Critique Vision aveugle [2009]
Avis critique rédigé par Manu B. le lundi 14 mai 2007 à 13h33
Un peu d'humanité... (VO et VF)
"ça n'a pas commencé par ici. Pas avec les brouilleurs ou le Rorschach, ni avec le Big Ben, le Thésée ou les vampires. la plupart des gens ordinaires diraient que tout a commencé avec les Lucioles, mais c'est une erreur. ça s'est terminé avec toutes ces choses..."
Un siècle dans notre futur, la Terre est le lieu d'un étrange phénomène lumineux sur toute l'étendue du ciel, qui on l'apprend bien rapidement est une manifestation intelligente et étrangère à notre système solaire. Une équipe pacifiste est envoyée à proximité du nuage d'Oort là où un objet inconnu a été identifié. Pour éventuellement communiquer avec une forme de vie étrangère. Or cette équipe n'est pas à franchement parler représentative de l'humanité: un vampire à l'intelligence deux fois grande qu'un homme normal, capitaine d'un vaisseau géré par une IA, une linguiste dont le cerveau abrite quatre personnalités différentes, un(e) soldat(e) plus ou moins pacifiste, un biologiste bardé de senseurs qui le classifient plus dans le genre cyborg qu'humain, et un synthétiste dont la moitié du cerveau a été remplacée par une prothèse synthétique. La destination de ce voyage risque de leur réserver une multitude d'expériences pour le moins désagréables...
Peter Watts est l'auteur canadien de la série de Starfish, commencé en 1999 par Starfish, puis Maelstrom (2001), Behemoth B max (2004) et Behemoth Seppuku (2005). Assez peu connu en France puisque non traduit jusqu'à présent, Peter Watts a écrit en 2006 Vision aveugle qui a été nominé aux Hugos en 2006. Un gage de qualité ? Peut-être bien, après la récompense du Hugo du meilleur roman attribué à l'excellent Spin l'année dernière; il semblerait que la qualité revienne en force. Ce roman paraît au mois d'avril 2009 aux éditions Fleuve Noir dans la collection Rendez-vous Ailleurs.
A la lecture de ce roman où les termes techniques abondent, non pas pour perdre le lecteur dans les détails, on sent tout de suite que l'auteur s'appuie sur sa solide formation de biologiste. Mais pour les allergiques à la hard-science, sachez dès maintenant qu'à l'instar de Spin de R. C. Wilson, ou bien d'autres romans de Greg Benford il y a quelques années, la hard-science n'est plus là que pour servir et mettre en avant les personnages. L'aspect scientifique est bel et bien présent, mais reste néanmoins secondaire dans l'intrigue principale. Ce qui nous intéresse ici, ce qui a probablement intéressé Peter Watts, c'est le côté psychologique voire philosophique de la chose.
Ceci dit, la réalité proposée par l'auteur est d'un côté assez sombre: il y est question d'une semi vie, mort biologique du corps mais existence dans un monde virtuel où les gens peuvent évoluer et communiquer avec les autres pensionnaires de cet univers appelé Heaven. Un monde fantoche que les humains du vrai monde considèrent parfois comme un gros fake. C'est le cas du narrateur, dont la mère a intégré Heaven. Ce gamin qui, à cause de terribles crises d'épilepsie a dû se faire amputer de la moitié de son cerveau, n'a gardé que la moitié la plus analytique. Du coup, ce qui aurait dû être un drame pour lui n'est pas perçu comme il aurait dû l'être pour une personne normale. Il s'est déhumanisé. L'adulte qu'il est devenu est synthetiste ou observateur objectif. Il est du coup le mieux placé pour faire un rapport détaillé de l'événement le plus crucial de l'humanité: aller à la rencontre d'une forme de vie inconnue. Il sera le rapporteur. Or, l'équipage qu'il accompagne semble composé d'humains très en marge tout en restant le plus compétent. Saura t-il être à la hauteur de la tâche ?
Ainsi, Peter Watts nous pose la question de notre appartenance au monde, en redéfinissant notre essence même d'humain. Nous n'existons de toute manière que par rapport à notre environnement, et vivons, agissons et réagissons qu'en fonction de ce qui trouve en dehors de soi, en fonction des stimuli extérieurs. Or, nous dépendons de nos sens de perception (vue, ouïe, toucher, odorat et goût) qui véhiculent tout message vers notre cerveau qui interprète et synthétise. Mais si l'on court-circuite ce dernier, si l'on modifie les données, la mémoire, lieu qui donne corps à notre conscience individuelle, que se passe-t-il ?
Vision aveugle est un phénomène où la personne ne peut pas voir de manière consciente tout ou une partie de ce qui l'entoure, mais où elle se comporte comme si elle pouvait voir.
Note après la lecture de la traduction: trois ans après sa lecture en version originale, le plaisir est le même. On y retrouve le sentiment d'isolement (une atmosphère assez proche de celles de Rendez-vous avec Rama en littérature et d'Alien au cinéma) dans ce vaisseau peuplé de "monstres" humains", seuls êtres capables d'affonter l'inhumanité qui se cache dans l'espèce de rocher appelé Rorschach. On y retrouve également toute la problématique de la communication entre êtres d'espèces différentes dans le cas d'un éventuel contact, où un geste de paix peut vite se transformer en geste hostile. Il y a aussi l'expérimentation du blindsight, c'est-à-dire le fait que vos yeux (ou vos sens, en général) percevoivent un objet mais que votre cerveau vous le retire à votre perception: l'objet est devant vous mais vous "oubliez" de le voir. Enfin, et on y revient souvent, il y a ces réflexions autour de l'humanité et ce qui définit l'intelligence. Voilà un roman aussi passionnant en version originale qu'en version française, grâce à Gilles Goullet, ce qui s'avérait franchement compliqué à partir du texte original.
La conclusion de Manu B. à propos du Roman : Vision aveugle [2009]
Blindsight est un roman qui force la réflexion et nous interroge sur notre position au centre des hommes, du monde, de notre univers. Voilà un roman très atypique mais extrêmement enrichissant.
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