Critique Héritage #3 [1997]

"Je me trouvais au bord du puits d'accès sud, agrippé à une filière de maintenance. Pour la première fois de ma vie, je regardais les étoiles par-delà la masse du Chardon..."
Olmy doit remettre ça. Il est de nouveau investi d'une mission pour le moins périlleuse: sur Lamarckia se répand d'étranges rumeurs, là où l'homme a entrepris de s'installer voilà des décennies; or, cette planète est couverte d'une flore et d'une faune que les hommes n'arrivent toujours pas à comprendre, des êtres couvrant des hectares et des hectares. Olmy devra découvrir comment l'homme peut bien s'adapter à de tels écosystèmes...
Héritage est la suite d'Eon et d'Eternité, deux romans mettant en scène un gros caillou, venu de l'espace en orbite autour de la Terre, dont l'homme va s'échiner à explorer l'intérieur habité et abandonné. Et pourtant, Héritage, à part la relation ténue avec Eon par le biais du personnage Olmy et de la Voie, se situe à des éons du Chardon. Alors pourquoi avoir inscrit ce roman dans le même univers ? Intéressante question mais qui ne vaut qu'on s'y appesantisse plus que ça. Le fait est que ce roman est indépendant de l'histoire du Chardon. On n'y fait d'ailleurs presque pas allusion. Passons donc à l'histoire en elle-même. En 1995, Greg Bear vient de terminer le deuxième volet de sa seconde trilogie (l'envol de mars, suite de la reine des anges) dans un monde très noir, empruntant quelques éléments au quasi défunt genre cyberpunk, et cherche à changer d'environnement. Il cherche à trouver un air peut-être plus pur. Cette orientation vers l'écologie est de mode, puisque Bruce Sterling (l'un des fondateurs du cyberpunk) écrit gros temps, un roman décrivant les méfaits du changement de climat après des années de pollution. Dans la même période, David Brin (avec qui Greg Bear forme l'un des killer B's) entame son cycle rédemption (suite de marée stellaire et Elévation). Autant dire que l'écologie est au centre de la vague créatrice de la SF américaine. Or la question dans ce roman est de savoir comment l'homme pourrait s'adapter à un environnement qu'il ne pourrait pas maîtriser, un écosystème totalement hors de contrôle ou presque. Quel serait le pari de ces hommes dans ces conditions ? A partir de là, Bear nous construit une enquête (à l'instar d'Eternité) qui va nous plonger au coeur même de l'écologie de cette planète, avec un système vivant et interagissant avec ce que l'homme essaie d'édifier. Malgré quelques longueurs, le lecteur se fait happer par l'intrigue de plus en plus complexe et les mystères grandissant autour des morts sur lesquels Olmy butte tout au long de son chemin vers la vérité.
Héritage est au final un roman bien construit, dont le rythme passe du soutenu au statut quo; Greg Bear étonne une fois de plus son lectorat en l'entraînant dans le thriller et même parfois l'horreur.