Critique Le Vaisseau des Voyageurs [1992]

"Ce soir, déclara le président des Etats-Unis, de par le monde, les hommes tournent leur regard vers le ciel, et une foule de questions se pressent à leur esprit..."
Alors que le monde est au plus mal, que les guerres perdurent sur Terre, que la situation économique est préoccupante, que la situation géopolitique est de plus en plus compliquée, avec un climat complètement déréglé, bref, que la vie suit son cours habituel, un gigantesque vaisseau alien apparaît dans le ciel du jour au lendemain et sans aucune explication. Pire: sans aucune action ou réaction visible, ni agressive, ni amicale. Le calme plat. Après les premières angoisses inhérentes à ce bouleversement de la planète, la vie reprend son cours jusqu'à cette nuit (ou jour selon la position sur le globe) où l'humanité tout entière tombe dans un profond sommeil et rêve. Dans ce rêve, on propose aux hommes de faire partie du vaisseau, et gagner par la même occasion l'immortalité tant espérée. Il n'y a qu'une condition: renoncer à sa condition humaine en termes d'individualité et d'enveloppe physique. Il faut également quitter la planète pour intégrer le vaisseau. Au réveil de cette nuit sans cauchemar, un humain sur dix mille a refusé de faire le transfert. Et comme ce dernier ne se fera pas instantanément, il va falloir, pour ceux qui ont refusé le contrat, vivre et espérer maintenir la civilisation sur une Terre de plus en plus désertée...
A l'instar de nombreux auteurs qui ont traité le contact de l'humanité avec une entité extra-terrestre -citons Arthur C. Clarke (RV avec Rama), Greg Bear (Eon) et plus proche de ce récit: Robert Reed (la voie terrestre)-, Robert Charles Wilson a succombé au thème facile de l'arrivée d'un vaisseau à proximité de la Terre. Si les auteurs précités s'en tirent plutôt bien, nul doute que le filon a été épuisé depuis leurs romans respectifs, lors de la parution de cette œuvre en 1992. Si bien qu'avec le vaisseau des voyageurs, on a l'impression de redite et de manque cruel d'imagination.
C'était sans compter avec le talent de conteur de Robert Charles Wilson. Car, on le verra plus tard avec ses romans suivants, la thématique n'est pas forcément le point fort de ses romans. (Mettons que l'idée de départ de Darwinia et des chronolithes est assez originale). Il reviendra d'ailleurs avec l'humanité face à la menace d'origine extra-terrestre dans Spin. Le vaisseau des voyageurs est aussi un roman centré sur des personnages. Ces derniers se seraient trouvés à l'aube d'un cataclysme naturel (climat ou virus) condamnant la Terre, l'histoire aurait été la même. Il met l'accent sur les interactions des personnages en période de crise et à leur façon de la gérer. S'enchaînent tout un tas de liens affectifs, de rapports de force, de luttes pour le pouvoir. Et ce, dans une communauté restreinte. Une fois n'est pas coutume, le côté psychologique est mis en avant. Là où l'écrivain canadien pêche par manque d'ambition littéraire, c'est en y mettant des personnages caricaturaux, dont le gentil médecin et le méchant colonel à la retraite. Cela alors qu'il nous décrivait de beaux personnages comme la fille de ce médecin, très simplement. L'autre point noir est l'histoire, inhabituellement longue chez lui, ce qui est généralement mauvais signe.