a aimé
- Un scénario profond
- Une direction artistique incroyable au service de comédiens attachants
- Une mise en scène superbe
On a moins bien aimé
- Ne fait plus vraiment peu aujourd'hui
- Les créations un poil loufoque de Pretorius
- Une fiancée faisant un peu de la figuration
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