Critique La Voix du Feu [2008]

Alan Moore, génial scénariste à qui l'on doit les fabuleux comics Watchmen, V Pour Vendetta ou encore From Hell, livre son premier roman. Il a pour thème sa ville natale Northampton en Angleterre. Il nous propose autour de plusieurs chapitres, qui tiennent plus de la nouvelle d'ailleurs, de suivre l'histoire mâtinée de fantasmes et de fantastique de cette ville anglaise. Ainsi on retrouvera le récit d'un homme préhistorique simple d'esprit chassé de sa tribu et qui doit découvrir le monde, celui d'une femme qui va rencontrer un étrange individu shamanique capable d'incarner un village à lui seul, celui d'un homme qui découvre avec stupeur la disparition de son campement, celui d'un romain qui découvre dans une pièce de monnaie le déclin de son empire, celui d'un croisé qui veut construire une église ronde envers et contre toutes les superstitions, celui d'un vendeur de jarretelle qui cherche à justifier sa polygamie jusqu'à une nouvelle sur l'auteur lui-même.

La première chose qui frappe est forcément le premier chapitre de l'homme préhistorique qui cherche à décrire son monde avec un vocabulaire très restreint. Ce n'est pourtant pas un parti pris stylistique qui ne sert qu'à l'esbroufe, mais qui sert bien ici le texte et l'immersion dans l'époque. Très dur à aborder, il en reste cependant compréhensible, ce qui n'en est pas moins un tour de force de l'auteur. Ainsi chaque époque va avoir une sorte de langage bien à lui, et chaque nouvelle bénéficie d'une atmosphère bien spécifique et très bien rendue qui permet aux lecteurs de traverser les âges. Cependant toutes les nouvelles ont comme de fins liens qui les unissent, avec une pincée de fantastique qui permet non seulement de rendre palpable une certaine dimension de la ville, mais aussi de bien démontrer qu'à travers les âges, la ville de Northampton évolue comme le tableau d'un peintre qui rajoute par petite touche de son pinceau des éléments à son tableau. Le tout comme le rappelle la quatrième de couverture et la préface de Neil Richard Gaiman, formant un cercle, reliant les époques et transcendant les temps pour offrir une vision d'ensemble plus grande que la somme de ses composants.

Chaque histoire et chaque narrateur ont leurs propres particularités dues à leur temps ou leur état tant physique que mental. Ce qui est d'ailleurs le grand point fort du roman de Alan Moore qui  touche en plein dans ce qu'il visait à dépeindre au seul talent de conteur qu'il nous offre. L'écriture (et la traduction de Patrick Marcel) est splendide et pleinement maîtrisé, avec un coup de chapeau pour la magnifique nouvelle « confessions d'un masque » qui ne manquera pas de nous rappeler le bon souvenir de lecture de V Pour Vendetta.