Critique Unica [2007]

"Si par hasard vous croisez, n'importe où dans le monde - à l'aéroport de Chicago, par exemple, les flics y sont très gentils avec les enfants, ils leur donnent toujours des badges amusants-, une petite fille vêtue de noir coiffée d'un béret, un attaché-case à ses pieds, et qui lit avec intensité, en suçant son pouce ou en buvant du jus de tomate avec une paille, le Traité du désespoir de Kierkegaard, il y a pas mal de chances pour que ce soit Unica..."
Récit à la première personne. Herb est un flic, mais pas le genre qu'on peut rencontrer au coin de la rue. Le coin où on peut le trouver est plutôt du genre pixélisé, plein de jeunes gens prépubères, mis en scène dans des scénarii assez gerbant. Herb est un cyberflic, hacker reconverti et repenti, dont le seul trip est de se faire des cyberpédophiles. Facile pour lui, puisqu'il baigne dans le milieu depuis un bon bout de temps. Mais pas pour les raisons que vous imaginez. Ce n'est pas un pervers, c'est un chercheur. Il cherche sa soeur disparue depuis qu'il est tout jeune, un manque qui l'a poussé à fouillé la toile, les sites pédophiles pour y retrouver un indice, une preuve, l'espoir qu'elle est toujours en vie. Mais il s'est fait pincer. Et pour éviter la prison, il a accepté de traquer les pédophiles de la toile. Un jour, il est précédé dans une de ses arrestations, de peu. Et le cyberpédophile est retrouvé avec une puce miniature dans le crâne et les yeux complètement cramés...
Récompensée par le Nouveau Grand Prix de la Science Fiction (kesako le NGPSF ? Jamais entendu parler avant ce roman, mais nul doute qu'oncle Joe, Kurt Steiner, Quarante-Deux et tout le jury ont bon goût puisqu'ils avaient récompensé le goût de l'immortalité de Catherine Dufour l'année dernière!), Elise Fontenaille n'avait jamais écrit de roman SF. Cette journaliste travaillant à Vancouver n'a pourtant que cinq romans à son actif, mais dont la critique salue par une écriture cinglante, dont la gommeuse. Unica est sa seule incursion dans la SF, et gageons que ce ne soit pas sa seule expérience dans le "roman d'anticipation". Après tout, elle a reçu un prix, non ?
Le thème du roman ? La cybercriminalité et en particulier la pédophilie sur internet. Sujet brûlant et hyper sensible, ces dernières années: sujet casse-gueule s'il n'est pas maîtrisé. L'auteur prend ici quelques précautions en ne traitant que de sites dans lesquels les actes de barbarie ne sont que virtuels et pas de sites de photos ou vidéos avec de vrais gamins ou gamines dans des scènes pornographiques, ce qui n'empêche pas de dénoncer la pédophilie en général. C'est joliment (con) tourner le problème sans jamais tomber dans le sordide, car l'intrigue se concentre rapidement sur le personnage d'Unica, une gamine de onze ans environ, aux mèches de cheveux blancs.
Mais ce qui donne toute la force à ce court roman est le style d'Elise Fontenaille: percutant semble résumer cette façon si particulière de bousculer le lecteur, au delà du thème. En outre, elle imprime un rythme à son histoire qui l'asservit et dont les personnages vraiment atypiques et pourtant très humains le fascine. Car au final, Unica se lit d'une traite. Même si le lecteur éprouve un malaise à la lecture de passages limites, Unica est un exercice maîtrisé de bout en bout.